Texte de la QUESTION :
|
M. Jacques Le Guen attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur les difficultés que peut rencontrer un salarié pour obtenir le versement des prestations de prévoyance en cas de changement d'organisme assureur. Il lui expose à ce sujet la situation d'une personne qui, adhérant à un contrat de prévoyance de groupe, a bénéficié d'indemnités au titre de congés de maladie. Après la rupture du contrat et l'entrée en vigueur d'un nouveau contrat souscrit auprès d'un autre organisme par son employeur, l'intéressé s'est vu reconnaître un état d'invalidité. L'organisme qui lui versait les prestations a alors invoqué la nouveauté de cette situation pour refuser le versement des prestations prévues dans ce cas. Le nouvel assureur ayant également refusé d'intervenir, ce salarié a été contraint d'engager un contentieux devant la justice. Il apparaît pourtant que le législateur s'est préoccupé de garantir aux salariés couverts contre certains risques, par des régimes de prévoyance obligatoire, la continuité de la protection offerte par ces régimes. C'est ainsi que l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. modifié par l'article 14 de la loi n° 94-678 du 6 août 1994, relative à la protection sociale des salariés et portant transposition des directives n° 92-49 et 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes, précise que lorsque des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque-décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Malgré ces dispositions, il n'est pas rare que des salariés soient contraints d'entreprendre des procédures contentieuses devant la justice, procédures généralement longues et onéreuses, pour obtenir de la part de certaines compagnies de prévoyance le respect de leurs droits. C'est pourquoi, il lui demande les mesures susceptibles d'être prises pour éviter de telles situations et obtenir une application stricte des dispositions législatives qui viennent d'être évoquées. - Question transmise à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.
|
Texte de la REPONSE :
|
L'article 2 de la loi Evin dispose que « lorsque des salariés sont garantis collectivement... contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux ci, sous réserve des sanctions prévus en cas de fausse déclaration ». L'objet de cet article est d'affirmer que lorsqu'un assureur prend en charge un contrat collectif obligatoire, il accepte la totalité du risque représenté par le groupe, et prend en charge la totalité des suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat. Cette logique est à la fois conforme aux règles de l'assurance et protectrice des droits des assurés, dans la mesure où l'assureur doit peser son risque, proposer un tarif, et assumer la totalité des charges afférentes au contrat. L'exclusion d'un assuré au motif que sa maladie se serait déclarée antérieurement à la souscription du contrat n'est pas possible. Le législateur a ainsi entendu interdire la sélection des risques médicaux dans les contrats de prévoyance collective à adhésion obligatoire. Inversement, l'article 7 de la loi Evin dispose que « Lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution... ». Cet article pose le principe que, pour les mêmes risques, la résiliation du contrat ou le changement d'assureur ne dispense pas l'assureur du service des prestations immédiates ou différées acquises durant son exécution. La combinaison de ces deux articles rend l'assureur responsable à la fois du service des prestations nés avant le contrat et des prestations nées pendant l'exécution du contrat, même s'il n'est plus l'assureur du groupe. Néanmoins, il existe un vide juridique relatif à la prise en charge des prestations en cas de changement d'assureur pour les assurés dont l'état a changé dans l'intervalle, essentiellement pour les risques évolutifs de type incapacité, invalidité et décès. Certains organismes assureurs font valoir que les risques incapacité et invalidité sont distincts et indépendants l'un de l'autre. Par conséquent, sur la base de cette interprétation de l'article 2 de la loi Evin, lorsque le classement en incapacité est intervenu pendant la durée d'un contrat, l'organisme assureur refuse de verser des prestations au titre du classement en invalidité intervenu après la résiliation du contrat, considérant que cette charge incombe au nouvel organisme assureur. D'autres assureurs font valoir que la garantie incapacité-invalidité doit s'analyser comme une même garantie « arrêt de travail », ce qui permettrait, sur la base de l'article 7 de la loi Evin, de qualifier de prestation différée le classement en invalidité après la résiliation du contrat, dès lors que l'incapacité est apparue sous l'empire du premier contrat. Ils refusent également de verser des prestations invalidité, considérant que cette charge incombe à l'ancien organisme assureur. Dans ce cas, c'est la mise en aeuvre de ces deux interprétations divergentes qui conduit au défaut de couverture évoqué, portant préjudice aux assurés. Plusieurs contentieux ont été engagés devant le juge judiciaire. Ils ont donné lieu à des décisions divergentes rendues par les tribunaux de première et de seconde instance. La Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée. S'agissant des litiges en cours, le Gouvernement sera attentif aux conclusions de la jurisprudence sur ce sujet important. Au vu des solutions qui seront dégagées à cette occasion, d'éventuelles améliorations à la loi du 31 décembre 1989 pourraient être décidées.
|