DEBAT :
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SITUATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.
M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, dans ce moment de grave tension internationale, la France et votre Gouvernement peuvent-ils s'offrir le luxe d'une crise durable sur le sol français, en Polynésie ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette crise porte atteinte, en effet, à l'image de la France et fait offense à notre démocratie.
Monsieur le Premier ministre, les conditions sont aujourd'hui réunies pour organiser des élections générales en Polynésie. Vous en avez le droit, conformément au statut de ce territoire. Nous constatons tous, chaque semaine, le blocage des institutions locales : vous en avez donc aussi le devoir, pour préserver la paix civile. Chaque jour perdu et chaque manoeuvre accroissent l'amertume et les peurs, et donc les risques d'affrontement.
Pendant des semaines, vous avez refusé tout geste d'apaisement. Aujourd'hui, nous dit-on, le Gouvernement invite enfin les responsables polynésiens à Paris et n'exclut plus l'organisation d'élections générales. Nous vous en donnons acte, mais nous demandons sincérité et clarté dès aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, pour qu'un dialogue utile et républicain puisse s'engager dans quelques jours. Seule une initiative politique, et tout d'abord la dissolution de l'Assemblée de Polynésie, peut dénouer cette crise.
Dans votre majorité, monsieur le Premier ministre, et jusqu'au plus haut niveau de cette assemblée, beaucoup de voix s'élèvent pour s'étonner de ces tergiversations et demander la même chose que nous. Quand votre Gouvernement donnera-t-il enfin un signe réel de compréhension et d'apaisement ? Quand allez-vous annoncer la dissolution de l'Assemblée de la Polynésie française ? Comment ferez-vous respecter l'impartialité indispensable à la préparation des élections générales en Polynésie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Huées sur les bancs du groupe socialiste. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, le Gouvernement a une politique constante en Polynésie. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Nous n'avons cessé de dire, et j'ai moi-même écrit à M. Temaru dès le 7 octobre, qu'il était indispensable d'attendre la décision du Conseil d'État pour savoir si les élections du 23 mai, que vous n'avez cessé de qualifier d'historiques et de légitimes, devaient ou non être annulées. Or le Conseil d'État vient de décider d'annuler ces élections dans la seule circonscription où M. Temaru était arrivé de justesse en tête, avec moins de 400 voix d'avance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette décision est un cuisant désaveu pour vos positions. Pour vous permettre d'en tirer toutes les conséquences, je vous rappelle en outre qu'il s'agit là de la sixième décision de justice qui donne raison à toutes les analyses juridiques du Gouvernement et rejette toutes les positions défendues par les indépendantistes.
J'ai toujours répondu à ceux qui réclamaient la dissolution que je ne voyais pas d'objection de principe à ce que les Polynésiens retournent aux urnes (" C'est faux ! " sur les bancs du groupe socialiste), mais qu'ils devaient y retourner sur une base légale. La légalité, en effet, n'est pas un carcan, mais le cadre nécessaire des rapports politiques et sociaux dans une démocratie. (" Très bien ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme je viens de le proposer, je souhaite rencontrer l'ensemble des forces politiques représentées à l'Assemblée de Polynésie, pour que nous puissions ensemble, dans le dialogue et la sérénité, examiner toutes les conséquences juridiques de cette annulation partielle des élections de Polynésie - qui n'étaient donc pas si légitimes que vous le prétendiez.
M. René Dosière. Et la marche du 16 octobre ?
Mme la ministre de l'outre-mer. Il nous faudra ensuite, toujours dans le dialogue et la sérénité, examiner dans quelles conditions juridiques pourraient être organisées d'éventuelles élections générales. Cette éventualité suppose, je le rappelle, que soient remplies deux conditions : qu'un large consensus se dégage et que nous trouvions les bases juridiques permettant d'organiser ces élections.
À l'heure actuelle, les conditions légales prévues par l'article 147 du statut de la Polynésie, pour la dissolution ne sont toujours pas réunies. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous comprendrez donc, monsieur Paul, que je réserve mes commentaires aux élus de la Polynésie, que je rencontrerai la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
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