MISE EN PLACE DE L'ALLOCATION
PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
M. le président. La
parole est à M. Gilbert Meyer, pour exposer sa question, n° 16, relative à
la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Gilbert Meyer.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux
personnes âgées.
Huit mois après
le lancement du dispositif de l'allocation personnalisée d'autonomie, sa mise en
oeuvre et son financement s'avèrent très difficiles. L'APA, instituée par la loi
du 20 juillet 2001 pour remplacer la prestation spécifique dépendance, est
servie depuis le 1er janvier dernier. Aucune condition de ressources
n'intervient ; seul le montant perçu est appelé à varier, proportionnellement à
celle-ci. Le seul critère est celui du taux d'autonomie ou de dépendance des
intéressés. Le droit à l'allocation est donc aujourd'hui beaucoup plus largement
ouvert.
Mais force est de
constater le caractère totalement irréaliste des prévisions initiales. Les
projections réalisées à l'occasion de l'adoption de la loi du 20 juillet 2001
estimaient à 800 000 le nombre de bénéficiaires à l'horizon 2005-2006. Or, fin
juin 2002, 715 000 demandes étaient recensées. Le nombre d'allocataires était
donc d'ores et déjà voisin de celui annoncé pour 2005. Un déficit de l'ordre
d'un milliard d'euros pour 2002-2003 a d'ailleurs été annoncé.
Deux problèmes majeurs se posent :
d'abord, la sous-estimation du nombre des allocataires potentiels fait craindre
des surcoûts considérables pour les collectivités de ressort que sont les
départements ; ensuite, la diversité des cas recensés entraînera, pour des
bénéficiaires hébergés en établissement, une diminution de l'allocation par
rapport à celle servie précédemment sous le régime de la prestation spécifique
dépendance. D'innombrables allocataires vont se trouver confrontés à des
problèmes insurmontables. En effet, les frais laissés à leur charge augmentent
souvent de plus de 50 % !
Monsieur le secrétaire d'Etat,
devant de telles incohérences, des mesures rapides s'imposent. Pouvez-vous me
faire connaître celles que vous envisagez d'adopter ?
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le député, vous venez d'aborder un sujet essentiel, qui concerne à la
fois les personnes âgées, la solidarité et les départements.
Je l'ai dit à plusieurs reprises au
Sénat et à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas l'intention de revenir sur ce
qui a été présenté comme « la » mesure sociale de nos prédécesseurs. Ceux-ci ont
beaucoup communiqué, ont fait beaucoup de publicité. Mais ils ont fait une
erreur majeure d'évaluation, que vous avez fort bien soulignée.
Vous l'avez noté, on prévoyait 800
000 dossiers à l'horizon 2004. Or, lorsque je suis entré en fonctions,
j'ai fait procéder à une évaluation sur l'ensemble des départements ; nous en
étions déjà, à la fin de l'été 2002, à 700 000 !
Cette situation a bien sûr de
graves conséquences financières. Sachez que l'APA est financée pour deux tiers
par les budgets départementaux - je le sais d'autant mieux que j'étais
encore président de conseil général il y a quelques semaines - et pour le
tiers restant par un fonds d'Etat, le fonds de financement de l'allocation
personnalisée d'autonomie - environ 800 millions d'euros.
Nos prédécesseurs avaient prévu,
pour financer cette mesure, 2,5 milliards d'euros ; il en faudra 4 en
année pleine. Enfin, comme vous l'avez fort justement précisé, monsieur le
député, il faudra trouver 1,2 milliard en 2003 pour mettre en place la
mesure telle que l'avaient prévue nos prédécesseurs.
Nous voulons conserver le caractère
universel de cette mesure et la pérenniser. Nous avons donc le devoir de
trouver, avec les départements qui sont les plus gros contributeurs, des
solutions pour financer le surcoût de 2003 et les années pleines qui
suivront.
Nous avons étudié
diverses hypothèses en concertation avec les départements, ce qui n'avait pas
été fait précédemment, sans quoi nous n'en serions probablement pas là : le
plafonnement des ressources, l'élargissement de la base des ressources, et
même - ce ne sont que des hypothèses, non des solutions, je tiens à le
préciser ici comme je l'ai fait au Sénat - le recours sur succession. Nous
avons également envisagé un rééquilibrage de la tarification.
En ce qui concerne le plafonnement
des ressources, il faut savoir que 80 % des personnes âgées éligibles à
l'APA touchent moins de 1 000 euros par mois. Ce n'est donc pas, à mes yeux
- ni le Premier ministre, ni François Fillon, mon ministre de tutelle,
n'ont rendu d'arbitrage sur ce point - une voie qui mérite d'être
poursuivie.
Elargir la base des
ressources n'est pas non plus une bonne solution. Car reprendre, par exemple,
les produits de l'épargne d'une personne âgée n'irait pas dans le sens de la
solidarité telle que nous la concevons. Quant au recours sur succession, en tant
qu'ancien président d'un conseil général, je sais qu'une telle procédure serait
aléatoire et ne nous apporterait pas immédiatement les financements qui nous
manquent.
L'hypothèse vers
laquelle nous penchons actuellement, en parfait partenariat avec les
départements, est celle d'un rééquilibrage de la participation. Je vais parler
en francs pour mieux me faire comprendre, chacun prendra sa calculette... En
établissement, l'APA s'élève à 1 500 francs par personne, avec une
participation personnelle de 30 %. A domicile, elle est de 3
000 francs par personne, et la personne âgée participe à hauteur de
5 %.
Le Premier ministre
doit rendre des arbitrages pour déterminer les positions respectives de l'Etat
et des départements. Vous le voyez, nous nous efforçons de trouver très
rapidement des solutions afin de faire ce que nos prédécesseurs n'ont pas fait :
financer la mesure. Certes, bien communiquer, ils ont su le faire ; mais
financer, c'était autre chose...
Le passage de la PSD à l'APA en
établissement a posé de nombreux problèmes. On est allé à l'encontre du but
recherché en introduisant plus de médicalisation et en augmentant les services
rendus à la personne âgée. L'Etat avait prévu de compenser le surcoût de ce
passage aux départements qui, eux-mêmes, devaient le compenser aux
établissements. Or, encore une fois, les financements n'ayant pas été prévus,
les établissements ont facturé à la personne âgée 300 euros pour 30
000 personnes. Très rapidement, dans le courant de l'été, nous avons trouvé
les 36 millions d'euros qui nous permettront, pour la première année, de
rembourser les départements qui eux-mêmes rembourseront les établissements, afin
d'éviter que les personnes âgées ne soient pénalisées.
Monsieur le député, ce problème
nous préoccupe, comme il préoccupe l'ensemble des présidents de conseils
généraux. Nous entendons maintenir la mesure et son caractère universel, mais
surtout nous entendons, d'une manière responsable, la financer. Nous le ferons
en parfaite concertation avec les conseils généraux. Très rapidement, bien sûr,
nous vous ferons part des solutions retenues.
M. le président. La
parole est à M. Gilbert Meyer.
M. Gilbert Meyer. Monsieur
le secrétaire d'Etat, l'ensemble des élus départementaux ne peut que saluer
votre engagement pour résoudre ces problèmes de financement. Et l'ensemble des
allocataires ne peut que vous remercier d'avoir trouvé une solution au surcoût
qui leur a été imposé en 2002.
Comme vous l'avez rappelé, vous
régularisez une situation générée par l'imprécision de la mesure initialement
mise en place.
M. Jean-Pierre
Abelin. Très bien !