FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1634  de  M.   Mariani Thierry ( Union pour un Mouvement Populaire - Vaucluse ) QOSD
Ministère interrogé :  santé et solidarités
Ministère attributaire :  santé et solidarités
Question publiée au JO le :  30/05/2006  page :  5568
Réponse publiée au JO le :  31/05/2006  page :  3765
Rubrique :  institutions sociales et médico-sociales
Tête d'analyse :  création
Analyse :  service de soins infirmiers à domicile. pertinence. Vaucluse
Texte de la QUESTION : M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur le projet de création d'un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) sur le canton de Beaumes-de-Venise et la Commune du Barroux dans le département de Vaucluse. Ce projet, élaboré sans aucune concertation avec les médecins et les infirmiers libéraux du secteur contrairement à ce qui est indiqué dans le document de présentation, a reçu un avis favorable de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Vaucluse le 27 mars 2006, alors qu'il ne s'appuie sur aucun argument précis et chiffré de nature à justifier sa réalisation. Ainsi la présentation du projet fait état d'un nombre de professionnels médicaux paramédicaux erroné : 10 infirmières libérales sont présentes sur le secteur concerné et non pas 8. Dans un département où la densité des infirmiers libéraux est de 130 pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 81, le nombre de 10 infirmières pour 4 609 habitants que comptent le canton et la commune du Barroux laisse supposer que la « dimension sanitaire » a tout lieu de trouver là une réponse qualitative et quantitative. De plus, aucun refus de prise en charge n'a été signalé jusqu'à ce jour, la coordination interprofessionnelle fonctionnant bien. Enfin, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a pris comme base la population du secteur âgé de plus de soixante ans alors que le critère réglementaire est le nombre de personnes de plus de soixante-quinze ans. Au lieu de créer ou d'étendre des structures lourdes et onéreuses, il serait préférable de développer des emplois de proximité de garde à domicile et d'aide à domicile. La moyenne régionale est de 15 places pour 1 000 habitants de soixante-quinze ans et plus. Dans le cas présent, pour 30 places et 394 habitants, on arrive à une moyenne de 76 places pour 1 000 habitants. Le ratio local serait alors 4,5 fois supérieur au ratio national (taux national 16,62). Compte tenu de ces éléments, le syndicat des infirmiers libéraux F.N.I du Vaucluse émet un avis défavorable a cette création, puisque ce projet ne correspond ni aux objectifs définis par la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales médico-sociales modifiée par la loi du 4 janvier 1978, ni au décret du 8 mai 1981 relatif aux conditions d'autorisation et prise en charge des soins infirmiers à domicile pour personnes âgées, ni au décret du 4 février 1995 relatif à la procédure de création, de transformation et d'extension des établissements et des services sociaux et médico-sociaux modifié par le décret du 13 mars 1997. Aujourd'hui, ce projet semble totalement inutile. Il lui demande alors de bien vouloir lui indiquer ses intentions et s'il envisage cette création ou l'abandon d'un service de soins infirmiers à domicile, ce qui paraît éminemment souhaitable.
Texte de la REPONSE :

PERTINENCE DE LA CREATION D'UN SERVICE DE SOINS INFIRMIERS A DOMICILE DANS LE VAUCLUSE

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 1634, relative à la pertinence de la création d'un service de soins infirmiers à domicile dans le Vaucluse.
M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, je souhaite vous interroger sur le projet de création d'un service de soins infirmiers à domicile pour personnes âgées - ce qu'on appelle un SSIAD - de trente places dans le canton de Beaumes-de-Venise et la commune du Barroux, situés dans le Haut-Vaucluse, ma circonscription.
Ce projet élaboré sans aucune concertation avec les médecins et les infirmiers libéraux du secteur contrairement à ce qui est indiqué dans le document de présentation, a reçu un avis favorable de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Vaucluse le 27 mars 2006 alors qu'il ne s'appuie sur aucun argument précis et chiffré de nature à justifier sa réalisation. Ainsi la présentation du projet fait état d'un nombre de professionnels médicaux et paramédicaux erroné : dix infirmières libérales sont présentes sur le secteur concerné et non pas cinq ! Dans une région où la densité des infirmiers libéraux est de 152 pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 91 - ce sont les chiffres indiqués à la page 12 du schéma régional d'organisation sanitaire III -, le nombre de dix infirmières pour 4 609 habitants dans le canton de Beaumes et la commune du Barroux laisse supposer que la dimension sanitaire a tout lieu de trouver là une réponse qualitative et quantitative suffisante puisque cela fait un ratio de 217 infirmières pour 100 000 habitants.
De plus, aucun refus de prise en charge n'a été signalé jusqu'à ce jour, la coordination interprofessionnelle fonctionnant bien.
Enfin, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a pris comme base la population du secteur âgée de plus de soixante ans alors que l'on sait bien que les principales incapacités et les pathologies liées à l'âge apparaissent plutôt à partir de soixante-quinze ans, voire quatre-vingts.
Au lieu de créer ou d'étendre des structures lourdes et onéreuses, il serait donc préférable de développer des emplois de proximité de garde à domicile et d'aide à domicile. La moyenne régionale est de quinze places pour 1 000 habitants de soixante-quinze ans et plus. Dans le cas présent, avec trente places pour 394 habitants, on arriverait à une moyenne de soixante-seize places pour 1 000 habitants, et le ratio local serait alors 4,5 fois supérieur au ratio national puisque celui-ci est de 16,62.
Lors de son déplacement à Bergerac, en Dordogne, vendredi dernier, le Premier ministre a présenté le plan Solidarité pour les personnes âgées dépendantes. Ce plan vise à permettre aux personnes âgées de rester aussi longtemps qu'elles le souhaitent à leur domicile ; il répond au voeu de bon nombre d'entre elles de préserver leur cadre familial. Néanmoins, alors que les infirmiers libéraux assurent 75 % des soins à domicile, ils ne sont pas comptabilisés dans l'évaluation de l'offre existante par les ARH avant toute création de nouvelles structures. Or la complémentarité, convenons-en, doit être la règle. Tous les rapports existants montrent que plus la dépendance croit, plus la tendance est à la prise en charge par les infirmiers de proximité, et qu'à niveau de dépendance équivalent, les SSIAD sont 1,5 fois plus cher.
Je veux rappeler ici le professionnalisme exemplaire des infirmiers qui assurent au quotidien la sécurité et la continuité des soins à domicile auprès des personnes dépendantes. C'est ce professionnalisme et cette compétence qui rendent possible le maintien dans leur cadre familial de milliers de nos concitoyens, qu'ils soient âgés, handicapés ou, hélas, les deux à la fois. De toute évidence les infirmiers libéraux vont cependant devoir assister dans les prochaines années à une surenchère de projets de structures dispendieuses ouvertes aux heures de bureau, pendant qu'eux-mêmes continueront à assurer tous les retours d'hospitalisation, la réponse aux urgences, la continuité des soins dans les tranches horaires les plus contraignantes.
Par exemple, les infirmiers libéraux de Vaucluse sont régulièrement interpellés par des patients consternés de recevoir des décomptes de paiement atteignant 6 000 euros par mois pour des prises en charge d'HAD - hospitalisation à domicile - se résumant parfois à une aide à la toilette quotidienne ainsi qu'à une injection sous-cutanée, qui serait facturée, je vous le rappelle, 4,90 euros par leur infirmière libérale, déplacement compris.
Compte tenu de ces éléments, le syndicat des infirmiers libéraux FNI du Vaucluse émet un avis défavorable à cette création puisque ce projet ne correspond ni aux objectifs définis par la loi, ni à un besoin.
Aujourd'hui ce projet semble donc totalement inadapté et coûteux. Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer vos intentions : envisagez-vous la création de ce service de soins infirmiers à domicile ou l'abandon du projet, abandon qui paraît éminemment souhaitable ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Thierry Mariani, je n'ai pas l'habitude de décider depuis Paris de la création d'établissements pour personnes âgées ou de services de soins infirmiers à domicile, car il faut une bonne appréciation des besoins locaux.
J'observe que votre question est fort bien argumentée, que vous avez chiffré vos arguments, que vous êtes en contact étroit aussi bien avec les personnes âgées de votre circonscription qu'avec les personnels soignants, notamment les infirmiers et les médecins libéraux.
Je voudrais vous dire qu'au plan national, je n'ai pas de doute sur la nécessité de développer les services de soins infirmiers à domicile. Il y a du travail pour tout le monde car nous savons qu'entre 2005 et 2015, nous allons voir le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans pratiquement doubler ; nous avons là la mesure des problèmes de dépendance qu'il va nous falloir assumer.
Quant à la différence de coût entre infirmiers libéraux et services de soins infirmiers à domicile, ce n'est pas la première question que je me pose, car nous avons dans les deux cas besoin d'un effort de l'assurance maladie, effort qui est réel, et je considère que le travail des infirmiers libéraux et celui des services de soins infirmiers à domicile ne sont pas antagonistes, mais complémentaires. Je veux absolument que nous développions ces complémentarités.
Pour en revenir à votre question, s'agissant de ce service de soins infirmiers à domicile, qui fait l'objet d'un avis favorable des services locaux mais dont vous considérez qu'il ne répond pas à un véritable besoin, compte tenu de l'offre de soins adéquate assurée par les infirmiers libéraux, la meilleure réponse que je puisse vous faire ce matin, c'est de vous proposer de reprendre les concertations si elles n'ont pas été suffisantes. C'est seulement à l'issue de ces concertations qu'une décision définitive sera prise, de sorte que chacun trouve sa place au service des personnes âgées dépendantes de ce canton.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Vous avez raison : les besoins sont immenses. Hélas, les moyens sont inégalement répartis. Quand les professionnels et les infirmiers sont en nombre suffisant et couvrent très largement les besoins de la population, je ne vois pas l'intérêt de créer un tel service.
Quand vous me répondez que la concertation va reprendre, je serais tenté de vous dire qu'il serait temps qu'elle commence enfin. Sachez tout de même que les infirmiers ont appris l'éventualité de la création de ce service uniquement parce qu'un maire les a informés !
Je souhaiterais que les DDASS, en l'occurrence celle du Vaucluse, quand elles lancent une concertation, voient au moins les professionnels, ce qui me semble la moindre des choses. Sachez que l'autre député concerné -Jean-Michel Ferrand - est, lui aussi, catégoriquement opposé à ce projet, de même que le maire de Beaumes-de-Venise, conseiller général, et celui du Barroux, qui disent que cette création est inutile.
Conclusion : quand les besoins sont satisfaits, quand les choses fonctionnent correctement avec des professions libérales, quel est notre intérêt à créer des structures qui vont coûter cher au contribuable, qui vont concurrencer une activité libérale ? Je prends acte que la concertation va démarrer. Je suis persuadé qu'avec les éléments que j'ai mis en valeur vous constaterez que ce service est inutile. Certes, je sais très bien qu'on ne décide pas de la création de tels services à Paris, mais encore faudrait-il que les DDASS tiennent un peu compte de ce qui se passe localement et que la concertation soit réelle. Je suis certain que vous y serez attentif. Sachez que je le serai moi aussi, d'autant plus que, sur d'autres dossiers, je n'ai pas eu non plus l'impression que la concertation était au rendez-vous.

UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O