Texte de la QUESTION :
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M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur le projet de création d'un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) sur le canton de Beaumes-de-Venise et la Commune du Barroux dans le département de Vaucluse. Ce projet, élaboré sans aucune concertation avec les médecins et les infirmiers libéraux du secteur contrairement à ce qui est indiqué dans le document de présentation, a reçu un avis favorable de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Vaucluse le 27 mars 2006, alors qu'il ne s'appuie sur aucun argument précis et chiffré de nature à justifier sa réalisation. Ainsi la présentation du projet fait état d'un nombre de professionnels médicaux paramédicaux erroné : 10 infirmières libérales sont présentes sur le secteur concerné et non pas 8. Dans un département où la densité des infirmiers libéraux est de 130 pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81, le nombre de 10 infirmières pour 4 609 habitants que comptent le canton et la commune du Barroux laisse supposer que la « dimension sanitaire » a tout lieu de trouver là une réponse qualitative et quantitative. De plus, aucun refus de prise en charge n'a été signalé jusqu'à ce jour, la coordination interprofessionnelle fonctionnant bien. Enfin, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a pris comme base la population du secteur âgé de plus de soixante ans alors que le critère réglementaire est le nombre de personnes de plus de soixante-quinze ans. Au lieu de créer ou d'étendre des structures lourdes et onéreuses, il serait préférable de développer des emplois de proximité de garde à domicile et d'aide à domicile. La moyenne régionale est de 15 places pour 1 000 habitants de soixante-quinze ans et plus. Dans le cas présent, pour 30 places et 394 habitants, on arrive à une moyenne de 76 places pour 1 000 habitants. Le ratio local serait alors 4,5 fois supérieur au ratio national (taux national 16,62). Compte tenu de ces éléments, le syndicat des infirmiers libéraux F.N.I du Vaucluse émet un avis défavorable a cette création, puisque ce projet ne correspond ni aux objectifs définis par la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales médico-sociales modifiée par la loi du 4 janvier 1978, ni au décret du 8 mai 1981 relatif aux conditions d'autorisation et prise en charge des soins infirmiers à domicile pour personnes âgées, ni au décret du 4 février 1995 relatif à la procédure de création, de transformation et d'extension des établissements et des services sociaux et médico-sociaux modifié par le décret du 13 mars 1997. Aujourd'hui, ce projet semble totalement inutile. Il lui demande alors de bien vouloir lui indiquer ses intentions et s'il envisage cette création ou l'abandon d'un service de soins infirmiers à domicile, ce qui paraît éminemment souhaitable.
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Texte de la REPONSE :
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PERTINENCE DE LA CREATION D'UN SERVICE DE SOINS INFIRMIERS A
DOMICILE DANS LE VAUCLUSE M. le président.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 1634, relative
à la pertinence de la création d'un service de soins infirmiers à domicile dans
le Vaucluse. M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre
délégué à la sécurité sociale, je souhaite vous interroger sur le projet de
création d'un service de soins infirmiers à domicile pour personnes âgées - ce
qu'on appelle un SSIAD - de trente places dans le canton de Beaumes-de-Venise et
la commune du Barroux, situés dans le Haut-Vaucluse, ma circonscription. Ce
projet élaboré sans aucune concertation avec les médecins et les infirmiers
libéraux du secteur contrairement à ce qui est indiqué dans le document de
présentation, a reçu un avis favorable de la direction départementale des
affaires sanitaires et sociales de Vaucluse le 27 mars 2006 alors qu'il ne
s'appuie sur aucun argument précis et chiffré de nature à justifier sa
réalisation. Ainsi la présentation du projet fait état d'un nombre de
professionnels médicaux et paramédicaux erroné : dix infirmières libérales sont
présentes sur le secteur concerné et non pas cinq ! Dans une région où la
densité des infirmiers libéraux est de 152 pour 100 000 habitants alors que la
moyenne nationale est de 91 - ce sont les chiffres indiqués à la page 12 du
schéma régional d'organisation sanitaire III -, le nombre de dix infirmières
pour 4 609 habitants dans le canton de Beaumes et la commune du Barroux laisse
supposer que la dimension sanitaire a tout lieu de trouver là une réponse
qualitative et quantitative suffisante puisque cela fait un ratio de 217
infirmières pour 100 000 habitants. De plus, aucun refus de prise en charge
n'a été signalé jusqu'à ce jour, la coordination interprofessionnelle
fonctionnant bien. Enfin, la direction départementale des affaires sanitaires
et sociales a pris comme base la population du secteur âgée de plus de soixante
ans alors que l'on sait bien que les principales incapacités et les pathologies
liées à l'âge apparaissent plutôt à partir de soixante-quinze ans, voire
quatre-vingts. Au lieu de créer ou d'étendre des structures lourdes et
onéreuses, il serait donc préférable de développer des emplois de proximité de
garde à domicile et d'aide à domicile. La moyenne régionale est de quinze places
pour 1 000 habitants de soixante-quinze ans et plus. Dans le cas présent, avec
trente places pour 394 habitants, on arriverait à une moyenne de soixante-seize
places pour 1 000 habitants, et le ratio local serait alors 4,5 fois supérieur
au ratio national puisque celui-ci est de 16,62. Lors de son déplacement à
Bergerac, en Dordogne, vendredi dernier, le Premier ministre a présenté le plan
Solidarité pour les personnes âgées dépendantes. Ce plan vise à permettre aux
personnes âgées de rester aussi longtemps qu'elles le souhaitent à leur domicile
; il répond au voeu de bon nombre d'entre elles de préserver leur cadre
familial. Néanmoins, alors que les infirmiers libéraux assurent 75 % des soins à
domicile, ils ne sont pas comptabilisés dans l'évaluation de l'offre existante
par les ARH avant toute création de nouvelles structures. Or la complémentarité,
convenons-en, doit être la règle. Tous les rapports existants montrent que plus
la dépendance croit, plus la tendance est à la prise en charge par les
infirmiers de proximité, et qu'à niveau de dépendance équivalent, les SSIAD sont
1,5 fois plus cher. Je veux rappeler ici le professionnalisme exemplaire des
infirmiers qui assurent au quotidien la sécurité et la continuité des soins à
domicile auprès des personnes dépendantes. C'est ce professionnalisme et cette
compétence qui rendent possible le maintien dans leur cadre familial de milliers
de nos concitoyens, qu'ils soient âgés, handicapés ou, hélas, les deux à la
fois. De toute évidence les infirmiers libéraux vont cependant devoir assister
dans les prochaines années à une surenchère de projets de structures
dispendieuses ouvertes aux heures de bureau, pendant qu'eux-mêmes continueront à
assurer tous les retours d'hospitalisation, la réponse aux urgences, la
continuité des soins dans les tranches horaires les plus contraignantes. Par
exemple, les infirmiers libéraux de Vaucluse sont régulièrement interpellés par
des patients consternés de recevoir des décomptes de paiement atteignant 6 000
euros par mois pour des prises en charge d'HAD - hospitalisation à domicile - se
résumant parfois à une aide à la toilette quotidienne ainsi qu'à une injection
sous-cutanée, qui serait facturée, je vous le rappelle, 4,90 euros par leur
infirmière libérale, déplacement compris. Compte tenu de ces éléments, le
syndicat des infirmiers libéraux FNI du Vaucluse émet un avis défavorable à
cette création puisque ce projet ne correspond ni aux objectifs définis par la
loi, ni à un besoin. Aujourd'hui ce projet semble donc totalement inadapté et
coûteux. Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer vos
intentions : envisagez-vous la création de ce service de soins infirmiers à
domicile ou l'abandon du projet, abandon qui paraît éminemment souhaitable
? M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à
la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la
famille. M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité
sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
Monsieur Thierry Mariani, je n'ai pas l'habitude de décider depuis Paris de
la création d'établissements pour personnes âgées ou de services de soins
infirmiers à domicile, car il faut une bonne appréciation des besoins
locaux. J'observe que votre question est fort bien argumentée, que vous avez
chiffré vos arguments, que vous êtes en contact étroit aussi bien avec les
personnes âgées de votre circonscription qu'avec les personnels soignants,
notamment les infirmiers et les médecins libéraux. Je voudrais vous dire
qu'au plan national, je n'ai pas de doute sur la nécessité de développer les
services de soins infirmiers à domicile. Il y a du travail pour tout le monde
car nous savons qu'entre 2005 et 2015, nous allons voir le nombre de personnes
âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans pratiquement doubler ; nous avons là la
mesure des problèmes de dépendance qu'il va nous falloir assumer. Quant à la
différence de coût entre infirmiers libéraux et services de soins infirmiers à
domicile, ce n'est pas la première question que je me pose, car nous avons dans
les deux cas besoin d'un effort de l'assurance maladie, effort qui est réel, et
je considère que le travail des infirmiers libéraux et celui des services de
soins infirmiers à domicile ne sont pas antagonistes, mais complémentaires. Je
veux absolument que nous développions ces complémentarités. Pour en revenir à
votre question, s'agissant de ce service de soins infirmiers à domicile, qui
fait l'objet d'un avis favorable des services locaux mais dont vous considérez
qu'il ne répond pas à un véritable besoin, compte tenu de l'offre de soins
adéquate assurée par les infirmiers libéraux, la meilleure réponse que je puisse
vous faire ce matin, c'est de vous proposer de reprendre les concertations si
elles n'ont pas été suffisantes. C'est seulement à l'issue de ces concertations
qu'une décision définitive sera prise, de sorte que chacun trouve sa place au
service des personnes âgées dépendantes de ce canton. M. le
président. La parole est à M. Thierry Mariani. M. Thierry
Mariani. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse.
Vous avez raison : les besoins sont immenses. Hélas, les moyens sont inégalement
répartis. Quand les professionnels et les infirmiers sont en nombre suffisant et
couvrent très largement les besoins de la population, je ne vois pas l'intérêt
de créer un tel service. Quand vous me répondez que la concertation va
reprendre, je serais tenté de vous dire qu'il serait temps qu'elle commence
enfin. Sachez tout de même que les infirmiers ont appris l'éventualité de la
création de ce service uniquement parce qu'un maire les a informés ! Je
souhaiterais que les DDASS, en l'occurrence celle du Vaucluse, quand elles
lancent une concertation, voient au moins les professionnels, ce qui me semble
la moindre des choses. Sachez que l'autre député concerné -Jean-Michel Ferrand -
est, lui aussi, catégoriquement opposé à ce projet, de même que le maire de
Beaumes-de-Venise, conseiller général, et celui du Barroux, qui disent que cette
création est inutile. Conclusion : quand les besoins sont satisfaits, quand
les choses fonctionnent correctement avec des professions libérales, quel est
notre intérêt à créer des structures qui vont coûter cher au contribuable, qui
vont concurrencer une activité libérale ? Je prends acte que la concertation va
démarrer. Je suis persuadé qu'avec les éléments que j'ai mis en valeur vous
constaterez que ce service est inutile. Certes, je sais très bien qu'on ne
décide pas de la création de tels services à Paris, mais encore faudrait-il que
les DDASS tiennent un peu compte de ce qui se passe localement et que la
concertation soit réelle. Je suis certain que vous y serez attentif. Sachez que
je le serai moi aussi, d'autant plus que, sur d'autres dossiers, je n'ai pas eu
non plus l'impression que la concertation était au rendez-vous.
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