Texte de la REPONSE :
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REGIME FISCAL DES FRONTALIERS TRAVAILLANT EN BELGIQUE Mme la présidente. La parole est à M. Alain
Bocquet, pour exposer sa question, n° 1770. M. Alain
Bocquet. Tout le monde n'a pas les moyens d'acheter un chalet en Suisse
! Ni le souci d'échapper à ses devoirs de citoyen en se défilant devant la
solidarité nationale que représente l'impôt, même écornée par le bouclier fiscal
! Ainsi, 25 000 salariés frontaliers du Nord-Pas-de-Calais et de
Champagne-Ardenne travaillent en Belgique sous le régime de la convention
bipartite du 10 mars 1964, laquelle établit le lieu de résidence comme référence
de l'imposition sur les revenus. Mais, depuis quelques années, l'application de
cet accord connaît bien des vicissitudes, depuis la signature d'un avenant qui
prévoit que " les autorités compétentes des États contractants règlent
conjointement ou séparément les modalités d'application des dispositions ". Nos
voisins belges, qui souhaitent faire du lieu d'activité le lieu d'imposition,
n'ont pas manqué de s'engouffrer dans la brèche en publiant une circulaire qui
oblige les salariés frontaliers concernés à exercer leur activité dans la seule
zone frontalière, large de vingt kilomètres, tout en sachant pertinemment que
beaucoup d'entre eux ont des métiers ambulants, qu'ils soient chauffeurs,
ouvriers ou techniciens de chantier. Interrogé à plusieurs reprises, le
Gouvernement a apporté des réponses lénifiantes. " Aucune décision de
suppression de régime ne sera prise sans garantie pour les résidents français
concernés ", assuraient les services du ministère du budget en juin 2004 à mon
collègue Georges Hage. En février 2005, le Gouvernement précisait en réponse à
une question écrite que je lui avais posée que des négociations étaient en cours
pour " l'élaboration d'une nouvelle convention fiscale ". En avril 2006, une
nouvelle réponse m'était fournie dans laquelle il reconnaissait que
l'administration fiscale belge avait procédé à des taxations d'office à raison
des rémunérations perçues et il ajoutait que des procédures amiables étaient
ouvertes afin de remédier aux situations de double imposition. Aujourd'hui,
de très nombreux frontaliers constatent que, en fait de procédures amiables,
leur salaire est ponctionné de 30 % à 35 % - entre 400 et 600 euros par mois - à
titre de précompte. Ils se voient infliger des " absences non motivées " parce
qu'ils refusent d'aller en zone non frontalière, perdant ainsi des journées de
salaire ; ils subissent des pressions allant parfois jusqu'à la perte d'emploi
et ils redoutent de subir des redressements fiscaux rétroactifs jusqu'à cinq ans
en arrière ! La presse du Nord-Pas-de-Calais a fait état de telles décisions
avec, à la clé, plusieurs dizaines de milliers d'euros scandaleusement rackettés
- le mot n'est pas trop fort. La dernière réponse que m'a adressée le
ministre de l'économie et des finances, le 13 novembre 2006, m'informe que " ce
dossier fait actuellement l'objet d'un examen approfondi ". Sur le terrain, de
telles réponses ne peuvent suffire. Les 25 000 salariés concernés, dont beaucoup
cherchent désormais un emploi de repli en France, dans le Nord-Pas-de-Calais, où
le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale, veulent des actes. Ils
réclament justice et le respect de leur dignité. Ils attendent du Gouvernement
qu'il les défende beaucoup plus résolument, et que la promesse faite par le
ministre du budget " de négocier pour prolonger le système encore vingt-cinq ans
" soit tenue. Les récentes informations, qui m'ont été fournies par les
frontaliers eux-mêmes, font état d'une rencontre ces jours-ci entre les
ministres français et belge concernés. Qu'en est-il de ces tractations et de la
détermination des autorités françaises à faire droit à nos 25 000 concitoyens et
à leurs familles ? Mme la présidente. La parole est à Mme la
ministre déléguée au commerce extérieur. Mme Christine
Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Vous avez
raison, monsieur le député, la fiscalité des travailleurs frontaliers est une
question délicate, quel que soit le pays concerné - la Belgique, l'Allemagne ou
la Suisse -, car les salariés travaillant dans un pays et résidant dans un autre
sont intéressants pour l'un comme pour l'autre État, chacun essayant de faire
entrer leurs rémunérations dans l'assiette de leur imposition. M.
Alain Bocquet. Vive l'Europe ! Mme la ministre déléguée au
commerce extérieur. Le cas de la Suisse est différent ! S'agissant
du cas des travailleurs frontaliers qui sont Français au sens de la convention
fiscale franco-belge de 1964, ma réponse va sans doute vous décevoir. Le
ministère de l'économie et des finances est parfaitement conscient des épreuves
que subissent les 25 000 personnes concernées. Mais la question est difficile à
régler. Les services du ministère du budget ont, à plusieurs reprises, fait part
à leurs homologues belges de leurs préoccupations et de leur souci de défendre
les salariés travaillant en Belgique et résidents français au sens de la
convention franco-belge. Vous êtes bien informé : en effet, une réunion entre
les services des ministères français et belge s'est tenue pendant toute la
journée du 15 décembre dernier à Bruxelles, pour faire le tour de la
question. Au risque de vous décevoir, je ne peux malheureusement pas vous en
communiquer les résultats, les négociations étant toujours en cours. Elles se
poursuivront dès le début du mois de janvier en vue d'une conclusion car, bien
que des progrès aient été constatés, elles ne sont pas achevées. Une solution
est encore à trouver. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment, monsieur
le député. Soyez assuré que le dossier est dans une phase active. Nous sommes
plutôt satisfaits des progrès qui ont été enregistrés, mais nous n'en sommes pas
encore au stade des conclusions. Mme la présidente. La
parole est à M. Alain Bocquet. M. Alain Bocquet. Vous avez
raison, madame la ministre, vous m'avez déçu en ne me révélant pas la teneur des
discussions ni leur évolution, fût-elle positive pour les 25 000 salariés et
leurs foyers qui attendent depuis longtemps que leur cas soit remis à
plat. En tout état de cause, ils refusent d'être les victimes d'une situation
dont on veut leur imposer de supporter seuls tous les inconvénients. Je vous lis
un extrait d'une lettre de témoignage que m'a adressée l'épouse d'un de ces
travailleurs frontaliers : " Nous vivons dans la peur jour et nuit comme des
voleurs, des fraudeurs, des malfrats [...]. Et pourtant, de quoi sommes-nous
coupables ? Nous avons toujours été de bonne foi et persuadés, depuis dix-huit
ans, d'être en règle avec le droit. Pour nous, c'est pire qu'un licenciement
car, dans ce cas dramatique, nos assurances auraient pris le relais pour le
paiement de notre maison et de nos crédits [...]. Nous vivons dans l'inconnu de
ce que nous réserve l'avenir [...]. On peut imaginer ce qu'il adviendrait en cas
de redressement du fisc : tout ce que l'on a construit en vingt ans anéanti
[...], et nous, ce n'est encore rien, à côté de nos enfants et à l'approche de
Noël. " Voilà la réalité quotidienne de ces 25 000 salariés. Il faut
accélérer les négociations. Vos déclarations, madame la ministre, augurent
qu'elles sont en bonne voie et j'espère que vous apporterez très vite et en
toute transparence des réponses à ce douloureux problème qui, dans le
Nord-Pas-de-Calais et en Champagne-Ardenne, nous préoccupe depuis des
années. M. André Chassaigne. Bravo !
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