FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1770  de  M.   Bocquet Alain ( Député-e-s Communistes et Républicains - Nord ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  19/12/2006  page :  13069
Réponse publiée au JO le :  20/12/2006  page :  9126
Rubrique :  traités et conventions
Tête d'analyse :  convention fiscale avec la Belgique
Analyse :  avenant. perspectives
Texte de la QUESTION : Alors que depuis maintenant plusieurs années des informations font état d'une révision en cours de la Convention de 1964 signée entre la France et la Belgique, les travailleurs frontaliers français sont de plus en plus inquiets sur leur situation et sur leur avenir. Menacés de devoir payer leur imposition sur le revenu en Belgique, et des redressements fiscaux susceptibles de porter sur cinq ans, ils subissent d'ores et déjà des prélèvements de plusieurs centaines d'euros sur leurs salaires mensuels. En dépit des questions qui lui ont été adressées à plusieurs reprises, le gouvernement français n'a toujours pas apporté de réponse et de précisions fiables sur cette affaire, ni sur sa détermination à défendre les intérêts et les droits légitimes des salariés et des familles concernés, dont beaucoup pourraient perdre tout ou partie de leur patrimoine si l'évolution et les glissements actuels venaient à se confirmer. M. Alain Bocquet demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie où en sont désormais ces négociations, et quelles dispositions le gouvernement français entend prendre auprès de la Belgique pour mettre un terme aux pressions et ponctions financières dont sont victimes les frontaliers français.
Texte de la REPONSE :

REGIME FISCAL DES FRONTALIERS
TRAVAILLANT EN BELGIQUE

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet, pour exposer sa question, n° 1770.
M. Alain Bocquet. Tout le monde n'a pas les moyens d'acheter un chalet en Suisse ! Ni le souci d'échapper à ses devoirs de citoyen en se défilant devant la solidarité nationale que représente l'impôt, même écornée par le bouclier fiscal !
Ainsi, 25 000 salariés frontaliers du Nord-Pas-de-Calais et de Champagne-Ardenne travaillent en Belgique sous le régime de la convention bipartite du 10 mars 1964, laquelle établit le lieu de résidence comme référence de l'imposition sur les revenus. Mais, depuis quelques années, l'application de cet accord connaît bien des vicissitudes, depuis la signature d'un avenant qui prévoit que " les autorités compétentes des États contractants règlent conjointement ou séparément les modalités d'application des dispositions ". Nos voisins belges, qui souhaitent faire du lieu d'activité le lieu d'imposition, n'ont pas manqué de s'engouffrer dans la brèche en publiant une circulaire qui oblige les salariés frontaliers concernés à exercer leur activité dans la seule zone frontalière, large de vingt kilomètres, tout en sachant pertinemment que beaucoup d'entre eux ont des métiers ambulants, qu'ils soient chauffeurs, ouvriers ou techniciens de chantier.
Interrogé à plusieurs reprises, le Gouvernement a apporté des réponses lénifiantes. " Aucune décision de suppression de régime ne sera prise sans garantie pour les résidents français concernés ", assuraient les services du ministère du budget en juin 2004 à mon collègue Georges Hage. En février 2005, le Gouvernement précisait en réponse à une question écrite que je lui avais posée que des négociations étaient en cours pour " l'élaboration d'une nouvelle convention fiscale ". En avril 2006, une nouvelle réponse m'était fournie dans laquelle il reconnaissait que l'administration fiscale belge avait procédé à des taxations d'office à raison des rémunérations perçues et il ajoutait que des procédures amiables étaient ouvertes afin de remédier aux situations de double imposition.
Aujourd'hui, de très nombreux frontaliers constatent que, en fait de procédures amiables, leur salaire est ponctionné de 30 % à 35 % - entre 400 et 600 euros par mois - à titre de précompte. Ils se voient infliger des " absences non motivées " parce qu'ils refusent d'aller en zone non frontalière, perdant ainsi des journées de salaire ; ils subissent des pressions allant parfois jusqu'à la perte d'emploi et ils redoutent de subir des redressements fiscaux rétroactifs jusqu'à cinq ans en arrière ! La presse du Nord-Pas-de-Calais a fait état de telles décisions avec, à la clé, plusieurs dizaines de milliers d'euros scandaleusement rackettés - le mot n'est pas trop fort.
La dernière réponse que m'a adressée le ministre de l'économie et des finances, le 13 novembre 2006, m'informe que " ce dossier fait actuellement l'objet d'un examen approfondi ". Sur le terrain, de telles réponses ne peuvent suffire. Les 25 000 salariés concernés, dont beaucoup cherchent désormais un emploi de repli en France, dans le Nord-Pas-de-Calais, où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale, veulent des actes. Ils réclament justice et le respect de leur dignité. Ils attendent du Gouvernement qu'il les défende beaucoup plus résolument, et que la promesse faite par le ministre du budget " de négocier pour prolonger le système encore vingt-cinq ans " soit tenue.
Les récentes informations, qui m'ont été fournies par les frontaliers eux-mêmes, font état d'une rencontre ces jours-ci entre les ministres français et belge concernés. Qu'en est-il de ces tractations et de la détermination des autorités françaises à faire droit à nos 25 000 concitoyens et à leurs familles ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Vous avez raison, monsieur le député, la fiscalité des travailleurs frontaliers est une question délicate, quel que soit le pays concerné - la Belgique, l'Allemagne ou la Suisse -, car les salariés travaillant dans un pays et résidant dans un autre sont intéressants pour l'un comme pour l'autre État, chacun essayant de faire entrer leurs rémunérations dans l'assiette de leur imposition.
M. Alain Bocquet. Vive l'Europe !
Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Le cas de la Suisse est différent !
S'agissant du cas des travailleurs frontaliers qui sont Français au sens de la convention fiscale franco-belge de 1964, ma réponse va sans doute vous décevoir.
Le ministère de l'économie et des finances est parfaitement conscient des épreuves que subissent les 25 000 personnes concernées. Mais la question est difficile à régler. Les services du ministère du budget ont, à plusieurs reprises, fait part à leurs homologues belges de leurs préoccupations et de leur souci de défendre les salariés travaillant en Belgique et résidents français au sens de la convention franco-belge. Vous êtes bien informé : en effet, une réunion entre les services des ministères français et belge s'est tenue pendant toute la journée du 15 décembre dernier à Bruxelles, pour faire le tour de la question.
Au risque de vous décevoir, je ne peux malheureusement pas vous en communiquer les résultats, les négociations étant toujours en cours. Elles se poursuivront dès le début du mois de janvier en vue d'une conclusion car, bien que des progrès aient été constatés, elles ne sont pas achevées. Une solution est encore à trouver. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment, monsieur le député. Soyez assuré que le dossier est dans une phase active. Nous sommes plutôt satisfaits des progrès qui ont été enregistrés, mais nous n'en sommes pas encore au stade des conclusions.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Vous avez raison, madame la ministre, vous m'avez déçu en ne me révélant pas la teneur des discussions ni leur évolution, fût-elle positive pour les 25 000 salariés et leurs foyers qui attendent depuis longtemps que leur cas soit remis à plat.
En tout état de cause, ils refusent d'être les victimes d'une situation dont on veut leur imposer de supporter seuls tous les inconvénients. Je vous lis un extrait d'une lettre de témoignage que m'a adressée l'épouse d'un de ces travailleurs frontaliers : " Nous vivons dans la peur jour et nuit comme des voleurs, des fraudeurs, des malfrats [...]. Et pourtant, de quoi sommes-nous coupables ? Nous avons toujours été de bonne foi et persuadés, depuis dix-huit ans, d'être en règle avec le droit. Pour nous, c'est pire qu'un licenciement car, dans ce cas dramatique, nos assurances auraient pris le relais pour le paiement de notre maison et de nos crédits [...]. Nous vivons dans l'inconnu de ce que nous réserve l'avenir [...]. On peut imaginer ce qu'il adviendrait en cas de redressement du fisc : tout ce que l'on a construit en vingt ans anéanti [...], et nous, ce n'est encore rien, à côté de nos enfants et à l'approche de Noël. " Voilà la réalité quotidienne de ces 25 000 salariés.
Il faut accélérer les négociations. Vos déclarations, madame la ministre, augurent qu'elles sont en bonne voie et j'espère que vous apporterez très vite et en toute transparence des réponses à ce douloureux problème qui, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Champagne-Ardenne, nous préoccupe depuis des années.
M. André Chassaigne. Bravo !

CR 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O