Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Claude Leroy attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur les menaces qui pèsent sur l'industrie cimentière du fait de l'existence d'un projet de broyage de clinker importé, par la société Nord Broyage, sur un terrain situé sur le Port autonome de Dunkerque, afin de produire à terme 500 000 tonnes de ciment par an. Le respect des engagements de Kyoto est parfaitement louable mais pourrait cependant aboutir à un paradoxe environnemental dans le cadre d'une application restrictive pour l'industrie cimentière. Ce projet constitue une menace sur l'emploi et le tissu industriel de la région et porte également atteinte à la filière de traitement des déchets pour laquelle les cimenteries, et en particulier les usines Holcim de Lumbres et Dannes, sont des pôles essentiels. Aussi, il lui demande quelle est sa position sur ce sujet.
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Texte de la REPONSE :
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CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DU PROTOCOLE DE KYOTO SUR
L'INDUSTRIE CIMENTIERE DU PAS-DE-CALAIS M. le
président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, pour exposer sa
question, n° 1619, relative aux conséquences de l'application du protocole de
Kyoto sur l'industrie cimentière du Pas-de-Calais. M. Jean-Claude
Leroy. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, je souhaite appeler
votre attention sur la situation de l'industrie cimentière et sur les
préoccupations des professionnels du secteur. La première concerne la
nécessité d'obtenir des quotas d'émission de CO2 supplémentaires. Les quotas
attribués à l'industrie cimentière pour la période 2005-2007 dans le cadre du
plan national d'allocation de quotas 1 sont déjà dépassés, notamment en raison
de l'essor qu'a connu ces dernières années le marché de la construction. Le taux
de croissance moyen de la production de ciment en France s'est situé entre 3 %
et 4 % de 1999 à 2005, et cette évolution se poursuit en 2006 puisque, fin
avril, le marché avait augmenté de 7,4 % par rapport à la même période de
2005. Selon les prévisions, le marché poursuivra dans les prochaines années
sa progression avec un taux de croissance annuel moyen de plus de 3 %, ce qui
permet d'anticiper une production de 26 millions de tonnes en 2010, année
médiane du plan national d'allocation de quotas 2, soit une augmentation de 16 %
par rapport à 2005. Cette production nécessite donc un niveau de quotas dans le
PNAQ 2 de 17,2 millions de tonnes de CO2 par an. Des quotas inférieurs à ce
niveau engendreraient des importations de ciment en provenance de pays non
soumis aux contraintes du protocole de Kyoto, ainsi que la fermeture de
plusieurs usines nationales sur les trente-six que compte notre pays. Seraient
ainsi détruits 1 000 à 2 000 emplois directs, ainsi que des dizaines de milliers
d'emplois indirects. Il faut noter à ce sujet que les industries cimentières ont
fait preuve d'un respect de plus en plus marqué de l'environnement et qu'elles
ont diminué leurs émissions de CO2 de plus de 25 % pendant cette dernière
décennie. La seconde préoccupation des industriels, connexe à la précédente,
concerne l'installation dans les ports autonomes de sites de broyage de clinker
importé. Ceux-ci sont préjudiciables aux productions locales et mettent en péril
l'industrie cimentière française. Leur importation massive serait très
dommageable, voire fatale, pour la production locale. En outre, ces différents
projets prévoient la production d'une catégorie de ciments fortement émettrice
de gaz à effet de serre, ce qui est en complète contradiction avec les actions
entreprises par l'industrie cimentière en faveur de
l'environnement. L'industrie cimentière française est donc aujourd'hui
menacée. Or un pays a besoin d'une politique industrielle forte. Nous ne pouvons
nous résoudre à ce que notre économie ne repose que sur le secteur des services
alors que notre industrie peut être performante et compétitive. Quelles sont,
monsieur le ministre délégué, les décisions que vous compter prendre afin de
pérenniser l'industrie cimentière française ? M. le
président. La parole est à M. le ministre délégué à
l'industrie. M. François Loos, ministre délégué à
l'industrie. Nous souhaitons en effet, monsieur le député, une industrie
forte et pérenne. Or le tissu industriel français est riche et diversifié, et la
part de l'industrie dans le produit intérieur brut n'a pas diminué depuis vingt
ans. La désindustrialisation est donc, chez nous, une idée fausse, comme vous le
constatez vous-même dans le Pas-de-Calais. Rappelons que le protocole de
Kyoto tend à promouvoir des mesures propres à parer au risque de changement
climatique. Son application doit être la plus large possible et, de fait, de
nombreux pays - en dehors des États-Unis, il est vrai - l'ont ratifié. La mise
en place de quotas de tonnes de droit d'émission de gaz à effet de serre a pour
but de concentrer les investissements sur les sites les plus émetteurs. En
effet, plutôt que de s'attaquer au faible pourcentage d'émissions générées par
une usine performante, il vaut mieux consacrer de l'argent à réduire la grande
quantité de tonnes de CO2 émise par une usine qui l'est moins. C'est en cela que
le système des quotas est vertueux : pour un montant donné, il rend
l'investissement le plus efficace possible. Alors que nous préparons le
prochain plan d'allocation des quotas sur la période 2008-2012, nous gardons
naturellement à l'esprit les préoccupations du syndicat français des industries
cimentières, dans le souci conjugué du maintien de l'effort de réduction des
émissions - même si beaucoup a été fait en ce domaine, il faut le reconnaître -
et de réalisme des hypothèses de croissance qui fondent les décisions
d'allocation par secteur. Dans le système européen, nous avons intérêt à évaluer
précisément les performances que peut réaliser l'industrie. En effet, les quotas
doivent être suffisants pour permettre la fabrication sans imposer de coûts
supplémentaires liés à l'achat de droits d'émission, mais ils ne doivent pas
être trop élevés, car ce serait l'État qui devrait prendre en charge une
éventuelle surévaluation. Le système n'est donc pas seulement vertueux pour les
entreprises : il l'est aussi pour les États, qui payeraient une mauvaise
prévision ou un laxisme dans la distribution des quotas. C'est dans cet état
d'esprit que nous préparons le prochain plan. Soyez assuré que nous serons
attentifs à la situation de l'industrie cimentière. Enfin, vous évoquez votre
inquiétude quant aux conditions dans lesquelles s'exercerait la concurrence
entre les cimentiers implantés dans votre région et les projets de fabrication à
base de clinker importé, sur le port autonome de Dunkerque. Les projets connus à
ce jour portent sur des capacités de production de 500 000 tonnes par an, à
comparer à une consommation annuelle en région de 1,5 million de tonnes et une
production locale de 1 million de tonnes. Les conditions d'exercice de cette
concurrence et d'examen de ces projets sont encadrées par des procédures très
claires définies au code de l'environnement et au code de l'urbanisme. Elles
sont en outre placées sous la responsabilité du préfet. Il appartiendra donc
aux porteurs du projet de démontrer qu'ils offrent toutes les garanties en
termes de sûreté des installations et de capacité financière pour obtenir les
autorisations nécessaires.
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