FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1677  de  M.   Colombier Georges ( Union pour un Mouvement Populaire - Isère ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  20/06/2006  page :  6303
Réponse publiée au JO le :  21/06/2006  page :  4328
Rubrique :  agriculture
Tête d'analyse :  PAC
Analyse :  réforme. gestion des droits à paiement
Texte de la QUESTION : M. Georges Colombier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes liés au manque de souplesse dans la gestion des droits de paiement unique. La politique agricole commune (PAC) façonne depuis plus de quarante ans l'environnement quotidien de millions d'agriculteurs et consommateurs européens. Tout au long de son histoire, elle a nécessairement évolué, elle s'est même réformée pour s'adapter aux marchés, au contexte international. En dépit des crises et des critiques, elle a permis à l'agriculture européenne de se maintenir, y compris dans les régions difficiles, de se développer, de produire durablement et de mettre à disposition de tous des produits de qualité. Elle est également un instrument important du développement rural. En juin 2003, la réforme de la PAC a notamment modifié les bases des aides directes à la production octroyées aux agriculteurs en les découplant partiellement ou totalement de la production. Cette réforme d'ampleur a introduit un nouveau critère d'éco-conditionnalité des aides qui reposent sur des droits à paiement unique (DPU). Il souhaite particulièrement insister sur les problèmes liés à l'activation préalable des droits « jachère » rencontrés par bon nombre d'agriculteurs. En effet, les DPU jachère doivent être activés en premier. De ce fait, aucun DPU normal ne peut être activé avant que tous les DPU jachère le soient, sauf à se voir appliquer une pénalité. Cette condition semble nécessaire pour assurer le maintien de surfaces en jachère, destinées à maîtriser la production agricole. Mais cette condition intangible ne prend pas en compte un certain nombre de réalités : la superficie exploitée par un agriculteur peut diminuer. La superficie qu'il devra maintenir en jachère pour activer ses droits représentera alors un pourcentage supérieur au taux de gel historique. L'agriculteur se trouvera alors « contraint à ne pas produire » sur une surface supplémentaire en pourcentage, pour activer les droits normaux ; la superficie en jachère peut être consacrée à du gel industriel. Lequel est soumis à des contrats d'entreprise, dont la réalisation est éventuellement exposée à la défaillance de l'entreprise contractante. Dans ce cas, la culture installée pour le gel industriel ne peut plus être admise en jachère normale. Les droits jachère ne peuvent plus être activés ; surtout, le maintien du gel obligatoire peut ne plus correspondre à l'avenir aux besoins de l'économie agricole nationale et internationale. Le découplage des aides PAC se traduit déjà, chez certains pays voisins de la France, par des baisses de production assez sensibles. Inversement, des opportunités de marché peuvent se présenter pour les agriculteurs français. Le maintien de cette obligation de gel, et son corollaire qui est l'activation préalable des droits jachère, bride la réactivité de l'économie agricole et fige une situation « historique » (période de référence 2000-2002) dont la justification va se trouver de plus en plus décalée par rapport à l'économie réelle. Aussi, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour faire évoluer cette règle de l'activation préalable des droits jachère, et ouvrir dès à présent la possibilité de n'activer ces droits jachère qu'au prorata des droits normaux que l'agriculteur souhaite activer.
Texte de la REPONSE :

GESTION DES DROITS A PAIEMENT UNIQUE

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Colombier, pour exposer sa question n° 1677.
M. Georges Colombier. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la politique agricole commune façonne depuis plus de quarante ans l'environnement quotidien de millions d'agriculteurs et consommateurs européens. Tout au long de son histoire, elle a nécessairement évolué, et s'est même réformée pour s'adapter aux marchés et au contexte international.
En juin 2003, la réforme de la PAC a notamment modifié les bases des aides directes à la production octroyées aux agriculteurs en les découplant partiellement ou totalement de la production. Cette réforme d'ampleur a introduit un nouvel outil, le droit à paiement unique.
Je souhaite particulièrement insister sur les problèmes rencontrés par bon nombre d'agriculteurs en ce qui concerne l'activation préalable des droits " jachère ". En effet, la règle est que les DPU "jachère " doivent être activés en premier. De ce fait, aucun DPU normal ne peut être activé avant que tous les DPU " jachère " le soient, à moins de se voir appliquer une réfaction sur la valeur des droits.
Cette condition semble nécessaire pour assurer le maintien de surfaces en jachère et maîtriser la production agricole. Mais son application intangible ne prend pas en compte un certain nombre de réalités. J'en citerai trois exemples.
Tout d'abord, la superficie exploitée par un agriculteur peut diminuer. La superficie qu'il devra maintenir en jachère pour activer ses droits représentera un pourcentage supérieur au taux de gel historique. L'agriculteur se trouvera alors " contraint à ne pas produire " sur une surface supplémentaire en pourcentage, pour activer les droits normaux. Sa production se trouvera réduite d'autant, fragilisant l'équilibre économique de l'exploitation.
Ensuite, la superficie en jachère peut être consacrée à du gel industriel. Celui-ci est soumis à des contrats d'entreprise dont la réalisation est éventuellement exposée à la défaillance de l'entreprise contractante. Dans ce cas, la culture installée pour le gel industriel ne peut plus être admise en jachère normale. Les droits " jachère " ne peuvent plus être activés.
Enfin et surtout, le maintien de ces surfaces en jachère peut ne plus correspondre à l'avenir aux besoins de l'économie agricole nationale et internationale. Le découplage des aides PAC se traduit déjà, chez certains pays voisins de la France, par des baisses de production assez sensibles. Inversement, des opportunités de marché peuvent se présenter pour les agriculteurs français. Le maintien de cette activation préalable des droits jachère et son corollaire, l'obligation de gel, brident la réactivité de l'économie agricole et figent une situation historique - je fais allusion à la période de référence 2000-2002 - dont la justification va se trouver de plus en plus décalée par rapport à l'économie réelle.
Nos agriculteurs, les organisations professionnelles et les directions départementales de l'agriculture et de la forêt ont coopéré avec beaucoup d'efficacité et de professionnalisme pour déposer dans les temps les dossiers concernant les DPU. Des efforts considérables ont été accomplis, qu'il convient de saluer.
Cependant, la mise en pratique sur le terrain des dispositifs mériterait de la souplesse et du discernement dans certains cas. Des sollicitations à ce sujet dans ma circonscription de l'Isère ont révélé des situations parfois à l'opposé du bon sens et pouvant être lourdes de conséquences pour les agriculteurs.
Aussi, monsieur le ministre, je vous serais extrêmement reconnaissant de bien vouloir m'indiquer quelles mesures vous compter prendre pour faire évoluer cette règle de l'activation préalable des droits " jachère ", et ouvrir dès à présent la possibilité de n'activer ces droits qu'au prorata des droits normaux que l'agriculteur souhaite activer.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, cette question va me permettre de donner quelques éclairages sur une question compliquée, la mise en oeuvre des droits à paiement unique, et plus particulièrement la gestion des droits " jachère ".
Je vous remercie d'avoir noté que, grâce à la mobilisation de la profession et des services de l'État, 97 % des dossiers ont été déposés avant le 15 mai, et plus de 245 000 clauses signées, ce qui représente 2 500 000 hectares. Tout le monde a donc joué le jeu de la réforme de la PAC.
La mise en oeuvre des droits à paiement unique modifie fondamentalement la gestion du gel obligatoire sur les exploitations. En effet, le gel ne s'applique plus à chaque exploitation agricole au prorata de la surface en céréales, en oléagineux et en protéagineux. La surface en gel obligatoire dépend, à compter de 2006, du nombre de droits " jachère " détenus par l'agriculteur. En effet, seuls les DPU " jachère " doivent obligatoirement être activés sur des surfaces en gel, localisées sur des parcelles éligibles. Par ailleurs, les DPU normaux peuvent aussi être activés sur des parcelles en gel - qualifié alors de " volontaire ". Dans tous les cas, qu'il s'agisse de gel obligatoire ou de gel volontaire, les parcelles en gel peuvent être consacrées à des cultures industrielles.
Ainsi, dans l'hypothèse où la superficie exploitée diminue, l'exploitant doit prendre les dispositions pour céder au repreneur des terres les DPU correspondant au foncier cédé. Il devra donc organiser en conséquence la cession des DPU normaux et des DPU " jachère " pour conserver la proportion de DPU " jachère " qu'il souhaite.
Par ailleurs, si l'exploitant agricole se retrouve avec un plus grand nombre de DPU " jachère " et normaux que d'hectares et qu'il ne souhaite pas activer en premier les DPU " jachère ", il peut les céder pour tout ou partie à la réserve nationale. Nous en avons bien besoin pour installer les jeunes et pour conduire certaines politiques.
En réalité, la mise en oeuvre de la réforme n'a apporté aucune modification concernant le non-respect du contrat de gel industriel, celui-ci restant une dérogation à l'obligation de gel. Dès lors, les conséquences liées au non-respect d'une surface déclarée en gel industriel sont les mêmes que par le passé. Toutefois, comme je l'ai dit, des DPU normaux peuvent être activés sur du gel industriel, alors considéré comme du gel volontaire, et la valorisation des DPU normaux sera acquise même en cas de non-respect du contrat.
Enfin, la question du gel obligatoire et de son évolution à l'avenir est une question communautaire qui sera forcément évoquée lorsque s'engageront les discussions sur le bilan de la nouvelle PAC. Nous devrons alors nous poser la question de la pertinence et du fonctionnement de cet outil de régulation du marché.
Je profite de cette question judicieuse pour faire deux remarques au sujet des jachères. Premièrement, en raison de la situation de sécheresse ou de présécheresse qui sévit dans certaines régions, nous avons demandé la possibilité de pâturer les jachères : une première liste de trente-quatre départements a été acceptée par la Commission européenne, comme je l'ai déjà annoncé mercredi dernier devant votre assemblée, en réponse à une question de M. Léonce Deprez.
Deuxièmement, l'avenir des jachères, c'est leur disparition. Le besoin de terres est tel, pour alimenter les seize usines de biocarburant - diester ou éthanol - en cours de réalisation sur notre territoire, que nous n'aurons bientôt plus de jachères, ce qui posera d'ailleurs un problème à nos amis chasseurs, qui les trouvent utiles pour la gestion de leurs chasses. Pour toutes ces raisons, nous devrons donc revoir notre législation.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Colombier.
M. Georges Colombier. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour toutes ces réponses. J'insisterai cependant sur la nécessité de mettre en oeuvre ces dispositions avec souplesse. Je vous sais très sensible à cette question, mais votre volonté n'est pas toujours relayée sur le terrain, où il arrive que ça coince.

UMP 12 REP_PUB Rhône-Alpes O