Texte de la QUESTION :
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M. Armand Jung attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la réforme du droit d'asile. Le projet de loi présenté par le Gouvernement prétend être une réponse à « l'allongement excessif des délais de traitement des dossiers et au cumul des procédures ». Certes, le statut des demandeurs d'asile méritait de faire l'objet d'une réflexion approfondie, un consensus s'étant fait jour sur ce point. Cependant, cette créance fondamentale de la personne humaine qu'est le droit d'asile ne saurait être réduite à un simple chapitre de la politique d'immigration, menée par votre Gouvernement. Les nouveaux concepts d' « asile interne » et de « pays sûr » ne sauraient masquer, ni même voiler, la volonté avérée de votre Gouvernement de vider le droit d'asile de sa substance, trahissant par là même l'esprit des engagements internationaux pris par la France dans ce domaine. En l'état, nul ne peut légitimement douter du fait que la réforme proposée conduira, de facto, à un mélange des genres, le demandeur d'asile se trouvant relégué au rang d'immigré clandestin en puissance. Dans ce sillage, le parallélisme existant entre la réforme du droit d'asile et celle de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est lourd de sens, à cet égard. En conséquence, il souhaite recueillir son sentiment sur ce point. - Question transmise à M. le ministre des affaires étrangères.
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Texte de la REPONSE :
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Le projet de loi relatif au droit d'asile, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 5 juin 2003, ne remet nullement en cause les engagements de la France en matière de protection internationale liés, en premier lieu, à la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. D'une manière générale, le projet de réforme consolide l'esprit de la convention de Genève en l'étendant à toutes les formes d'asile. Il valorise les vertus d'indépendance, d'expertise et d'écoute de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - qui reste sous la tutelle du ministre des affaires étrangères - en lui confiant toute la responsabilité de l'asile. L'innovation majeure est le transfert à l'OFPRA d'une compétence en matière de protection subsidiaire, un régime de protection internationalement reconnu et prévu par les règlements de l'Union européenne qui se substitue à l'asile territorial. La protection subsidiaire vise essentiellement les personnes qui ne sont pas éligibles au statut de réfugié mais qui seraient exposées à des menaces graves dans leur pays ou à des traitements inhumains ou dégradants. Au-delà de la création d'une protection subsidiaire, une autre mesure illustre la volonté du Gouvernement de mieux protéger les demandeurs d'asile : l'abandon - pour mieux appliquer la convention de Genève - du critère jurisprudentiel de l'origine étatique des persécutions pour l'octroi du statut de réfugié. Le statut de réfugié pourra être accordé même si les persécutions proviennent d'acteurs non étatiques, comme c'est de plus en plus souvent le cas. Le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) ainsi que les associations et organisations d'aide aux réfugiés souhaitaient depuis longtemps cette évolution. S'agissant de la notion d'asile interne, la France était jusqu'à présent l'un des seuls pays européens à ne pas recourir à ce concept qui, accepté par le HCR, figure expressément dans les deux projets de directive sur le statut de réfugié d'une part, et sur les procédures d'asile d'autre part. La rédaction proposée dans le projet de loi permet de tenir compte de la diversité de la situation sécuritaire prévalant dans le pays d'origine tout en offrant la garantie d'une application prudente de cette notion dans la mesure où il sera systématiquement procédé à une évaluation du caractère raisonnable du retour de la personne dans la partie de territoire concernée. Le pays d'origine sûr désigne un État respectant les principes de liberté et de démocratie. Il ne s'agira pas de rejeter systématiquement les demandes d'asile déposées par des ressortissants de pays d'origine sûrs, ni de les considérer comme irrecevables, mais simplement de traiter ces demandes selon une procédure accélérée dite « prioritaire », avec la garantie d'un examen au fond de chaque dossier, conformément à nos principes constitutionnels. Enfin, en présentant deux projets de loi distincts sur l'asile, d'une part, et sur l'immigration, d'autre part, le Gouvernement a souhaité ne pas mélanger les questions du droit d'asile et de l'immigration, qui ne sont pas sans liens mais qui sont inspirées par des philosophies très différentes. L'asile offre un droit à une protection, l'immigration est un choix personnel.
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