Texte de la REPONSE :
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PORTEE DE L'OBLIGATION DE DEBROUSSAILLEMENT PREVUE PAR LE CODE
FORESTIER M. le président. La parole est à
M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 1656, relative à la portée de
l'obligation de débroussaillement prévue par le code forestier. M.
Thierry Mariani. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche,
je souhaite vous interroger, ce matin - une fois de plus, hélas ! - sur les
difficultés d'application de l'article L. 322-3 du code forestier. En effet,
chaque année des milliers d'hectares de forêts, maquis et garrigues partent en
fumée, notamment dans le sud de la France. Bien souvent, ces catastrophes, qui
entraînent parfois la perte de vies humaines et la destruction de biens
personnels ou collectifs, auraient pu être évitées par des gestes simples. Le
débroussaillement, nous en convenons tous, fait partie de ces gestes
élémentaires. Il est rendu obligatoire par le code forestier autour des
habitations et des installations de toute nature. Mais si chacun s'accorde à
vouloir tout mettre en oeuvre contre le risque d'incendie, encore faut-il que la
réglementation soit incontestable. C'est là que le bât blesse. L'application
de l'article L. 322-3 du code forestier pose, en pratique, un certain nombre de
difficultés sur lesquelles, depuis un an et demi, je n'ai cessé d'alerter votre
ministère et les services concernés. Ces difficultés sont accentuées par
l'interprétation contradictoire que peuvent en faire les services de l'État,
l'usager étant alors contraint de s'adapter à l'interprétation qui peut varier
selon l'interlocuteur. J'avais participé, courant septembre 2005, à une
réunion organisée à l'initiative de M. Ponçin, Maire d'Uchaux, avec les
Uchaliens, mis en demeure de réaliser le débroussaillement avant le 31 octobre.
Les propriétaires m'avaient alors fait part de leur colère mais, surtout, de
leur incompréhension. Certains avaient subi le contrôle de deux agents
différents qui avaient eu des appréciations différentes et même
contradictoires. Par trois fois et par le biais de questions écrites, je vous
ai demandé des éclaircissements sur les dispositions de l'article L. 322-3 du
code forestier et je n'ai, malheureusement, pu obtenir, à ce jour, aucune
réponse claire. Le débroussaillement entraîne, pour les particuliers, des
dépenses considérables, et il serait souhaitable d'harmoniser les pratiques de
mise en oeuvre afin que la quantité des végétaux à brûler ne soit plus
considérée comme du déboisement mais bien comme l'obligation légale de
débroussaillement. Au cours de l'année, j'ai reçu des pétitions émanant de
nombreuses associations de ma circonscription, dont une de plus de deux cents
signataires du comité de quartier de Bollène-Écluse, mais aussi de l'Association
des riverains de la colline de Théos de Vaison la Romaine, des habitants
d'Uchaux et de Piolenc. Si tous rappellent qu'il s'agit d'un devoir civique et
solidaire, tous dénoncent le coût exorbitant, qui, par rapport à leurs
ressources, représente une lourde charge à assumer. Cependant, je veux rappeler
ici que la quasi-totalité des propriétaires a effectué les travaux de
débroussaillement, même s'ils sont un peu surpris par la
réglementation. Ainsi, qu'en est-il " des installations de toute nature "
dans le mode de calcul des cinquante mètres, en particulier lorsque la propriété
possède une construction annexe ? Une piscine ou un hangar agricole sont-ils,
oui ou non, considérés comme des installations de toute nature, avec les
conséquences que cela impose ? Cette question peut sembler anodine. Mais la
simple géométrie permet de comprendre que si l'on ajoute, à une habitation, une
piscine, un abri de barbecue, un hangar agricole abritant un véhicule hors
d'usage, le rayon des cinquante mètres devient énorme ! Pourtant, à mon avis, la
logique du législateur voulait que l'on protège l'habitation, non pas la piscine
! Par ailleurs, qu'en est-il de l'obligation d'engager des dépenses coûteuses
sur un bien qui n'est pas le sien ? En effet, chacun ayant l'obligation de
débroussailler dans un rayon de cinquante mètres de son habitation, selon
l'endroit où se trouve celle-ci, il peut devoir le faire chez le voisin à ses
frais. Convenez que c'est un peu hallucinant ! J'ai en ma possession de
nombreux témoignages d'exemples précis. Je les tiens à votre disposition,
monsieur le ministre. M. Claude Savelli de Bollène, qui possède mille mètres
carrés, a dû en débroussailler trois mille qui ne lui appartiennent pas, pour un
coût de 5 000 euros. Inutile de dire que ces cas se multiplient. Ils concernent
souvent des retraités, qui peuvent difficilement assumer les travaux. Devant
les différentes interprétations de ce texte, le coût très important pour les
propriétaires, mais aussi la nécessité d'effectuer ces travaux, je vous demande,
monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer si vous entendez faire le point
- rapidement, parce que la saison approche, pour ne pas dire que nous y sommes
déjà ! - sur l'application du débroussaillement et sur l'harmonisation des
pratiques de mises en oeuvre. Ne serait-il pas envisageable de modifier
l'article du code forestier, afin que les travaux de débroussaillement effectués
en application de la règle des cinquante mètres, au-delà des limites de la
propriété concernée, soient à la charge du propriétaire de chaque terrain
compris dans le périmètre soumis à l'obligation de débroussaillement ? Je dois
bien avouer cependant que ce serait remplacer une injustice par une autre
injustice. En effet, le propriétaire, qui aurait la malchance que quelqu'un
vienne construire en bordure de sa propriété, devrait débroussailler pour
l'autre propriétaire sur son propre terrain ! Bref, sur le diagnostic, nous
sommes tous d'accord : il faut débroussailler. Nous sommes tous d'accord aussi
sur le fait que le débroussaillement ne doit pas être du déboisement. Il faut
que les gens aient une consigne claire. Or, je le répète, à l'heure actuelle, ce
n'est pas le cas dans le Vaucluse. Selon les agents, les interprétations sont
différentes. Enfin, il faudrait faire en sorte que ce problème du
débroussaillement soit pris en compte, d'une manière ou d'une autre, quand il
doit être fait, à ses frais, par un propriétaire dans la propriété d'un
autre. M. le président. La parole est à M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche. M. Dominique Bussereau,
ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vais tenter de répondre à la
question très précise, et comme toujours pleine de talent et de malice, de M.
Mariani. Si ma réponse ne vous paraît pas à la hauteur de la qualité de votre
question, monsieur le député, je vous propose d'envoyer un des directeurs de mon
ministère passer une fin de semaine avec vous dans le Vaucluse, afin de faire un
point sur la situation locale avec le préfet et les maires. Je serai à votre
disposition pour que nous travaillions ensemble sur le terrain. M.
Louis Giscard d'Estaing. Pour mieux débroussailler la question
! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Le
débroussaillement dans les départements présentant des risques d'incendies
réduit la vulnérabilité des habitations, permet de protéger les maisons, la
population, et facilite l'intervention des pompiers. Si l'on fait le bilan
des incendies les plus dramatiques de ces dernières années, notamment ceux de
l'année 2003, année de la grande sécheresse, on constate que 90 % des maisons
ayant un rayon de cinquante mètres de débroussaillement n'ont pas été touchées,
alors que 65 % de celles dont le rayon n'excédait pas vingt mètres ont brûlé.
C'est le cas, par exemple, dans le Var, sur la commune du Plan de la Tour, que
j'ai survolée à plusieurs reprises depuis, pour voir comment on avait
replanté. Le débroussaillement, comme vous le soulignez, n'est pas un
déboisement. Il s'agit, en application de la langue française, de détruire la
broussaille, les arbustes, et d'enlever, si besoin, des arbres de sorte qu'il y
ait des espaces entre les cimes afin d'éviter la propagation de l'incendie. On
pourrait d'ailleurs envisager d'utiliser les arbres et la végétation ainsi
récoltés comme source d'énergie. Nous travaillons dans cette perspective avec
François Loos sur un appel d'offres pour la fourniture d'électricité à partir de
la biomasse qui pourrait être obtenue à partir de déchets de ce type dans les
départements de la grande zone méditerranéenne. Nous finançons des actions de
sensibilisation et de formation dans le cadre du Conservatoire de la forêt
méditerranéenne, dont les crédits sont gérés par le préfet de la zone de défense
Sud-Est. Dans votre département, le Vaucluse, par exemple, le préfet vient de
réaliser une campagne d'information et de sensibilisation auprès des élus et des
habitants. Des fiches de référence décrivant les règles et les modalités du
débroussaillement obligatoire ont été diffusées - j'espère qu'elles étaient
claires et compréhensibles - et des opérations pédagogiques ont été menées avec
l'Office national des forêts pour répondre aux interrogations des propriétaires
sur la nature des travaux à réaliser. On m'a également signalé que la presse de
votre département a relayé ces informations. En ce qui concerne les
démembrements d'habitation principale, le hangar agricole, le garage et la
piscine font partie, dans l'état actuel du droit, des constructions visées par
l'obligation de débroussaillement. Pour les piscines, cette opération permet aux
pompiers d'accéder en toute sécurité à la réserve d'eau, laquelle permet
souvent, dans les cas d'incendies de forêt, de sauver la maison ou celle du
voisin. Enfin, le débroussaillement sur le terrain du voisin constitue un
problème compliqué que connaissent l'ensemble des communes, où souvent il faut
agir pour compte d'autrui. Il s'agit d'abord de la mise en sécurité de ses
propres biens ou de sa personne. Selon un principe constant dans le droit civil
français, cela évite que le propriétaire d'un terrain parfois inconstructible
ait la charge d'une obligation en raison de la construction de son voisin.
Toutefois, il se heurte, comme vous l'avez indiqué, à des résistances très
fortes. Aussi pourrait-on envisager - et je suis prêt à y travailler avec vous -
de mutualiser le coût du débroussaillement autour des zones d'habitats
agglomérés, en s'appuyant sur des associations syndicales regroupant les
propriétaires concernés ; c'est un système qui existe déjà dans la grande zone
forestière du Sud-Ouest. Voilà les quelques éléments, monsieur Mariani, que
je souhaitais vous indiquer, et je renouvelle mon offre d'envoyer un de mes
collaborateurs les plus proches travailler avec vous, votre préfet et les maires
concernés, pour faire le point sur la situation locale. M. le
président. La parole est à M. Thierry Mariani. M. Thierry
Mariani. Monsieur le ministre, merci pour votre réponse et je prends
acte de votre proposition. Il n'y a pas de solution miracle, et nous sommes
tous d'accord sur l'utilité du débroussaillement. Je me permettrai toutefois de
proposer, lors de la prochaine loi de finances, un amendement tendant à exonérer
le revenu imposable de la part de débroussaillement effectué sur un terrain qui
ne nous appartient pas, ce qui constituerait pour les personnes concernées une
forme de compensation. Cette solution, sans être parfaite, pourrait être la
moins injuste, et je contacterai vos services à ce sujet d'ici le vote du
budget. M. le président. La parole est à M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche. M. le ministre de l'agriculture et de
la pêche. C'est une très bonne idée. Cela rendra en outre service à de
nombreux maires, qui ont dans leur commune des terrains rendus inconstructibles
pour protéger une zone verte et que les propriétaires n'entretiennent plus dans
la mesure où ils ne sont plus rentables, les laissant à l'état de friches
dangereuses et laides. Un tel amendement, s'il était voté, nous fournirait donc
un instrument d'incitation intéressant, et je suis prêt à soutenir votre
proposition auprès de mon collègue chargé du budget. M. Éric
Raoult. On pourrait envoyer les jeunes des banlieues débroussailler
! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Et vous
les encadreriez ! (Sourires.)
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