Texte de la REPONSE :
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REGLEMENTATION DE L'USAGE DES COPEAUX POUR L'ELEVAGE DU VIN
M. le président. La parole est à M. Daniel
Garrigue, pour exposer sa question, n° 1756, relative à la réglementation de
l'usage des copeaux pour l'élevage du vin. M. Daniel
Garrigue. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je
tiens d'abord à saluer votre présence à cette séance de questions orales sans
débat. Le monde de la viticulture est aujourd'hui confronté à la baisse
relative de la consommation nationale de vin et a connu de graves difficultés à
l'exportation, en raison de la concurrence, depuis longtemps annoncée, des pays
de l'hémisphère sud. Cette situation a conduit les viticulteurs à s'interroger
sur l'offre de vin : doivent-ils jouer la carte de la qualité et chercher à
élargir le cercle des connaisseurs, attirés vers les vins les plus travaillés,
ou adopter, comme une grande partie de nos concurrents, une démarche plus proche
du marketing visant à répondre le plus possible aux attentes des consommateurs,
donc à travailler les vins dans un sens différent ? Ce débat a donné naissance
au concept de la segmentation de l'offre de vin, qui fait pratiquement
l'unanimité dans le monde viticole. Dans ce contexte, et compte tenu de
l'accord conclu entre l'Europe et les États-Unis, l'Union européenne a pris la
décision de permettre l'utilisation des copeaux de bois dans l'élevage des vins,
laissant toutefois à chaque État membre la possibilité de prendre des mesures
restrictives. À une large majorité, l'institut national des appellations
d'origine - l'INAO -, qui fixe les grandes règles pour l'élevage des vins dans
notre pays, a pris position pour l'interdiction de l'utilisation des copeaux
dans l'élevage des vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC. Dans
l'attente du décret, actuellement à votre signature, qui doit traduire cette
volonté, les AOC peuvent, compte tenu de la décision de Bruxelles, utiliser des
copeaux de bois, ce qui suscite chez certains producteurs d'AOC qui ont beaucoup
travaillé sur la qualité, la crainte de voir cette appellation se dévaloriser si
cette situation devait durer. Le 23 novembre, le conseil national des vins de
France, que vous présidez, a proposé un classement à trois niveaux. Les vins de
pays et les usages industriels, tout d'abord, pourraient recourir largement aux
techniques autorisées par Bruxelles et utilisées par bon nombre de nos
concurrents. Les indications d'origine contrôlée, auxquelles pourraient
également s'ajouter les vins de pays, pourraient utiliser ces techniques,
notamment l'usage des copeaux, dans une démarche proche de celle du marketing.
Les AOC, quant à elles, continueraient de miser sur la qualité et proscriraient
absolument l'usage des copeaux. Monsieur le ministre, ce schéma correspond-il
bien à l'analyse du ministère de l'agriculture et avez-vous l'intention de
signer le décret reprenant les dispositions proposées par l'INAO ? M.
le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche. M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture
et de la pêche. Monsieur Garrigue, je vous répondrai en deux points : sur
les copeaux tout d'abord, puis sur la segmentation de l'offre de
vin. L'utilisation des copeaux de bois dans l'élevage des vins, est débattue
depuis longtemps et donne lieu à de nombreux articles critiques dans les revues
vinicoles. Cette pratique est admise au plan communautaire depuis décembre 2005
et la Commission européenne a publié, au mois d'octobre, son règlement
d'application. En France, les appellations d'origine contrôlée en ont débattu et
ont estimé que l'utilisation des copeaux pouvait, dans certains cas, nuire à
leur image. Le comité vins de l'INAO s'est alors prononcé contre cette pratique
dans l'élaboration des AOC, tout en l'autorisant à titre expérimental, ce qui
revient à l'encadrer pour les appellations qui la demandent. Compte tenu de
la divergence entre les points de vue des inconditionnels de l'utilisation des
copeaux de bois et de ceux qui voient dans cette pratique la fin du monde - la
vérité se situant probablement entre ces deux extrêmes - et en attendant d'y
voir plus clair sur la segmentation et l'ensemble des pratiques oenologiques, la
position de l'INAO me semble prudente. J'attends donc que l'INAO me soumette le
projet d'arrêté - et non de décret - destiné à encadrer cette pratique, qui me
semble au demeurant convenir plus particulièrement aux vins de pays et qui, si
elle était autorisée pour certaines AOC, ne devrait l'être que sous réserve
d'application du cadre prudent défini par l'INAO. Cette question nous invite
à nous interroger sur toutes nos pratiques oenologiques et souligne la nécessité
de clarifier l'offre française qui, avec plus de 400 AOC et une réglementation
complexe, est souvent incompréhensible à l'étranger, ce qui ne facilite pas
l'exportation de nos vins. J'ai donc fait dans le cadre du conseil national
de la viticulture, après une très large consultation, des propositions visant à
mieux segmenter notre offre. On pourrait distinguer trois catégories de vin :
les vins de base ou d'assemblage, qui vivront sur le marché international et
dont l'étiquette pourra mentionner, par exemple, le cépage ; les AOC et vins de
catégorie moyenne ou bonne ; enfin, les super-AOC, les " vins de rêve " chers à
René Renou. Si cette proposition suscite quelque mécontentement chez les
producteurs d'AOC, qui craignent que leurs produits ne soient plus des " vins de
rêve ", force est de constater que certaines AOC ont été parfois accordées d'une
manière trop lâche. Il faut donc remettre de l'ordre dans tout cela. Il n'est
pas question, toutefois, de le faire contre la profession. Je tiens à agir avec
son avis, ce qui prendra du temps car, en France, toucher aux frontières
viticoles peut enflammer des guerres à côté desquelles les guerres de religion
apparaîtraient comme une aimable plaisanterie ! (Sourires.) Il importe en
tout cas de renforcer la position des AOC, afin de pouvoir mieux les vendre à
l'étranger. J'attends désormais des organisations professionnelles une
implication forte et positive dans ce dossier et je souhaite que la prochaine
réunion du comité national des vins de France, en janvier 2007, permette
d'avancer. Certaines évolutions se dessinent déjà, comme l'acceptation du
concept de " vin de France " ou, dans votre région, monsieur Garrigue, la
création de l'appellation de " vins de l'Atlantique ", qui recouvre, par
exemple, les vins du Bergeracois et des vins de Charente ou de Bordeaux. Je
peux vous assurer de mon entière détermination pour mener à terme cette
évolution pour l'avenir de la filière viticole, afin que nos vins puissent se
vendre mieux à l'étranger et que tous les viticulteurs, et non pas seulement une
partie d'entre eux, puissent bénéficier d'un revenu décent. M. le
président. La parole est à M. Daniel Garrigue. M. Daniel
Garrigue. Monsieur le ministre, je pense, avec l'ensemble du monde
viticole, que notre offre doit mieux répondre aux attentes de la grande
consommation et des pays où nous exportons, ce qui suppose que nous puissions
assurer, pour faire face à nos concurrents, un bon rapport qualité-prix et des
quantités suffisantes. Des efforts très importants n'en ont pas moins été
accomplis par certains vignobles,... M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche. En particulier dans votre région ! M. Daniel
Garrigue. ...pour lesquels il serait désastreux que le concept d'AOC
disparaisse ou que le seuil en soit repoussé trop haut. M. Philippe
Armand Martin et M. Dominique Paillé. Très bien !
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