Texte de la REPONSE :
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REGLEMENTATION APPLICABLE AUX AGENTS DE LA SECURITE ET DU
RENSEIGNEMENT PRIVE Mme la présidente. La
parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour exposer sa question, n° 1612, relative
à la réglementation applicable aux agents de la sécurité et du renseignement
privé. Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre délégué
à l'aménagement du territoire, la sécurité privée sous toutes ses formes -
protection des biens et des personnes, investigation et recherche, gardiennage
et surveillance - est une activité en expansion constante. A tel point que les
sociétés de sécurité privée sont devenues coproductrices de sécurité publique.
Nombre d'institutions, de mairies et d'assemblées élues sous-traitent à des
sociétés privées la garde de sites sensibles, par exemple celle de la base de
transmission d'Orléans, dont le siège est à Bordeaux. Il y aurait beaucoup à
dire sur l'opportunité de continuer à encourager ce phénomène de privatisation
de la sécurité, qui est une réalité non seulement hexagonale, mais encore
internationale - en Irak, 15 000 à 20 000 civils en armes protègent actuellement
installations et convois. Cependant, ma question portera essentiellement sur
la formation, le statut, les conditions d'agrément et d'exercice des agents
exerçant les métiers de la sécurité et du renseignement privé. De nombreux
témoignages de professionnels, collectés ces derniers mois, me permettent
d'affirmer que la législation actuelle est soit lacunaire, soit inobservée en
raison de l'insuffisant contrôle de son application. Tout d'abord, s'agissant
de la formation et du statut, à l'exception du gardiennage d'immeuble - diplômes
ERP et IGH 1, 2 ou 3 - ou de la sécurité incendie - diplômes EPI et ESI -,
aucune obligation de formation et de titre n'existe. L'apprentissage sur le tas
demeure la règle. Certes, les grands acteurs du secteur tels que Securitas,
numéro 1 mondial de la protection des biens et des personnes, ont créé leurs
propres organismes de formation, mais il semble qu'une telle démarche procède
davantage de la volonté de donner la certification le plus rapidement possible
que du souci de fournir un corpus de connaissances solides. Sans diplôme
requis et en l'absence de standard en termes de programmes et de contenu, les
centres de formation indépendants se développent. N'importe qui, quelles que
soient ses intentions, peut accéder aux écoles de formation privées pour garde
du corps. II suffit de payer les droits demandés pour être formé aux techniques
d'attaque et de défense. Ce " flou " est source de dérives. Aussi
conviendrait-il de mener une réflexion sur les standards en matière de statut
des centres d'apprentissage et de programme de formation, les critères et
modalités de sélection à l'entrée, le profil et les compétences des
formateurs. Pourquoi ne pas envisager la promotion d'un statut unifié des
agents de la sécurité et du renseignement privé, qui, tout en ménageant la
spécificité des métiers, permettrait leur reconnaissance au moyen de la
délivrance d'une carte professionnelle ? Parallèlement, il ne sera pas
possible de faire l'impasse sur la pénibilité des conditions de travail de ces
salariés, le manque de reconnaissance sociale et la faiblesse de la rémunération
qui n'incitent pas les agents à persévérer dans ce secteur - le turnover
y est important - et à se professionnaliser. La représentation nationale
est très en retard sur cette question dont le groupement professionnel des
agents privés de recherche, dans un esprit de responsabilité que je tiens à
saluer, s'est déjà saisi via la mise en place, notamment, d'un code de
déontologie. Quant aux conditions d'agrément et d'exercice, elles posent
également problème. La loi sur la sécurité intérieure propose un cadre
satisfaisant : sociétés et agents doivent recevoir un agrément des autorités
publiques. Cet agrément n'est accordé qu'après enquête de moralité et
vérification du casier judiciaire. Cependant, dans la pratique, zèle et
laxisme se côtoient. Zèle, car l'on utilise à des fins administratives les
fichiers de la police judiciaire - Stic - ou de la gendarmerie - Judex. En
effet, y figurer peut suffire pour se voir refuser ou retirer l'agrément. La
CNIL considère, dans son rapport d'activité 2005, que ces fichiers jouent le
rôle de " casier judiciaire parallèle, sans les garanties rigoureuses prévues
par le code de procédure pénale pour le casier judicaire national. " S'appuyer
sur de simples inscriptions, suite à l'existence de procédures en cours ou de
faits non constatés par la justice, constitue une atteinte grave à la
présomption d'innocence. Par ailleurs, la mise à jour des fiches en cas de
relaxe, d'acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite pour
insuffisance de charge n'étant pas automatique, plusieurs mois peuvent s'écouler
entre l'inscription au Stic ou au Judex et la délivrance d'un nouvel
agrément. Ainsi, pour un agent exerçant en free lance et enchaînant
les contrats de courte durée, ce qui n'est pas rare dans ce milieu,
l'instabilité professionnelle est maximale. Le retrait de l'agrément, outre la
perte de revenu qui en découle, met en cause l'ensemble du capital professionnel
acquis. Ces abus sont d'autant plus choquants qu'ils contrastent avec le
laxisme conduisant au fait que des sociétés agréées n'hésitent pas à recruter
des agents, y compris pour des sites sensibles, avant même d'avoir reçu réponse
de la préfecture sur le casier judiciaire. Ce manque de rigueur - pour ne pas
parler d'irresponsabilité - est lié au hiatus entre la volonté des sociétés de
répondre aux besoins de leurs clients dans les meilleurs délais et la lenteur
des autorités publiques à se prononcer sur la délivrance de l'agrément - elles
mettent plusieurs mois dans certains cas. Il est de la responsabilité de l'État
de surmonter ces dysfonctionnements, sinon la loi demeurera partiellement, voire
totalement, inappliquée. Sans compter le fait que le travail dissimulé, bien que
difficilement quantifiable, est une réalité incontournable. Les pratiques
critiquables des grandes sociétés multinationales ne sont que la partie émergée
de l'iceberg, ce qui n'a rien de rassurant. Le flou et les lacunes que je
viens de recenser rapidement suffisent, me semble-t-il, à pointer l'existence de
risques préoccupants en termes de sécurité publique. Les conditions sont réunies
pour des dérapages, comme en témoigne le drame récent qui s'est produit à
Garchizy. Mme la présidente. Veuillez conclure, madame
Fraysse ! Mme Jacqueline Fraysse. Pour toutes ces raisons,
il est nécessaire et urgent qu'un état des lieux soit rapidement réalisé en
liaison avec la représentation nationale afin que les parlementaires puissent se
saisir de ces questions en vue de rationaliser et d'assainir la situation de ce
secteur d'activité. Mme la présidente. La parole est à M. le
ministre délégué à l'aménagement du territoire. M. Christian
Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame
Fraysse, je vais essayer d'être plus synthétique que vous ne l'avez été. Je
partage vos préoccupations, mais je trouve paradoxal que vous nous demandiez
d'être à la fois plus rigoureux et plus laxistes. Mme Jacqueline
Fraysse. Je n'ai rien demandé de tel ! M. le ministre
délégué à l'aménagement du territoire. Dans le but de moraliser et de
professionnaliser les activités privées de sécurité, la loi du 18 mars 2003 pour
la sécurité intérieure - je suis bien placé pour en parler puisque j'en étais le
rapporteur - a renforcé la loi du 12 juillet 1983 - nous avons donc attendu
vingt ans ! - en soumettant les dirigeants et les salariés de ce type
d'entreprises à des conditions plus strictes pour obtenir la délivrance d'une
autorisation d'exercice, d'un agrément ou d'une habilitation préalable à
l'embauche. Mme Jacqueline Fraysse. Je l'ai dit, monsieur le
ministre ! M. le ministre délégué à l'aménagement du
territoire. C'est ainsi que le préfet est habilité à consulter, outre
le bulletin n° 2 du casier judiciaire, les différents fichiers de données
personnelles gérés par les services de police et de gendarmerie avant de
délivrer les agréments et habilitations. Vous estimez que cela n'est pas normal.
Je considère, quant à moi, que c'est la plus élémentaire des rigueurs exigées
par la loi que le Parlement a votée. D'ailleurs, vous aviez participé au débat
et personne, à l'époque, ne s'en était étonné. Chacun avait même estimé que tout
cela était parfaitement légitime pour garantir l'exercice de ces
professions. Au 31 décembre 2003, 6 767 autorisations d'exercice, 8 907
agréments et 129 728 habilitations étaient délivrés. Le prochain recensement
triennal est en cours. Pour ce qui concerne la condition d'aptitude
professionnelle posée par le législateur, sa mise en oeuvre était conditionnée
par des décrets d'application. Deux décrets du 6 septembre 2005 précisent ainsi
que pour exercer une activité privée de sécurité, les dirigeants et salariés
doivent avoir obtenu un titre de formation relatif à la profession envisagée,
enregistré au Répertoire national des certifications professionnelles. Ces mêmes
décrets détaillent les contenus de formation dont doivent attester les
certifications. Toutefois, les articles 101 et 106 de la loi de 2003
prévoient une période transitoire de deux ans à compter de la publication du
décret relatif à l'aptitude professionnelle pour permettre, d'une part, à
l'offre de formation de se constituer, et, d'autre part, à l'ensemble des
dirigeants et des salariés d'acquérir un titre de formation. Cette période
transitoire arrivera à échéance le 10 septembre 2007. D'une manière générale,
le contrôle de l'application de la loi est assuré par les services de la police
et de la gendarmerie nationales qui peuvent accéder aux locaux des
entreprises. Comme vous pouvez le constater, madame la députée, la
réglementation applicable est donc bien complète et ne saurait être qualifiée de
lacunaire. Il est vrai cependant qu'elle souffre de quelques difficultés
d'application auxquelles nous nous efforçons de remédier. Ces difficultés
concernent notamment la procédure de déclaration préalable à tout contrat de
travail, qui engendre des délais de traitement excessifs dans les préfectures et
qui nécessite une simplification. Celle-ci pourrait par exemple prendre la forme
d'une carte professionnelle pour les agents de sécurité. Une autre difficulté
concerne la mise en place des formations professionnelles obligatoires pour
l'exercice des activités privées de sécurité et qui pourrait nécessiter le
report de quelques mois du différé d'application de la condition d'aptitude
préalable à l'embauche, prévu par les décrets du 6 septembre 2005 et qui expire
le 10 septembre 2006. Mme la présidente. La parole est à Mme
Jacqueline Fraysse. Mme Jacqueline Fraysse. Je regrette,
monsieur le ministre, que vous me disiez que je plaide à la fois pour le laxisme
et la rationalisation. J'ai simplement noté que, dans certains cas, le contrôle
prévu par la loi n'était pas exercé en raison de lenteurs. Quant à l'utilisation
excessive des fichiers de la police et de la gendarmerie, ce n'est pas moi qui
en parle, c'est la CNIL !
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