FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1656  de  M.   Mariani Thierry ( Union pour un Mouvement Populaire - Vaucluse ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  06/06/2006  page :  5728
Réponse publiée au JO le :  07/06/2006  page :  3958
Rubrique :  environnement
Tête d'analyse :  protection
Analyse :  débroussaillage. réglementation. application
Texte de la QUESTION : M. Thierry Mariani appelle une fois l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés d'application de l'article L. 322-3 du code forestier. Chaque année des milliers d'hectares de forêts, maquis et garrigues partent en fumée notamment dans le sud de la France. Bien souvent, ces catastrophes qui entraînent la perte de vies humaines et la destruction de biens personnels ou collectifs peuvent être évitées par des gestes simples. Le débroussaillement fait partie de ces gestes élémentaires. Il est rendu obligatoire par le code forestier autour des habitations et des installations de toute nature. Ainsi, si chacun s'accorde à vouloir tout mettre en oeuvre contre le risque d'incendie, encore faut-il que la réglementation soit unanimement incontestable. L'application de l'article L. 322-3 du code forestier pose en pratique un certain nombre de difficultés. Difficultés accentuées par l'interprétation contradictoire que peuvent en faire les services de l'État. L'usager étant alors contraint de s'adapter à l'interprétation qui peut varier selon l'interlocuteur. Par 3 fois et par le biais de questions écrites (n° 74188, question publiée au JO le 27 septembre 2005, page 8841, Réponse publiée au JO le 13 décembre 2005, page 11506 ; n° 74547, question publiée au JO le 27 septembre 2005, page 8878, réponse publiée au JO le 15 novembre 2005, page 10519 ; n° 74548, question publiée au JO le 27 septembre 2005, page 8878, Réponse publiée au JO le 15 novembre 2005, page 10519) il a demandé des éclaircissements sur les dispositions de l'article L. 322-3 du code forestier et n'a pu obtenir aucune réponse claire. Néanmoins le débroussaillement entraîne pour les particuliers des dépenses considérables et il serait souhaitable d'harmoniser les pratiques de mise en oeuvre afin que la quantité des végétaux à brûler ne soit plus considérée comme du déboisement mais bien comme l'obligation légale de débroussaillement. Aussi qu'en est-il « des installations de toute nature » dans le mode de calcul des 50 mètres en particulier lorsque la propriété possède une construction annexe  ? Une piscine ou un hangar agricole sont-ils oui ou non considérés comme des installations de toute nature avec les conséquences que cela imposent. Qu'en est-il de l'obligation d'engager des dépenses coûteuses sur un bien qui n'est pas le sien ? Devant les différentes interprétations de ce texte, le coût très important pour les propriétaires mais aussi la nécessité d'effectuer ces travaux, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend faire le point sur l'application du débroussaillement et sur l'harmonisation des pratiques de mises en oeuvre, et s'il est envisageable de modifier l'article du code forestier afin que les travaux de débroussaillement effectués en application de la règle des 50 mètres au-delà des limites de, la propriété concernée soient à la charge du propriétaire de chaque terrain compris dans le périmètre soumis à l'obligation de débroussaillement.
Texte de la REPONSE :

PORTEE DE L'OBLIGATION DE DEBROUSSAILLEMENT PREVUE PAR LE CODE FORESTIER

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 1656, relative à la portée de l'obligation de débroussaillement prévue par le code forestier.
M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je souhaite vous interroger, ce matin - une fois de plus, hélas ! - sur les difficultés d'application de l'article L. 322-3 du code forestier.
En effet, chaque année des milliers d'hectares de forêts, maquis et garrigues partent en fumée, notamment dans le sud de la France. Bien souvent, ces catastrophes, qui entraînent parfois la perte de vies humaines et la destruction de biens personnels ou collectifs, auraient pu être évitées par des gestes simples.
Le débroussaillement, nous en convenons tous, fait partie de ces gestes élémentaires. Il est rendu obligatoire par le code forestier autour des habitations et des installations de toute nature. Mais si chacun s'accorde à vouloir tout mettre en oeuvre contre le risque d'incendie, encore faut-il que la réglementation soit incontestable. C'est là que le bât blesse.
L'application de l'article L. 322-3 du code forestier pose, en pratique, un certain nombre de difficultés sur lesquelles, depuis un an et demi, je n'ai cessé d'alerter votre ministère et les services concernés. Ces difficultés sont accentuées par l'interprétation contradictoire que peuvent en faire les services de l'État, l'usager étant alors contraint de s'adapter à l'interprétation qui peut varier selon l'interlocuteur.
J'avais participé, courant septembre 2005, à une réunion organisée à l'initiative de M. Ponçin, Maire d'Uchaux, avec les Uchaliens, mis en demeure de réaliser le débroussaillement avant le 31 octobre. Les propriétaires m'avaient alors fait part de leur colère mais, surtout, de leur incompréhension. Certains avaient subi le contrôle de deux agents différents qui avaient eu des appréciations différentes et même contradictoires.
Par trois fois et par le biais de questions écrites, je vous ai demandé des éclaircissements sur les dispositions de l'article L. 322-3 du code forestier et je n'ai, malheureusement, pu obtenir, à ce jour, aucune réponse claire.
Le débroussaillement entraîne, pour les particuliers, des dépenses considérables, et il serait souhaitable d'harmoniser les pratiques de mise en oeuvre afin que la quantité des végétaux à brûler ne soit plus considérée comme du déboisement mais bien comme l'obligation légale de débroussaillement.
Au cours de l'année, j'ai reçu des pétitions émanant de nombreuses associations de ma circonscription, dont une de plus de deux cents signataires du comité de quartier de Bollène-Écluse, mais aussi de l'Association des riverains de la colline de Théos de Vaison la Romaine, des habitants d'Uchaux et de Piolenc. Si tous rappellent qu'il s'agit d'un devoir civique et solidaire, tous dénoncent le coût exorbitant, qui, par rapport à leurs ressources, représente une lourde charge à assumer. Cependant, je veux rappeler ici que la quasi-totalité des propriétaires a effectué les travaux de débroussaillement, même s'ils sont un peu surpris par la réglementation.
Ainsi, qu'en est-il " des installations de toute nature " dans le mode de calcul des cinquante mètres, en particulier lorsque la propriété possède une construction annexe ? Une piscine ou un hangar agricole sont-ils, oui ou non, considérés comme des installations de toute nature, avec les conséquences que cela impose ? Cette question peut sembler anodine. Mais la simple géométrie permet de comprendre que si l'on ajoute, à une habitation, une piscine, un abri de barbecue, un hangar agricole abritant un véhicule hors d'usage, le rayon des cinquante mètres devient énorme ! Pourtant, à mon avis, la logique du législateur voulait que l'on protège l'habitation, non pas la piscine !
Par ailleurs, qu'en est-il de l'obligation d'engager des dépenses coûteuses sur un bien qui n'est pas le sien ? En effet, chacun ayant l'obligation de débroussailler dans un rayon de cinquante mètres de son habitation, selon l'endroit où se trouve celle-ci, il peut devoir le faire chez le voisin à ses frais. Convenez que c'est un peu hallucinant !
J'ai en ma possession de nombreux témoignages d'exemples précis. Je les tiens à votre disposition, monsieur le ministre.
M. Claude Savelli de Bollène, qui possède mille mètres carrés, a dû en débroussailler trois mille qui ne lui appartiennent pas, pour un coût de 5 000 euros. Inutile de dire que ces cas se multiplient. Ils concernent souvent des retraités, qui peuvent difficilement assumer les travaux.
Devant les différentes interprétations de ce texte, le coût très important pour les propriétaires, mais aussi la nécessité d'effectuer ces travaux, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer si vous entendez faire le point - rapidement, parce que la saison approche, pour ne pas dire que nous y sommes déjà ! - sur l'application du débroussaillement et sur l'harmonisation des pratiques de mises en oeuvre.
Ne serait-il pas envisageable de modifier l'article du code forestier, afin que les travaux de débroussaillement effectués en application de la règle des cinquante mètres, au-delà des limites de la propriété concernée, soient à la charge du propriétaire de chaque terrain compris dans le périmètre soumis à l'obligation de débroussaillement ? Je dois bien avouer cependant que ce serait remplacer une injustice par une autre injustice. En effet, le propriétaire, qui aurait la malchance que quelqu'un vienne construire en bordure de sa propriété, devrait débroussailler pour l'autre propriétaire sur son propre terrain !
Bref, sur le diagnostic, nous sommes tous d'accord : il faut débroussailler. Nous sommes tous d'accord aussi sur le fait que le débroussaillement ne doit pas être du déboisement. Il faut que les gens aient une consigne claire. Or, je le répète, à l'heure actuelle, ce n'est pas le cas dans le Vaucluse. Selon les agents, les interprétations sont différentes. Enfin, il faudrait faire en sorte que ce problème du débroussaillement soit pris en compte, d'une manière ou d'une autre, quand il doit être fait, à ses frais, par un propriétaire dans la propriété d'un autre.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vais tenter de répondre à la question très précise, et comme toujours pleine de talent et de malice, de M. Mariani. Si ma réponse ne vous paraît pas à la hauteur de la qualité de votre question, monsieur le député, je vous propose d'envoyer un des directeurs de mon ministère passer une fin de semaine avec vous dans le Vaucluse, afin de faire un point sur la situation locale avec le préfet et les maires. Je serai à votre disposition pour que nous travaillions ensemble sur le terrain.
M. Louis Giscard d'Estaing. Pour mieux débroussailler la question !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Le débroussaillement dans les départements présentant des risques d'incendies réduit la vulnérabilité des habitations, permet de protéger les maisons, la population, et facilite l'intervention des pompiers.
Si l'on fait le bilan des incendies les plus dramatiques de ces dernières années, notamment ceux de l'année 2003, année de la grande sécheresse, on constate que 90 % des maisons ayant un rayon de cinquante mètres de débroussaillement n'ont pas été touchées, alors que 65 % de celles dont le rayon n'excédait pas vingt mètres ont brûlé. C'est le cas, par exemple, dans le Var, sur la commune du Plan de la Tour, que j'ai survolée à plusieurs reprises depuis, pour voir comment on avait replanté.
Le débroussaillement, comme vous le soulignez, n'est pas un déboisement. Il s'agit, en application de la langue française, de détruire la broussaille, les arbustes, et d'enlever, si besoin, des arbres de sorte qu'il y ait des espaces entre les cimes afin d'éviter la propagation de l'incendie. On pourrait d'ailleurs envisager d'utiliser les arbres et la végétation ainsi récoltés comme source d'énergie. Nous travaillons dans cette perspective avec François Loos sur un appel d'offres pour la fourniture d'électricité à partir de la biomasse qui pourrait être obtenue à partir de déchets de ce type dans les départements de la grande zone méditerranéenne.
Nous finançons des actions de sensibilisation et de formation dans le cadre du Conservatoire de la forêt méditerranéenne, dont les crédits sont gérés par le préfet de la zone de défense Sud-Est. Dans votre département, le Vaucluse, par exemple, le préfet vient de réaliser une campagne d'information et de sensibilisation auprès des élus et des habitants. Des fiches de référence décrivant les règles et les modalités du débroussaillement obligatoire ont été diffusées - j'espère qu'elles étaient claires et compréhensibles - et des opérations pédagogiques ont été menées avec l'Office national des forêts pour répondre aux interrogations des propriétaires sur la nature des travaux à réaliser. On m'a également signalé que la presse de votre département a relayé ces informations.
En ce qui concerne les démembrements d'habitation principale, le hangar agricole, le garage et la piscine font partie, dans l'état actuel du droit, des constructions visées par l'obligation de débroussaillement. Pour les piscines, cette opération permet aux pompiers d'accéder en toute sécurité à la réserve d'eau, laquelle permet souvent, dans les cas d'incendies de forêt, de sauver la maison ou celle du voisin.
Enfin, le débroussaillement sur le terrain du voisin constitue un problème compliqué que connaissent l'ensemble des communes, où souvent il faut agir pour compte d'autrui. Il s'agit d'abord de la mise en sécurité de ses propres biens ou de sa personne. Selon un principe constant dans le droit civil français, cela évite que le propriétaire d'un terrain parfois inconstructible ait la charge d'une obligation en raison de la construction de son voisin. Toutefois, il se heurte, comme vous l'avez indiqué, à des résistances très fortes. Aussi pourrait-on envisager - et je suis prêt à y travailler avec vous - de mutualiser le coût du débroussaillement autour des zones d'habitats agglomérés, en s'appuyant sur des associations syndicales regroupant les propriétaires concernés ; c'est un système qui existe déjà dans la grande zone forestière du Sud-Ouest.
Voilà les quelques éléments, monsieur Mariani, que je souhaitais vous indiquer, et je renouvelle mon offre d'envoyer un de mes collaborateurs les plus proches travailler avec vous, votre préfet et les maires concernés, pour faire le point sur la situation locale.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, merci pour votre réponse et je prends acte de votre proposition.
Il n'y a pas de solution miracle, et nous sommes tous d'accord sur l'utilité du débroussaillement. Je me permettrai toutefois de proposer, lors de la prochaine loi de finances, un amendement tendant à exonérer le revenu imposable de la part de débroussaillement effectué sur un terrain qui ne nous appartient pas, ce qui constituerait pour les personnes concernées une forme de compensation. Cette solution, sans être parfaite, pourrait être la moins injuste, et je contacterai vos services à ce sujet d'ici le vote du budget.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est une très bonne idée. Cela rendra en outre service à de nombreux maires, qui ont dans leur commune des terrains rendus inconstructibles pour protéger une zone verte et que les propriétaires n'entretiennent plus dans la mesure où ils ne sont plus rentables, les laissant à l'état de friches dangereuses et laides. Un tel amendement, s'il était voté, nous fournirait donc un instrument d'incitation intéressant, et je suis prêt à soutenir votre proposition auprès de mon collègue chargé du budget.
M. Éric Raoult. On pourrait envoyer les jeunes des banlieues débroussailler !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Et vous les encadreriez ! (Sourires.)

UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O