Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Goldberg attire l'attention de M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur la loi promulguée le 1er août 2003 dite loi Borloo qui affiche un objectif dans son article 1er « réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires ». L'Agence nationale de rénovation urbaine est chargée du suivi de ce vaste chantier. Elle doit veiller au respect de certains principes dont celui du « un pour un » un logement social reconstruit pour un logement démoli. Le projet ANRU conclu à Montluçon, ne respecte ni la philosophie édictée dans l'article premier de la loi du 1er août 2003 ni le principe du un pour un. En effet, le périmètre actuel du projet retient quatre quartiers, Fontbouillant, Dunlop-Pré-Gêné, La Rive gauche du Cher - Bien-Assis. Plusieurs quartiers non compris dans le périmètre de l'ANRU connaissent aujourd'hui de grandes difficultés. On peut notamment citer Pierre Leroux, Rimard, Pierre Loti, Villars... Dans ces quartiers, les cités HLM auraient besoin en urgence d'importantes réhabilitations. Au lieu de cela, le projet actuel prévoit selon les propres termes du maire de Montluçon, repris par la presse et divers supports de communication la réalisation des « Champs-Élysées » de Montluçon dans un quartier qui a sans doute besoin d'être développé mais n'est pas, loin de là, le plus en difficulté. Il est par ailleurs à noter que le projet ANRU finance la réhabilitation d'une artère en coeur de ville, l'avenue de la République, qui n'a manifestement rien à voir avec le logement social ou la réhabilitation de quartiers en retard de développement. Sans affirmer que les projets précités sont illégitimes, ils ne sont pas en phase avec les objectifs de la loi. Face à une erreur manifeste d'appréciation d'une telle envergure ne doit-on pas réouvrir le dossier du périmètre de l'ANRU et l'étendre aux quartiers les plus en difficulté ? De plus, le projet ANRU de Montluçon ne respecte pas le principe « Un logement social reconstruit pour un logement démoli ». Le projet prévoit, à l'origine, la démolition de 647 logements sociaux et la reconstruction de seulement 515 logements sociaux. Suite à un mouvement de protestation d'habitants d'une cité de Bien-Assis, la démolition d'une tour de 30 logements a été abandonnée. Si le projet reste en l'état, plus de 100 logements sociaux seront perdus - sur l'agglomération montluçonnaise. L'argument évoqué parfois d'une vacance importante ne tient pas à Montluçon. Certes, des logements sociaux sont vacants mais c'est avant tout parce que l'offre est inadaptée. Il faut savoir qu'à ce jour plus de 1 000 demandes d'attribution de logements sont en attente à l'office HLM de Montluçon. On sait qu'au plan national l'Agence nationale de rénovation urbaine avait signé, au 30 décembre 2005, 91 conventions avec des villes et des agglomérations de métropole. La règle du « un pour un » n'est pas respectée dans 23 opérations. Dans 80 % des cas, les collectivités qui démolissent plus qu'elles ne reconstruisent, sont dirigées par des élus de droite. L'agence nationale de renouvellement urbain, elle-même, souligne ce dérapage dans un bilan dressé à la mi-janvier « pour 70 000 démolitions, 66 000 reconstructions étaient programmées ». Le compte n'y est pas. Il est temps, aujourd'hui, de mettre en phase les discours et les actes. Le projet ANRU à Montluçon est détourné de ses objectifs, loin de permettre un rééquilibrage dans le développement des quartiers, il joue en quelque sorte le rôle d'épurateur social. Pour les quartiers populaires inclus dans le périmètre, il a pour effet de les affaiblir en diminuant l'offre de logement social. Dans la ville, il oublie plusieurs quartiers en difficulté. En définitive, la priorité n'est pas de requalifier l'habitat social mais au contraire de le limiter et de servir une politique tape-à-l'oeil étrangère à l'intérêt général.
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Texte de la REPONSE :
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POLITIQUE DU LOGEMENT DE L'AGENCE NATIONALE POUR LA
RENOVATION URBAINE DE MONTLUÇON Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour exposer sa
question, n° 1611, relative à la politique du logement de l'Agence nationale
pour la rénovation urbaine de Montluçon. M. Pierre Goldberg.
Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, loin de moi
l'idée de regretter la présence de M. Borloo, puisque la cohésion sociale entre
également dans le cadre de vos attributions et que ma question porte sur ce
point. La loi promulguée le 1er août 2003, dite loi Borloo, affiche, dans son
article 1er, l'objectif de réduire les inégalités sociales et les écarts de
développement des territoires. À l'écrit, c'est très bien formulé, mais qu'en
est-il sur le plan des actes ? L'Agence nationale de rénovation urbaine, qui
est chargée du suivi de ce vaste chantier, doit veiller au respect de certains
principes, dont celui du " un pour un " : un logement social reconstruit pour un
démoli. Le 30 décembre 2005, l'Agence avait signé quatre-vingt-onze conventions
avec des villes et des agglomérations de métropole. Or vingt-trois opérations ne
respectent pas la règle du " un pour un ", 80 % des collectivités qui
démolissent davantage qu'elles ne construisent étant, je suis obligé de le dire,
dirigées par des élus de droite. L'Agence nationale de rénovation urbaine
souligne elle-même ce dérapage dans un bilan dressé à la mi-janvier - je n'ai
pas trouvé de document plus récent -, qui révèle que, pour 70 000 démolitions,
60 000 reconstructions étaient programmées. Le compte n'y est pas. Il en est
ainsi du projet ANRU conclu à Montluçon, qui ne respecte ni la philosophie de
l'article 1er de la loi Borloo ni le principe du " un pour un ", et ce pour deux
raisons. Premièrement, le périmètre actuel du projet, qui comprend quatre
quartiers - Fontbouillant, Dunlop-Pré Gêné, Rive gauche du Cher et Bien-Assis -,
exclut des quartiers populaires. Or ces quartiers, non compris dans ce
périmètre, ont des besoins urgents en matière de réhabilitation des logements
sociaux : je pense aux cités Pierre-Leroux, Rimard, Pierre-Loti et Villars.
Est-il possible de les inclure dans le projet de l'ANRU ? J'affirme que
oui. En outre, ce projet prévoit, selon les propres termes du maire de
Montluçon, repris par la presse, la réalisation d'une avenue nommée "
Champs-Élysées " - excusez du peu - dans un quartier qui a certes besoin de
travaux, mais qui n'a rien à voir avec les projets soutenus par l'ANRU. Selon un
avis largement partagé, cette opération pourrait être financée soit par la
communauté d'agglomération, soit par le budget de la ville. En tout état de
cause, si l'on ne modifiait pas l'actuel projet de l'ANRU, des cités
dramatiquement et injustement exclues resteraient privées, des années durant, de
travaux d'entretien et d'amélioration de l'habitat. Deuxièmement, le nombre
de logements sociaux diminue à Montluçon alors que 1 000 demandes sont en
instance. Le projet ANRU ne respecte pas le principe du " un pour un ",
puisqu'il prévoit 515 reconstructions pour 647 démolitions. Certes, deux
immeubles initialement promis à la démolition seront finalement préservés en
raison des protestations émises par les habitants eux-mêmes, les élus et les
associations de défense des locataires. Mais le déficit demeure supérieur à 100
logements. On nous objecte également qu'il existe des logements vacants, mais
ils sont particulièrement vétustes. Il est temps d'accorder les discours et
les actes. Les habitants des cités HLM, les associations de défense des
locataires et les élus sont de plus en plus nombreux à considérer que le projet
ANRU de Montluçon est véritablement détourné de ses objectifs. Au lieu de
d'améliorer la qualité et de construire des logements sociaux, il aggrave
l'exclusion sociale et la précarité. En définitive, la priorité, à Montluçon,
n'est pas de requalifier l'habitat social, de construire des logements
accessibles aux familles modestes ou aux jeunes débutant dans la vie, mais, au
contraire, de limiter l'accès au logement pour les catégories populaires et de
promouvoir une politique tape-à-l'oeil, coûteuse et étrangère à l'intérêt
général. Il en résultera, je le crains, une aggravation de la situation des
familles concernées, qui devront faire face à une hausse des loyers et des
charges d'entretien. Madame la ministre, je m'adresse à vous au nom des
locataires, de leurs associations de défense et de nombreux élus, afin que vous
interveniez en faveur d'une renégociation urgente du contenu du projet ANRU de
Montluçon. Celui-ci doit voir son périmètre élargi pour inclure les cités que
j'ai citées tout à l'heure, et la construction de nouveaux logements sociaux
doit être revue très nettement à la hausse. Ces deux points essentiels
nécessitent que soit abandonné le financement par l'ANRU du projet des
Champs-Élysées, particulièrement pompeux dans une ville comme Montluçon, qui
compte 40 000 habitants et s'inscrit dans une tradition ouvrière et
industrielle. Mme la présidente. La parole est à Mme la
ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Mme Catherine
Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Monsieur Goldberg, la création de l'ANRU, en août 2003, a été précisément
décidée pour répondre à l'urgence d'une requalification en profondeur des
quartiers les plus en difficulté de notre pays. Il s'agissait de simplifier et
de garantir les financements des projets portés par les acteurs
locaux. L'ANRU est au service des collectivités locales responsables des
projets, qui obtiennent, dans le cadre de conventions pluriannuelles, une
garantie de leurs financements dans la durée. Elles peuvent ainsi engager des
programmes importants de restructuration des quartiers en difficulté de leurs
villes, afin de leur donner une qualité urbaine et une diversité d'offre
d'habitat dans un objectif global de développement durable fondé sur la mixité
sociale, de meilleures conditions de vie quotidienne et le développement
économique de ces sites. À ce jour, 309 quartiers sont passés en comité
d'engagement et 418 sont visés par des projets étudiés en réunion de travail
partenarial ; 27 milliards d'euros de travaux sont prévus et plus de 2,6
millions d'habitants sont concernés. La convention ANRU de Montluçon a été
signée le 28 juin 2005. Le projet concerne en priorité des quartiers d'habitat
social classés en ZUS : les quartiers Fontbouillant et Bien-Assis, ainsi que les
quartiers Dunlop et Rive gauche du Cher, situés dans le centre ancien. Le coût
global du projet s'élève à 123 millions d'euros, avec une participation de 38,8
millions d'euros de l'ANRU. En centre-ville, l'ANRU participe au financement
des opérations qui concentrent l'effort sur le logement social : l'îlot
Marcombe, les Économats du Centre, la requalification de l'avenue de la
République et du canal Blanzat. Cette intervention de l'ANRU en centre-ville est
justifiée par une volonté de requalifier des secteurs particulièrement dégradés
avec l'apport de logements sociaux financés au titre de la reconstitution de
l'offre locative sociale. Ainsi que vous l'avez indiqué, 647 démolitions sont
programmées pour l'ensemble du projet et 515 logements seront reconstruits. La
perte de 20 000 habitants par la commune en vingt ans a justifié cet écart aux
yeux du comité d'engagement partenarial de l'ANRU. Le niveau de 515 logements
reconstruits permet d'intégrer le taux de vacance actuel et autorise la
reconstitution du parc occupé : 275 logements et une offre nette de 240
logements. Une volonté de diversification des quartiers sociaux et de mixité
urbaine anime également ce projet, avec l'intervention de l'association Foncière
logement pour 120 logements et le développement du parc privé pour environ 160
logements. En tout, 20 % des logements du parc social concerné vont être
réhabilités et la résidentialisation concernera près de 60 % des immeubles, afin
de donner à ces quartiers une nouvelle image. De nombreuses autres opérations
sont prévues, concernant tant les espaces et les équipements publics que les
voiries ou les espaces commerciaux, qui permettent à ce projet de respecter
pleinement l'objectif assigné par la loi à l'ANRU : favoriser des projets
globaux intégrant l'ensemble des travaux nécessaires à un renouvellement complet
des quartiers, dans un objectif de mixité sociale et de développement
durable. Enfin, la création de l'Agence de cohésion sociale permet - et cela
s'inscrit dans le cadre de la politique de la ville - grâce au versement de
crédits de fonctionnement aux associations, aux équipes de réussite éducative et
aux ateliers santé-ville, de mener auprès des habitants des actions
complémentaires de celles de l'Agence nationale de rénovation
urbaine. M. le président. La parole est à M. Pierre
Goldberg. M. Pierre Goldberg. Madame la ministre, vous
confirmez donc que le projet prévoit 647 démolitions et 515 reconstructions. La
perte est donc réelle, et votre argument selon lequel la ville a perdu 20 000
habitants n'est pas recevable, s'agissant d'une ville ouvrière où 1 000 demandes
de logements sociaux sont en attente - ce qui n'est contesté par personne. C'est
injuste pour ces populations. Quant à l'avenue de Blanzat, cette opération
n'a, contrairement à ce que l'on vous a fait dire, rigoureusement rien à voir
avec le logement social. Certes, cette avenue a besoin d'être refaite, mais
l'opération doit être payée par la communauté d'agglomération ou par la commune.
Le Gouvernement a d'ailleurs intérêt à ce que les crédits de l'ANRU contribuent
à la réhabilitation d'autres cités HLM. Je souhaite donc que le Gouvernement
revoie ce projet, au moins par un avenant, afin que la loi Borloo soit
respectée. Plutôt que de faire les Champs-Élysées à Montluçon, mieux vaut
augmenter le nombre des rénovations et, si possible, des
constructions.
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