FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1747  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  19/08/2002  page :  2878
Réponse publiée au JO le :  11/08/2003  page :  6395
Rubrique :  pharmacie et médicaments
Tête d'analyse :  médicaments
Analyse :  traitements antirétroviraux. coût
Texte de la QUESTION : Mme Chantal Robin-Rodrigo appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le coût des traitements antirétroviraux permettant de lutter contre le VIH. En effet, l'exemple du Brésil démontre qu'en la matière il est possible de faire plier les grands lobbies pharmaceutiques internationaux afin de les contraindre à abaisser le prix de vente de leurs spécialités antirétrovirales sans menacer leurs capacités à pouvoir continuer leurs recherches de nouvelles molécules contre le sida. C'est grâce à une loi votée en 1997 que le Brésil a pu faire plier les grands laboratoires. Ce texte précisait que cet Etat s'arrogeait le droit de copier un médicament dans les trois ans suivant le dépôt du brevet s'il n'est pas fabriqué sur place. Dans le cas de la France, bon nombre de médicaments antisida ne sont pas fabriqués sur notre sol. Leur coût est, par ailleurs, très élevé pour l'assurance maladie. Il est évident que l'adoption d'un texte qui permettrait à la France de copier un médicament peu de temps après le dépôt du brevet s'il n'est pas fabriqué sur place nous permettrait d'effectuer de notables économies sur les comptes de l'assurance maladie, tout en continuant à assurer une qualité de soins de haut niveau au bénéfice de nos concitoyens contaminés. Elle lui demande donc de lui préciser son sentiment sur cette possibilité et les éventuelles mesures qu'il compte proposer à ce sujet au Parlement.
Texte de la REPONSE : La France, comme le Brésil, est signataire de l'Accord sur les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce) qui fait partie des accords OMC. En vertu de l'accord ADPIC, qui s'applique entre autres aux produits pharmaceutiques, les Etats membres de l'OMC s'engagent à accorder une durée de protection de 20 ans minimum aux produits brevetés, à compter de la date de dépôt du brevet. La France applique donc cette durée de protection en conformité avec ses engagements internationaux ; cet engagement est également européen puisque l'Union européenne est membre à part entière de l'OMC et que la législation communautaire impose cette même durée de protection de vingt ans. L'ADPIC prévoit toutefois des possibilités de dérogation limitées. Notamment, les Etats membres de l'OMC peuvent permettre l'utilisation par des tiers (« licences obligatoires ») ou l'utilisation publique à des fins non commerciales (« utilisation par les pouvoirs publics ») des brevets, sans l'autorisation de leurs détenteurs (article 31 de l'ADPIC). Pour pouvoir faire jouer cette clause, l'utilisateur doit en principe s'être efforcé d'obtenir une autorisation du détenteur du brevet, « suivant des conditions et modalités commerciales raisonnables » : cependant, un état membre peut être dispensé de cette condition « dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence ». La législation brésilienne a ainsi mis en place un système de licences obligatoires fondé sur l'article 31 de l'ADPIC. La législation française, comme la plupart des législations de nos principaux partenaires, prévoit également, à titre dérogatoire, des licences obligatoires, ou « d'office », aux articles L. 613-11 et L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle. Toute personne publique ou privée peut, après 3 ans à compter de la délivrance du brevet, obtenir une licence obligatoire s'il n'y a pas eu de début d'exploitation du produit ou si la commercialisation en a été insuffisante pour satisfaire aux besoins du marché national. L'importation à partir d'un Etat membre de l'OMC est considérée comme une exploitation : il est donc indifférent pour l'application de ces dispositions que les médicaments concernés soient produits sur le territoire national ou à l'étranger. La demande doit être effectuée auprès d'un tribunal de grande instance qui fixe les modalités de la licence obligatoire. Les brevets délivrés pour des médicaments peuvent, si l'intérêt de la santé publique l'exige, être soumis au régime de la licence obligatoire si les quantités produites ou la qualité sont insuffisantes ou les prix anormalement élevés. L'utilisation de telles dispositions n'est cependant pas justifiable en France, qui est capable soit de produire soit d'importer ces produits et donc d'approvisionner son marché national, et où les prix de vente des médicaments remboursables aux assurés sociaux ne sont pas libres. Par ailleurs, les débats au sein de l'OMC sur les dérogations au droit des brevets s'inscrivent dans une problématique d'accès aux médicaments pour les populations des pays en voie de développement atteintes notamment par le VIH/SIDA ; revendiquer l'utilisation des licences obligatoires pour soulager le financement de l'assurance-maladie d'un pays du G 8 pourrait donc être très mal perçu par nos partenaires dans ce contexte.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O