Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable
parlementaire qu'il porte une grande attention au problème des suicides dans les
établissements pénitentiaires. Préalablement, il fait observer que s'il est
incontestable que le nombre de suicides est resté à un niveau relativement élevé
en 2002 - année où 122 suicides ont été dénombrés - et au premier
semestre 2003 où 68 suicides l'ont aussi été, il n'est toutefois pas
exact d'affirmer que la tendance serait haussière. En effet, depuis 1993, ce
sont au moins 100 suicides par an qui se sont produits : 125 en 1999, 120
en 2000 et 104 en 2001 ; le point culminant étant de 138 suicides en 1996.
De même, en rapportant le nombre de suicides à l'effectif moyen des détenus, le
taux de suicide observé en 2002 est conforme à la tendance observée depuis 1992
: 23,7 pour 10 000 détenus en 2000, 21,6 en 2001 et 22,8 en 2002. De
surcroît, si on rapporte le nombre de suicides à celui des entrants en prison,
le résultat obtenu est le plus bas enregistré depuis 1996
(16,6 pour 10 000) : 17,5 en 2000, 15,5 en 2001 et
15 pour 10 000 en 2002. Le taux de suicide dans les prisons françaises
doit encore être comparé à celui enregistré dans la population générale en
France, lequel est l'un des plus élevé d'Europe et constitue la première cause
de mortalité entre vingt-cinq et trente-quatre ans. Si comme dans d'autres pays
occidentaux, les suicides sont plus nombreux en prison, il est important de
noter que la France se classe dans la moyenne des pays européens. Au-delà de ces
constats, force est de souligner que l'efficacité des réponses apportées dans le
cadre de la politique de prévention du suicide en prison ne saurait se mesurer à
l'aune de la seule statistique du nombre de suicides, ces données chiffrées ne
rendant aucunement compte des passages à l'acte suicidaire qui ont pu être
évités, grâce au travail accompli par l'ensemble des acteurs en milieu carcéral,
et notamment à l'intervention des personnels des services pénitentiaires. En
outre, ces données statistiques ne sauraient refléter une prétendue dégradation
des conditions de détention ou encore constituer une mesure objective du
mal-être en prison, notamment en raison de la dimension éminemment individuelle
des actes suicidaires. A cet égard, différentes études conduites tant en France
qu'à l'étranger ont permis de démontrer que par essence, la population carcérale
est très vulnérable, les détenus cumulant, pour la plupart, l'ensemble des
facteurs à risque de suicide connus. Une étude récente sur les arrivants en
prison examinés par les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) montre
que 55 % d'entre eux présentent des troubles de la santé mentale. Parmi les
principaux symptômes rencontrés figurent l'anxiété, mais aussi les addictions ou
les troubles psychosomatiques. Confrontée de longue date à ce phénomène, la
direction de l'administration pénitentiaire a engagé une politique de prévention
des suicides en détention amorcée par une première circulaire prise le
15 février 1967. Sur la base de nombreux rapports de réflexion et
d'étude, à la suite d'un programme expérimental lancé en 1997, une nouvelle
circulaire du 29 mai 1998 a ciblé en direction de l'ensemble des
établissements, les axes fondamentaux de la prévention du suicide. Récemment, ce
texte a été complété à l'issue de nouvelles réflexions et de nouvelles actions
développées, notamment en relation avec « La Stratégie nationale d'actions face
au suicide pour 2000-2005 » lancée par le ministère de la santé. Ainsi, le
26 avril 2002, une circulaire interministérielle, complétant celle du
29 mai 1998, a été signée par les ministres de la justice et de la
santé. Une commission centrale de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral
composée de façon pluridisciplinaire, de magistrats, de fonctionnaires de la
direction de l'administration pénitentiaire et du ministère de la santé a été
installée en novembre 2002 ; elle est notamment chargée de veiller au
recensement effectif de tous les décès par suicide en détention, de contrôler la
bonne application des dispositions édictées en matière de prévention du suicide
et de rechercher de nouveaux axes d'amélioration. Quoique aucune corrélation
n'ait pu être établie entre les conditions d'incarcération et le taux de
suicide, il convient de rappeler que l'augmentation de la capacité des
établissements pénitentiaires et l'amélioration des conditions de détention sont
des axes majeurs de la politique du Gouvernement, et ont été, à ce titre,
inscrits dans le rapport annexé à la loi du 9 septembre 2002
d'orientation et de programmation pour la justice. La loi d'orientation et de
programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a, en outre, apporté
plusieurs améliorations au dispositif de prise en charge des détenus atteints de
troubles psychiatriques, lesquels présentent de ce fait un risque suicidaire
accru. Le texte opère pour les personnes détenues, la fusion des régimes
d'hospitalisation sous contrainte (hospitalisation d'office et hospitalisation à
la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la nécessité des soins.
L'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des
personnes détenues, avec ou sans leur consentement, seront, à terme, réalisées
au sein d'unités spécialement aménagées dans des établissements de santé et non
plus dans des établissements pénitentiaires. Pour parvenir à cet objectif, des
unités spécialement aménagées (UHSA) seront créées, et les activités des SMPR
seront alors progressivement recentrées sur les soins ambulatoires diversifiés,
incluant les hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers
thérapeutiques. Enfin, à l'effet d'évaluer le dispositif existant en matière de
prévention des suicides en détention et de le parfaire, le garde des sceaux et
le ministre de la santé ont conjointement confié, le 23 janvier 2003,
une mission à M. le professeur Jean-Louis Terra. Ce spécialiste reconnu
doit remettre son rapport et ses propositions très prochainement.
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