Texte de la REPONSE :
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FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DU TRANSFERT DE LA GESTION DU RMI AUX
DEPARTEMENTS Mme la présidente. La parole
est à M. Bernard Derosier, pour exposer sa question, n° 1670. M.
Bernard Derosier. Il s'agit, monsieur le ministre, du problème
récurrent de la compensation par l'État des dépenses afférentes au revenu
minimum, problème que vous devez connaître, en tant que président du conseil
général, dans votre département. En 2004, comme vous le savez, l'État avait
inscrit un crédit de 4,941 milliards d'euros pour compenser le RMI, et le
Gouvernement proposé 457 millions dans la loi de finances rectificative,
lesquels n'ont été versés aux départements qu'au début de 2006. Nonobstant le
retard et les intérêts payés par les départements - 5 millions d'euros non
compensés dans le mien -, on peut considérer que les dépenses liées au revenu
minimum ont été compensées à l'euro près. Pour 2005, la situation est
préoccupante, puisque les calculs font apparaître un " delta " de 1 milliard
d'euros entre ce que l'État a versé aux départements à travers la TIPP et ce que
ces derniers ont reçu pour le revenu minimum. Le Premier ministre, qui recevait
l'association des départements de France le 9 février dernier, s'est engagé à
inscrire 500 millions d'euros par an pendant trois ans à un fonds de
compensation, à mettre en oeuvre seize mesures destinées à assouplir les
modalités de gestion du RMI et à en diminuer le coût. Je ne citerai que deux de
ces mesures : l'une vise à préciser les cas d'exemption du forfait logement ;
l'autre à étudier le seuil de non versement du RMI. Ce ne sont pas là des
propositions qui feront diminuer de façon significative les dépenses liées aux
revenus minimum. Dans mon département, sur les 71 millions d'euros dont l'État
est redevable pour 2005, seuls 38 millions seront versés, soit une différence de
33 millions d'euros, et l'équivalent de 6 points d'impôt dans le budget. Pour
2006, le " delta " est à ce jour de 25 millions d'euros dans mon département :
cela représente une progression, et je souhaiterais que le Gouvernement adopte
une position plus rassurante pour les exécutifs départementaux. L'annonce d'une
compensation supplémentaire de 500 millions par rapport à une dépense de 1
milliard en 2005 n'est pas satisfaisante. Par ailleurs, monsieur le ministre,
un nouveau problème se pose aujourd'hui : la compensation des contrats d'avenir.
Comme vous le savez, un allocataire du revenu minimum peut être signataire d'un
contrat d'avenir et, en ce cas, l'employeur reçoit du département une aide
équivalente à l'allocation mensuelle du revenu minimum - en plus d'une aide
dégressive de l'État -, qui n'est pas compensée. Or, dans une lettre datée du 22
mars 2005, M. Borloo m'écrivait : " L'activation des dépenses passives de
solidarité en dépenses actives d'insertion professionnelle est en effet l'un des
enjeux majeurs du plan de cohésion sociale. L'État s'engage financièrement, de
manière très forte, sur cette action. Celle-ci ne peut cependant réussir qu'avec
votre engagement, mais il n'y a pas là de dépense supplémentaire pour les
conseils généraux. " Fort de cette garantie, j'ai signé avec le représentant
de l'État une convention portant à 15 000 le nombre de contrats d'avenir pour
mon département, dont 4750 ont été signées à ce jour. Mais la réponse de M.
Larcher à une question écrite que je lui avais adressée le 13 décembre dernier
n'a pas laissé de m'inquiéter : il m'a en effet été répondu que " seul le
transfert de l'allocation donne lieu à compensation, l'activation d'une partie
de cette aide dans le cadre de la mobilisation du contrat d'avenir étant exclue
des dispositions figurant à l'article 59 de la loi de finances. " En d'autres
termes, la participation des départements aux contrats d'avenir, par
l'allocation de la part de revenu minimum à l'employeur titulaire d'un contrat
d'avenir, ne serait plus compensée. Cela s'appelle, monsieur le ministre, de
l'abus de confiance - je n'ose dire de l'escroquerie, car je veux croire qu'une
solution sera trouvée. En ce qui concerne les 15 000 contrats d'avenir pour
lesquels je me suis engagé, cela représenterait 78 millions d'euros non
compensés, soit 13 points de fiscalité. Certes, ce sont des crédits d'insertion
et le Gouvernement, dans des réponses antérieures, a fait allusion à la
suppression du seuil minimum de 17 %. Mais, dans mon département, pour 342
millions d'euros de revenus, j'avais inscrit 44 millions de revenus d'insertion.
Si ces 78 millions n'étaient pas compensés, 35,3 % des crédits seraient
consacrés à l'insertion. On est donc bien loin des 17 % ! Ne me parlez pas
des abus et des fraudeurs, monsieur le ministre : même s'il y en avait mille -
ce qui n'est certes pas le cas, loin s'en faut - sur les soixante-seize mille
allocataires, il resterait soixante-quinze mille allocataires réguliers. Ne me
dites pas non plus que les départements se contentent de regarder monter le RMI
en demandant à l'État de payer, comme le déclarait récemment votre collègue M.
Hortefeux. Les départements utilisent pleinement les moyens dont ils disposent,
et les contrats d'avenir, malgré leurs imperfections, en faisaient partie.
Encore faut-il que l'État assume ses responsabilités. De votre réponse,
monsieur le ministre, dépend la vie de ces hommes et de ces femmes vis-à-vis de
qui nous avons un devoir de solidarité. Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du
territoire. M. Christian Estrosi, ministre délégué à
l'aménagement du territoire. L'avenir de ces personnes ne dépend pas de ma
réponse, monsieur Derosier, mais plutôt du dynamisme des présidents de conseils
généraux et de leur engagement à vouloir les défendre. Vous avez souhaité
appeler l'attention du ministre délégué aux collectivités territoriales, qui m'a
demandé de vous répondre, sur les modalités de compensation du transfert du
revenu minimum d'insertion. La compétence relative au RMI a été transférée
aux départements le 1er janvier 2004, il y a donc désormais près de deux ans et
demi. Les conditions de ce transfert, prévues par la loi, ont été vérifiées par
le Conseil constitutionnel. Elles ont été déclarées conformes à la Constitution,
et notamment à son nouvel article 72-2, qui dispose que " tout transfert de
compétences entre l'État et les collectivités locales s'accompagne de
l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur
exercice. " La commission consultative d'évaluation des charges a eu l'occasion,
lors des séances du 9 novembre 2005 et du 14 juin 2006, de vérifier le montant
de ce droit à compensation arrêté à 4,941 milliards d'euros. L'État a tenu
l'ensemble de ses engagements constitutionnels et législatifs, puisqu'il a
assuré aux départements la recette correspondant à ses propres dépenses au
moment du transfert. En 2004, au-delà de toute obligation constitutionnelle,
le Premier ministre a bien voulu considérer que la réorganisation profonde du
dispositif de prise en charge de l'insertion imposée par la loi de
décentralisation du RMI - en relation avec les CCAS, les DDASS, refonte du
dispositif d'insertion, et les CLI - n'avait pas permis aux départements de
faire face à l'augmentation du RMI dans les meilleures conditions. Le Premier
ministre a donc accepté une prise en charge complète de l'écart constaté entre
la dépense réellement supportée par les départements et le droit à compensation
qu'ils avaient perçu, soit 456 millions d'euros supplémentaires. Cet abondement
exceptionnel a été versé aux départements en janvier 2006. En 2005, et pour
les deux années suivantes, le Premier ministre a consenti un nouvel effort
exceptionnel - au-delà du droit à compensation - en décidant que l'État
accompagnerait les départements dans la prise en charge de leur compétence en
leur apportant 500 millions d'euros à travers le FMDI - le fonds de mobilisation
pour l'insertion -, créé à l'initiative du Parlement dans le cadre de la loi de
finances initiale pour 2006. Ce fonds sera réparti selon des critères qui
tiendront compte tout d'abord de la réalité de la dépense RMI, ensuite, de la
nécessité d'introduire une péréquation pour aider les départements les plus
défavorisés et, enfin, de la mobilisation des départements en faveur de
l'insertion. Je vous confirme donc que le Gouvernement est très attaché à ce
qu'un effort particulier soit effectué en direction des départements dans
lesquels l'ensemble des instruments de la politique de retour à l'emploi est
mobilisé en faveur des allocataires du RMI. Des réunions de travail doivent se
poursuivre avec l'ADF sur les modalités de répartition de ce fonds. Pour ce qui
est de la répartition des 500 millions d'euros au titre de l'année 2005, elle a
vocation à intervenir dans le cadre du projet de loi de finances rectificative
qui sera déposé à l'automne, avec un versement effectif du FMDI au début de
l'année 2007. Aux termes de cette décision du Premier ministre, permettez-moi
de vous faire observer, monsieur le président Derosier, que la charge résiduelle
réelle du RMI pour les départements est de l'ordre de 340 millions d'euros, ce
qui représente environ 1,3 % de leurs dépenses d'aide sociale. La seule
question que pose aujourd'hui le RMI est celle de la responsabilité politique et
sociale. Les départements ont une compétence, gérer le RMI, c'est-à-dire décider
qui a droit à cette allocation et qui n'y a pas droit, quels efforts il faut
faire pour aider un RMiste à s'insérer et qui doit être sanctionné pour abus. Je
crois sincèrement que les départements - et il me semble ne pas être trop mal
placé pour l'apprécier - sont mieux placés que l'État pour faire ce travail. En
effet, les politiques d'insertion sont de leur compétence depuis 1988 et ce sont
les travailleurs sociaux des départements qui interviennent auprès des RMistes.
Ils ont donc les moyens d'assumer cette responsabilité. Au demeurant, je
relève, en regardant les statistiques, département par département, qu'il y en a
où le nombre d'allocataires est à la baisse, d'autres où il est à la hausse. Ce
qui démontre bien qu'en fonction du dynamisme et de l'engagement politique
personnel des exécutifs départementaux, il y a des politiques d'insertion qui
sont plus efficaces que d'autres. C'est une responsabilité qui appartient aux
grandes collectivités départementales. Je ne peux qu'espérer que chacun en
prenne pleinement la mesure. C'est d'ailleurs une tâche enthousiasmante que de
consacrer des efforts, au plan local, à l'insertion de ceux qui sont en
situation de grave détresse. Vous m'interrogez, par ailleurs, sur le contrat
d'avenir, ce que vous n'aviez pas prévu dans votre question
initiale. M. Bernard Derosier. C'est le financement du RMI
! M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire. Je
demanderai à mon collègue M. Borloo de vous apporter une réponse, puisque cela
relève de ses politiques. Mme la présidente. La parole est à
M. Bernard Derosier. M. Bernard Derosier. Je note, monsieur
le ministre, que vous n'êtes pas en mesure de me répondre sur le problème des
contrats d'avenir, qui concerne bien, pourtant, les allocataires du revenu
minimum. En effet, quand ceux-ci bénéficient de contrats d'avenir, ce n'est pas
compensé pour les départements, pour lesquels cela représente donc une charge
nette. Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement à cet
égard. Je relève aussi dans votre propos, monsieur le ministre, que si un
département qui comptait 64 000 allocataires le 1er janvier 2004, lorsque nous
avons pris la compétence, en compte aujourd'hui 76 000, soit 12 000 de plus, ce
serait la conséquence du manque de dynamisme de l'exécutif départemental. Merci
de ce compliment ! Je ne pensais pas être si peu dynamique ! Enfin, j'observe
que la réponse du Gouvernement est toujours la même sur ce point. À l'évidence,
cela ne peut pas nous satisfaire. J'en tire la conclusion que, dans mon
département en tout cas, il n'est plus possible de financer les contrats
d'avenir à travers la part de revenu minimum versée aux employeurs d'éventuels
signataires de ces contrats. Des milliers d'hommes et de femmes vont donc rester
sur le carreau par votre faute !
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