Texte de la QUESTION :
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M. Georges Colombier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes liés au manque de souplesse dans la gestion des droits de paiement unique. La politique agricole commune (PAC) façonne depuis plus de quarante ans l'environnement quotidien de millions d'agriculteurs et consommateurs européens. Tout au long de son histoire, elle a nécessairement évolué, elle s'est même réformée pour s'adapter aux marchés, au contexte international. En dépit des crises et des critiques, elle a permis à l'agriculture européenne de se maintenir, y compris dans les régions difficiles, de se développer, de produire durablement et de mettre à disposition de tous des produits de qualité. Elle est également un instrument important du développement rural. En juin 2003, la réforme de la PAC a notamment modifié les bases des aides directes à la production octroyées aux agriculteurs en les découplant partiellement ou totalement de la production. Cette réforme d'ampleur a introduit un nouveau critère d'éco-conditionnalité des aides qui reposent sur des droits à paiement unique (DPU). Il souhaite particulièrement insister sur les problèmes liés à l'activation préalable des droits « jachère » rencontrés par bon nombre d'agriculteurs. En effet, les DPU jachère doivent être activés en premier. De ce fait, aucun DPU normal ne peut être activé avant que tous les DPU jachère le soient, sauf à se voir appliquer une pénalité. Cette condition semble nécessaire pour assurer le maintien de surfaces en jachère, destinées à maîtriser la production agricole. Mais cette condition intangible ne prend pas en compte un certain nombre de réalités : la superficie exploitée par un agriculteur peut diminuer. La superficie qu'il devra maintenir en jachère pour activer ses droits représentera alors un pourcentage supérieur au taux de gel historique. L'agriculteur se trouvera alors « contraint à ne pas produire » sur une surface supplémentaire en pourcentage, pour activer les droits normaux ; la superficie en jachère peut être consacrée à du gel industriel. Lequel est soumis à des contrats d'entreprise, dont la réalisation est éventuellement exposée à la défaillance de l'entreprise contractante. Dans ce cas, la culture installée pour le gel industriel ne peut plus être admise en jachère normale. Les droits jachère ne peuvent plus être activés ; surtout, le maintien du gel obligatoire peut ne plus correspondre à l'avenir aux besoins de l'économie agricole nationale et internationale. Le découplage des aides PAC se traduit déjà, chez certains pays voisins de la France, par des baisses de production assez sensibles. Inversement, des opportunités de marché peuvent se présenter pour les agriculteurs français. Le maintien de cette obligation de gel, et son corollaire qui est l'activation préalable des droits jachère, bride la réactivité de l'économie agricole et fige une situation « historique » (période de référence 2000-2002) dont la justification va se trouver de plus en plus décalée par rapport à l'économie réelle. Aussi, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour faire évoluer cette règle de l'activation préalable des droits jachère, et ouvrir dès à présent la possibilité de n'activer ces droits jachère qu'au prorata des droits normaux que l'agriculteur souhaite activer.
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Texte de la REPONSE :
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GESTION DES DROITS A PAIEMENT UNIQUE Mme la présidente. La parole est à M. Georges
Colombier, pour exposer sa question n° 1677. M. Georges
Colombier. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la
politique agricole commune façonne depuis plus de quarante ans l'environnement
quotidien de millions d'agriculteurs et consommateurs européens. Tout au long de
son histoire, elle a nécessairement évolué, et s'est même réformée pour
s'adapter aux marchés et au contexte international. En juin 2003, la réforme
de la PAC a notamment modifié les bases des aides directes à la production
octroyées aux agriculteurs en les découplant partiellement ou totalement de la
production. Cette réforme d'ampleur a introduit un nouvel outil, le droit à
paiement unique. Je souhaite particulièrement insister sur les problèmes
rencontrés par bon nombre d'agriculteurs en ce qui concerne l'activation
préalable des droits " jachère ". En effet, la règle est que les DPU "jachère "
doivent être activés en premier. De ce fait, aucun DPU normal ne peut être
activé avant que tous les DPU " jachère " le soient, à moins de se voir
appliquer une réfaction sur la valeur des droits. Cette condition semble
nécessaire pour assurer le maintien de surfaces en jachère et maîtriser la
production agricole. Mais son application intangible ne prend pas en compte un
certain nombre de réalités. J'en citerai trois exemples. Tout d'abord, la
superficie exploitée par un agriculteur peut diminuer. La superficie qu'il devra
maintenir en jachère pour activer ses droits représentera un pourcentage
supérieur au taux de gel historique. L'agriculteur se trouvera alors " contraint
à ne pas produire " sur une surface supplémentaire en pourcentage, pour activer
les droits normaux. Sa production se trouvera réduite d'autant, fragilisant
l'équilibre économique de l'exploitation. Ensuite, la superficie en jachère
peut être consacrée à du gel industriel. Celui-ci est soumis à des contrats
d'entreprise dont la réalisation est éventuellement exposée à la défaillance de
l'entreprise contractante. Dans ce cas, la culture installée pour le gel
industriel ne peut plus être admise en jachère normale. Les droits " jachère "
ne peuvent plus être activés. Enfin et surtout, le maintien de ces surfaces
en jachère peut ne plus correspondre à l'avenir aux besoins de l'économie
agricole nationale et internationale. Le découplage des aides PAC se traduit
déjà, chez certains pays voisins de la France, par des baisses de production
assez sensibles. Inversement, des opportunités de marché peuvent se présenter
pour les agriculteurs français. Le maintien de cette activation préalable des
droits jachère et son corollaire, l'obligation de gel, brident la réactivité de
l'économie agricole et figent une situation historique - je fais allusion à la
période de référence 2000-2002 - dont la justification va se trouver de plus en
plus décalée par rapport à l'économie réelle. Nos agriculteurs, les
organisations professionnelles et les directions départementales de
l'agriculture et de la forêt ont coopéré avec beaucoup d'efficacité et de
professionnalisme pour déposer dans les temps les dossiers concernant les DPU.
Des efforts considérables ont été accomplis, qu'il convient de
saluer. Cependant, la mise en pratique sur le terrain des dispositifs
mériterait de la souplesse et du discernement dans certains cas. Des
sollicitations à ce sujet dans ma circonscription de l'Isère ont révélé des
situations parfois à l'opposé du bon sens et pouvant être lourdes de
conséquences pour les agriculteurs. Aussi, monsieur le ministre, je vous
serais extrêmement reconnaissant de bien vouloir m'indiquer quelles mesures vous
compter prendre pour faire évoluer cette règle de l'activation préalable des
droits " jachère ", et ouvrir dès à présent la possibilité de n'activer ces
droits qu'au prorata des droits normaux que l'agriculteur souhaite
activer. Mme la présidente. La parole est à M. le ministre
de l'agriculture et de la pêche. M. Dominique Bussereau,
ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, cette
question va me permettre de donner quelques éclairages sur une question
compliquée, la mise en oeuvre des droits à paiement unique, et plus
particulièrement la gestion des droits " jachère ". Je vous remercie d'avoir
noté que, grâce à la mobilisation de la profession et des services de l'État, 97
% des dossiers ont été déposés avant le 15 mai, et plus de 245 000 clauses
signées, ce qui représente 2 500 000 hectares. Tout le monde a donc joué le jeu
de la réforme de la PAC. La mise en oeuvre des droits à paiement unique
modifie fondamentalement la gestion du gel obligatoire sur les exploitations. En
effet, le gel ne s'applique plus à chaque exploitation agricole au prorata de la
surface en céréales, en oléagineux et en protéagineux. La surface en gel
obligatoire dépend, à compter de 2006, du nombre de droits " jachère " détenus
par l'agriculteur. En effet, seuls les DPU " jachère " doivent obligatoirement
être activés sur des surfaces en gel, localisées sur des parcelles éligibles.
Par ailleurs, les DPU normaux peuvent aussi être activés sur des parcelles en
gel - qualifié alors de " volontaire ". Dans tous les cas, qu'il s'agisse de gel
obligatoire ou de gel volontaire, les parcelles en gel peuvent être consacrées à
des cultures industrielles. Ainsi, dans l'hypothèse où la superficie
exploitée diminue, l'exploitant doit prendre les dispositions pour céder au
repreneur des terres les DPU correspondant au foncier cédé. Il devra donc
organiser en conséquence la cession des DPU normaux et des DPU " jachère " pour
conserver la proportion de DPU " jachère " qu'il souhaite. Par ailleurs, si
l'exploitant agricole se retrouve avec un plus grand nombre de DPU " jachère "
et normaux que d'hectares et qu'il ne souhaite pas activer en premier les DPU "
jachère ", il peut les céder pour tout ou partie à la réserve nationale. Nous en
avons bien besoin pour installer les jeunes et pour conduire certaines
politiques. En réalité, la mise en oeuvre de la réforme n'a apporté aucune
modification concernant le non-respect du contrat de gel industriel, celui-ci
restant une dérogation à l'obligation de gel. Dès lors, les conséquences liées
au non-respect d'une surface déclarée en gel industriel sont les mêmes que par
le passé. Toutefois, comme je l'ai dit, des DPU normaux peuvent être activés sur
du gel industriel, alors considéré comme du gel volontaire, et la valorisation
des DPU normaux sera acquise même en cas de non-respect du contrat. Enfin, la
question du gel obligatoire et de son évolution à l'avenir est une question
communautaire qui sera forcément évoquée lorsque s'engageront les discussions
sur le bilan de la nouvelle PAC. Nous devrons alors nous poser la question de la
pertinence et du fonctionnement de cet outil de régulation du marché. Je
profite de cette question judicieuse pour faire deux remarques au sujet des
jachères. Premièrement, en raison de la situation de sécheresse ou de
présécheresse qui sévit dans certaines régions, nous avons demandé la
possibilité de pâturer les jachères : une première liste de trente-quatre
départements a été acceptée par la Commission européenne, comme je l'ai déjà
annoncé mercredi dernier devant votre assemblée, en réponse à une question de M.
Léonce Deprez. Deuxièmement, l'avenir des jachères, c'est leur disparition.
Le besoin de terres est tel, pour alimenter les seize usines de biocarburant -
diester ou éthanol - en cours de réalisation sur notre territoire, que nous
n'aurons bientôt plus de jachères, ce qui posera d'ailleurs un problème à nos
amis chasseurs, qui les trouvent utiles pour la gestion de leurs chasses. Pour
toutes ces raisons, nous devrons donc revoir notre législation. Mme
la présidente. La parole est à M. Georges Colombier. M.
Georges Colombier. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour toutes
ces réponses. J'insisterai cependant sur la nécessité de mettre en oeuvre ces
dispositions avec souplesse. Je vous sais très sensible à cette question, mais
votre volonté n'est pas toujours relayée sur le terrain, où il arrive que ça
coince.
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