FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1670  de  M.   Derosier Bernard ( Socialiste - Nord ) QOSD
Ministère interrogé :  collectivités territoriales
Ministère attributaire :  collectivités territoriales
Question publiée au JO le :  20/06/2006  page :  6302
Réponse publiée au JO le :  21/06/2006  page :  4323
Rubrique :  État
Tête d'analyse :  décentralisation
Analyse :  conséquences. RMI. gestion
Texte de la QUESTION : M. Bernard Derosier attire l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les modalités de compensation financière par l'État des allocations du RMI versées par les départements. Le transfert de la gestion du RMI aux départements prévu par la loi du 18 décembre 2003 a de lourdes conséquences sur les finances départementales. Les sommes versées aux allocataires sont de loin supérieures aux crédits apportés par l'État en compensation de cette charge à transférer. Par ailleurs, le dispositif annoncé le 9 février dernier ne réglerait que la moitié du problème, et avec un décalage d'un an, puisque la charge non compensée du RMI sur les départements en 2005 s'élève à un milliard d'euros. Aussi, il lui demande de préciser quand l'État compte assumer enfin ses responsabilités et trouver les moyens d'assurer le financement intégral de la décentralisation du RMI.
Texte de la REPONSE :

FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DU TRANSFERT
DE LA GESTION DU RMI AUX DEPARTEMENTS

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Derosier, pour exposer sa question, n° 1670.
M. Bernard Derosier. Il s'agit, monsieur le ministre, du problème récurrent de la compensation par l'État des dépenses afférentes au revenu minimum, problème que vous devez connaître, en tant que président du conseil général, dans votre département.
En 2004, comme vous le savez, l'État avait inscrit un crédit de 4,941 milliards d'euros pour compenser le RMI, et le Gouvernement proposé 457 millions dans la loi de finances rectificative, lesquels n'ont été versés aux départements qu'au début de 2006. Nonobstant le retard et les intérêts payés par les départements - 5 millions d'euros non compensés dans le mien -, on peut considérer que les dépenses liées au revenu minimum ont été compensées à l'euro près.
Pour 2005, la situation est préoccupante, puisque les calculs font apparaître un " delta " de 1 milliard d'euros entre ce que l'État a versé aux départements à travers la TIPP et ce que ces derniers ont reçu pour le revenu minimum. Le Premier ministre, qui recevait l'association des départements de France le 9 février dernier, s'est engagé à inscrire 500 millions d'euros par an pendant trois ans à un fonds de compensation, à mettre en oeuvre seize mesures destinées à assouplir les modalités de gestion du RMI et à en diminuer le coût. Je ne citerai que deux de ces mesures : l'une vise à préciser les cas d'exemption du forfait logement ; l'autre à étudier le seuil de non versement du RMI. Ce ne sont pas là des propositions qui feront diminuer de façon significative les dépenses liées aux revenus minimum. Dans mon département, sur les 71 millions d'euros dont l'État est redevable pour 2005, seuls 38 millions seront versés, soit une différence de 33 millions d'euros, et l'équivalent de 6 points d'impôt dans le budget. Pour 2006, le " delta " est à ce jour de 25 millions d'euros dans mon département : cela représente une progression, et je souhaiterais que le Gouvernement adopte une position plus rassurante pour les exécutifs départementaux. L'annonce d'une compensation supplémentaire de 500 millions par rapport à une dépense de 1 milliard en 2005 n'est pas satisfaisante.
Par ailleurs, monsieur le ministre, un nouveau problème se pose aujourd'hui : la compensation des contrats d'avenir. Comme vous le savez, un allocataire du revenu minimum peut être signataire d'un contrat d'avenir et, en ce cas, l'employeur reçoit du département une aide équivalente à l'allocation mensuelle du revenu minimum - en plus d'une aide dégressive de l'État -, qui n'est pas compensée. Or, dans une lettre datée du 22 mars 2005, M. Borloo m'écrivait : " L'activation des dépenses passives de solidarité en dépenses actives d'insertion professionnelle est en effet l'un des enjeux majeurs du plan de cohésion sociale. L'État s'engage financièrement, de manière très forte, sur cette action. Celle-ci ne peut cependant réussir qu'avec votre engagement, mais il n'y a pas là de dépense supplémentaire pour les conseils généraux. "
Fort de cette garantie, j'ai signé avec le représentant de l'État une convention portant à 15 000 le nombre de contrats d'avenir pour mon département, dont 4750 ont été signées à ce jour. Mais la réponse de M. Larcher à une question écrite que je lui avais adressée le 13 décembre dernier n'a pas laissé de m'inquiéter : il m'a en effet été répondu que " seul le transfert de l'allocation donne lieu à compensation, l'activation d'une partie de cette aide dans le cadre de la mobilisation du contrat d'avenir étant exclue des dispositions figurant à l'article 59 de la loi de finances. " En d'autres termes, la participation des départements aux contrats d'avenir, par l'allocation de la part de revenu minimum à l'employeur titulaire d'un contrat d'avenir, ne serait plus compensée. Cela s'appelle, monsieur le ministre, de l'abus de confiance - je n'ose dire de l'escroquerie, car je veux croire qu'une solution sera trouvée.
En ce qui concerne les 15 000 contrats d'avenir pour lesquels je me suis engagé, cela représenterait 78 millions d'euros non compensés, soit 13 points de fiscalité. Certes, ce sont des crédits d'insertion et le Gouvernement, dans des réponses antérieures, a fait allusion à la suppression du seuil minimum de 17 %. Mais, dans mon département, pour 342 millions d'euros de revenus, j'avais inscrit 44 millions de revenus d'insertion. Si ces 78 millions n'étaient pas compensés, 35,3 % des crédits seraient consacrés à l'insertion. On est donc bien loin des 17 % !
Ne me parlez pas des abus et des fraudeurs, monsieur le ministre : même s'il y en avait mille - ce qui n'est certes pas le cas, loin s'en faut - sur les soixante-seize mille allocataires, il resterait soixante-quinze mille allocataires réguliers. Ne me dites pas non plus que les départements se contentent de regarder monter le RMI en demandant à l'État de payer, comme le déclarait récemment votre collègue M. Hortefeux. Les départements utilisent pleinement les moyens dont ils disposent, et les contrats d'avenir, malgré leurs imperfections, en faisaient partie. Encore faut-il que l'État assume ses responsabilités.
De votre réponse, monsieur le ministre, dépend la vie de ces hommes et de ces femmes vis-à-vis de qui nous avons un devoir de solidarité.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. L'avenir de ces personnes ne dépend pas de ma réponse, monsieur Derosier, mais plutôt du dynamisme des présidents de conseils généraux et de leur engagement à vouloir les défendre.
Vous avez souhaité appeler l'attention du ministre délégué aux collectivités territoriales, qui m'a demandé de vous répondre, sur les modalités de compensation du transfert du revenu minimum d'insertion.
La compétence relative au RMI a été transférée aux départements le 1er janvier 2004, il y a donc désormais près de deux ans et demi. Les conditions de ce transfert, prévues par la loi, ont été vérifiées par le Conseil constitutionnel. Elles ont été déclarées conformes à la Constitution, et notamment à son nouvel article 72-2, qui dispose que " tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités locales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. " La commission consultative d'évaluation des charges a eu l'occasion, lors des séances du 9 novembre 2005 et du 14 juin 2006, de vérifier le montant de ce droit à compensation arrêté à 4,941 milliards d'euros. L'État a tenu l'ensemble de ses engagements constitutionnels et législatifs, puisqu'il a assuré aux départements la recette correspondant à ses propres dépenses au moment du transfert.
En 2004, au-delà de toute obligation constitutionnelle, le Premier ministre a bien voulu considérer que la réorganisation profonde du dispositif de prise en charge de l'insertion imposée par la loi de décentralisation du RMI - en relation avec les CCAS, les DDASS, refonte du dispositif d'insertion, et les CLI - n'avait pas permis aux départements de faire face à l'augmentation du RMI dans les meilleures conditions. Le Premier ministre a donc accepté une prise en charge complète de l'écart constaté entre la dépense réellement supportée par les départements et le droit à compensation qu'ils avaient perçu, soit 456 millions d'euros supplémentaires. Cet abondement exceptionnel a été versé aux départements en janvier 2006.
En 2005, et pour les deux années suivantes, le Premier ministre a consenti un nouvel effort exceptionnel - au-delà du droit à compensation - en décidant que l'État accompagnerait les départements dans la prise en charge de leur compétence en leur apportant 500 millions d'euros à travers le FMDI - le fonds de mobilisation pour l'insertion -, créé à l'initiative du Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2006.
Ce fonds sera réparti selon des critères qui tiendront compte tout d'abord de la réalité de la dépense RMI, ensuite, de la nécessité d'introduire une péréquation pour aider les départements les plus défavorisés et, enfin, de la mobilisation des départements en faveur de l'insertion.
Je vous confirme donc que le Gouvernement est très attaché à ce qu'un effort particulier soit effectué en direction des départements dans lesquels l'ensemble des instruments de la politique de retour à l'emploi est mobilisé en faveur des allocataires du RMI. Des réunions de travail doivent se poursuivre avec l'ADF sur les modalités de répartition de ce fonds. Pour ce qui est de la répartition des 500 millions d'euros au titre de l'année 2005, elle a vocation à intervenir dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui sera déposé à l'automne, avec un versement effectif du FMDI au début de l'année 2007.
Aux termes de cette décision du Premier ministre, permettez-moi de vous faire observer, monsieur le président Derosier, que la charge résiduelle réelle du RMI pour les départements est de l'ordre de 340 millions d'euros, ce qui représente environ 1,3 % de leurs dépenses d'aide sociale.
La seule question que pose aujourd'hui le RMI est celle de la responsabilité politique et sociale. Les départements ont une compétence, gérer le RMI, c'est-à-dire décider qui a droit à cette allocation et qui n'y a pas droit, quels efforts il faut faire pour aider un RMiste à s'insérer et qui doit être sanctionné pour abus. Je crois sincèrement que les départements - et il me semble ne pas être trop mal placé pour l'apprécier - sont mieux placés que l'État pour faire ce travail. En effet, les politiques d'insertion sont de leur compétence depuis 1988 et ce sont les travailleurs sociaux des départements qui interviennent auprès des RMistes. Ils ont donc les moyens d'assumer cette responsabilité.
Au demeurant, je relève, en regardant les statistiques, département par département, qu'il y en a où le nombre d'allocataires est à la baisse, d'autres où il est à la hausse. Ce qui démontre bien qu'en fonction du dynamisme et de l'engagement politique personnel des exécutifs départementaux, il y a des politiques d'insertion qui sont plus efficaces que d'autres. C'est une responsabilité qui appartient aux grandes collectivités départementales. Je ne peux qu'espérer que chacun en prenne pleinement la mesure. C'est d'ailleurs une tâche enthousiasmante que de consacrer des efforts, au plan local, à l'insertion de ceux qui sont en situation de grave détresse.
Vous m'interrogez, par ailleurs, sur le contrat d'avenir, ce que vous n'aviez pas prévu dans votre question initiale.
M. Bernard Derosier. C'est le financement du RMI !
M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire. Je demanderai à mon collègue M. Borloo de vous apporter une réponse, puisque cela relève de ses politiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Derosier.
M. Bernard Derosier. Je note, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas en mesure de me répondre sur le problème des contrats d'avenir, qui concerne bien, pourtant, les allocataires du revenu minimum. En effet, quand ceux-ci bénéficient de contrats d'avenir, ce n'est pas compensé pour les départements, pour lesquels cela représente donc une charge nette. Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement à cet égard.
Je relève aussi dans votre propos, monsieur le ministre, que si un département qui comptait 64 000 allocataires le 1er janvier 2004, lorsque nous avons pris la compétence, en compte aujourd'hui 76 000, soit 12 000 de plus, ce serait la conséquence du manque de dynamisme de l'exécutif départemental. Merci de ce compliment ! Je ne pensais pas être si peu dynamique !
Enfin, j'observe que la réponse du Gouvernement est toujours la même sur ce point. À l'évidence, cela ne peut pas nous satisfaire. J'en tire la conclusion que, dans mon département en tout cas, il n'est plus possible de financer les contrats d'avenir à travers la part de revenu minimum versée aux employeurs d'éventuels signataires de ces contrats. Des milliers d'hommes et de femmes vont donc rester sur le carreau par votre faute !

SOC 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O