FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1695  de  M.   Bourguignon Pierre ( Socialiste - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  27/06/2006  page :  6663
Réponse publiée au JO le :  28/06/2006  page :  4524
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  papier et carton
Analyse :  OTOR Papeterie. emploi et activité. Rouen
Texte de la QUESTION : M. Pierre Bourguignon souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'usine OTOR Papeterie de Rouen. En annonçant plus de cent quatorze suppressions d'emplois auxquelles il convient d'ajouter le non-renouvellement des contrats de qualification et des contrats d'intérim - soit quarante postes supplémentaires -, la direction enclenche un processus dangereux de retour au profit maximum par réduction des coûts salariaux sans garantie d'investissement sur l'outil industriel. Une nouvelle fois, la logique financière l'emporte sur la logique industrielle. Pour les salariés, les citoyens et les élus, cette situation n'est pas supportable. Désormais affiliés à l'un des plus riches fonds d'investissement - le groupe Carlyle -, les salariés de l'entreprise et leurs familles s'apprêtent à payer le prix de cette recherche de rentabilité à court terme. Alors qu'ils se battent pour sauvegarder leur savoir-faire, leurs emplois et un outil de production viable, la direction semble refuser d'évoquer toute possibilité d'investissement de l'actionnaire principal. La pérennité du site de production n'est pas assurée parce que cet actionnaire refuse d'assumer son rôle qui est de construire un avenir pour cette entreprise. Des projets alternatifs présentés par les salariés et les syndicats démontrent pourtant qu'il est possible de pérenniser l'activité d'OTOR Papeterie. Compte tenu du contexte très fragilisé dans lequel se trouve ce territoire et de l'importance de cette entreprise, il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce dossier très sensible pour le bassin de vie de l'agglomération de Rouen.
Texte de la REPONSE :

SITUATION DE L'USINE OTOR PAPETERIE DE ROUEN

M. le président. La parole est à M. Pierre Bourguignon, pour exposer sa question, n° 1695, relative à la situation de l'usine Otor Papeterie de Rouen.
M. Pierre Bourguignon. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, ce n'est pas le rapporteur spécial des crédits des pouvoirs publics qui s'adresse à vous aujourd'hui. Il le fera bientôt, car nous avons beaucoup de choses à échanger en la matière, surtout après les récentes interventions du président de séance. Non, aujourd'hui, c'est une question d'intérêt local que je veux poser, celle de la situation de l'usine Otor Papeterie, située dans la banlieue rouennaise, plus exactement à Saint-Étienne-du-Rouvray, dans la circonscription dont j'ai l'honneur d'être député et où se trouve Sotteville-lès-Rouen, commune dont je suis maire.
Une nouvelle fois, la logique financière semble l'emporter sur la logique industrielle. Le rachat d'Otor par le groupe Carlyle, l'un des plus riches fonds d'investissement américains, a provoqué au sein de cette entreprise de cartonnerie une vaste restructuration : 114 suppressions d'emploi annoncées, auxquelles s'ajoutent 40 intérimaires réguliers.
Les salariés de l'entreprise et leurs familles refusent d'être les victimes de cette recherche de rentabilité à court terme. Ils se battent depuis des mois pour sauver leur savoir-faire, leur emploi et un outil de production que toutes les analyses jugent viable. Face à eux, la direction d'Otor refuse d'évoquer toute possibilité d'investissement de l'actionnaire principal. Il existe pourtant des projets alternatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, présentés par les salariés et les syndicats, pour pérenniser l'activité de la papeterie sans engendrer de suppressions d'emploi, notamment grâce à la remise en route de la machine 3. La direction du groupe procède actuellement à une étude sur cette question, mais nous sommes sans nouvelles depuis six mois.
Cette entreprise est pourtant au coeur d'un grand bassin d'emploi. Elle compte 300 emplois directs et 1 500 emplois induits. C'est l'ensemble du groupe, qui comprend 3 000 salariés, et 25 000 emplois dérivés qui risquent d'être affectés par cette restructuration, d'autant plus qu'elle intervient dans un secteur d'activité - la filière papier - déjà très touché en Normandie : 107 emplois sont menacés à Alizay et 50 chez UPM-Kymmene à Grand-Couronne, également dans la banlieue rouennaise.
Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour sauver ces emplois ? Allons-nous vers un dépeçage progressif et total du site, comme le craignent les syndicats ?
D'une manière plus générale, c'est toute l'industrie papetière qui est mise à mal par des grands groupes sans aucun projet industriel. Ce secteur, s'il n'a pas les mêmes préoccupations que celui de la métallurgie, est néanmoins menacé d'éclatement.
Certes, les responsables politiques n'ont pas la prétention - je ne l'ai pas pour ma part - d'administrer l'économie, mais il ne serait pas acceptable de donner un sentiment d'indifférence et d'impuissance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député Bourguignon, votre question traduit votre inquiétude sur la situation de l'usine Otor Papeterie de Rouen. Comme l'ensemble de mes collègues du Gouvernement et, je le pense, comme l'ensemble des députés, je suis particulièrement attentif aux situations locales des entreprises, spécialement lorsqu'existent des risques pour l'emploi et l'activité sur un territoire. C'est un combat que nous menons, les uns et les autres, de notre mieux.
Cette usine oeuvre dans un secteur difficile, celui du papier léger. Les surcapacités mondiales conduisent les groupes à concentrer leurs outils de production. Dans ce contexte, l'usine Papeterie de Rouen, qui est composée de petites machines, est handicapée par rapport à ses concurrents.
Cependant, si vous me le permettez, je suis moins sévère que vous sur le comportement de l'actionnaire à ce stade. En effet, je rappelle qu'il a sauvé l'entreprise en y injectant 45 millions d'euros et qu'après quatre années de procédures judiciaires, les syndicats saluaient, il y a tout juste un an, l'arrivée de cet actionnaire qui disposait enfin d'une stratégie industrielle.
Vous ayant dit cela, j'ajoute que je comprends parfaitement l'émotion des salariés face à la perspective de ce plan. Il va de soi que nous suivons ce dossier de très près.
D'abord, un contact a été pris avec la direction de l'entreprise qui nous a confirmé vouloir construire un véritable avenir pour la Papeterie de Rouen.
En outre, François Loos, ministre de l'industrie, a demandé à ses services, en lien avec ceux du ministère de l'emploi, de recevoir le 6 juillet les représentants des salariés pour faire un point sur ces discussions.
Par ailleurs, je vous confirme que le Gouvernement sera particulièrement vigilant sur la qualité des mesures d'accompagnement social proposées par la direction dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. En effet, lorsqu'une entreprise procède à des licenciements affectant gravement un bassin d'emploi, elle est soumise à des obligations de revitalisation issues d'une des dispositions majeures de la loi de cohésion sociale.
En clair, cela signifie qu'Otor devra agir en faveur du bassin économique de Rouen. Et le site sur lequel l'entreprise est implantée dispose - vous le savez, étant un député du département - de nombreux atouts pour cela, notamment en termes d'infrastructures routières, ferroviaires et fluviales.
Les services de l'État sont, en liaison avec Otor, tout particulièrement mobilisés pour attirer des projets de création d'entreprises sur le site. Citons par exemple l'accord que vient de signer Otor avec le groupe Veolia pour la réalisation d'un centre de tri qui pourrait employer jusqu'à 150 personnes.
Enfin, l'État intervient de façon très structurante sur le bassin de Rouen, notamment au travers de l'augmentation des capacités du port ou encore par la résorption des friches arrière portuaires.
Vous le voyez, monsieur le député, la détermination de l'équipe gouvernementale est entière sur ce sujet pour conforter le bassin rouennais dans ses ambitions économiques et, tout particulièrement, pour rester vigilant sur la situation des personnels d'Otor.
M. le président. La parole est à M. Pierre Bourguignon.
M. Pierre Bourguignon. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention, mais j'aimerais ajouter quelques éléments de réflexion.
La relative petite taille des machines à Saint-Étienne-du Rouvray est un des éléments de souplesse dans la filière papier-carton, et c'est une considération industrielle qu'il ne faudrait jamais oublier.
Je suis avec attention le partenariat avec Veolia. Il existe une chaudière biomasse de l'autre côté de la boucle de la Seine, à La Chapelle d'Arblay Grand-Couronne. Le type de contrat proposé par cette société nous permet de voir comment cela pourrait se passer à Saint-Étienne-du-Rouvray. Mais attention : les délais sont tels que ce n'est pas avant 2009-2010 que cet élément pourrait venir sur le site.
Nous ne devons également pas oublier que la filière papier en France revêt une dimension importante dans les domaines de la culture et de la protection de l'environnement et de la forêt. Là encore, il faut sans cesse, à tous les niveaux, y compris celui de l'État, encourager la réflexion.
Monsieur le ministre, j'ai bien noté que, le 6 juillet, les représentants des salariés seraient reçus par les services du ministre de l'industrie.

SOC 12 REP_PUB Haute-Normandie O