Texte de la QUESTION :
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M. Frédéric Reiss souhaite interroger M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les difficultés rencontrées par de nombreux Alsaciens-Mosellans nés avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale au moment de renouveler leurs papiers d'identité. Jusqu'en 2005, ces démarches ne posaient aucune difficulté. Suite à une modification de la réglementation, c'est l'acte de naissance qui est devenu le principal justificatif nécessaire. De nombreuses personnes ont vu leur prénom et parfois leur nom de famille germanisé au moment de la déclaration à l'état civil entre 1940 et 1945. Après la période des conflits, les personnes concernées ont souvent repris et utilisé la version française de leur prénom pour leurs documents d'identité, acte de mariage, facture, etc. sans pour autant faire modifier leur acte de naissance. Aujourd'hui, près de soixante ans après la fin des combats, les personnes concernées se trouvent dans l'obligation de faire procéder à un changement officiel de prénom en usant de la lourde procédure, avec recours à un avocat, prévue aux articles 57 et 60 du code civil. Dans ces circonstances, il souhaite savoir si une modification de la législation est envisageable afin de permettre la modification de prénom dans de telles circonstances par simple décision juridique suite à un recours gracieux.
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Texte de la REPONSE :
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FRANCISATION DES PRENOMS DANS L'ACTE DE NAISSANCE EN
ALSACE-MOSELLE Mme la présidente. La parole
est à M. Frédéric Reiss, pour exposer sa question, n° 1790. M.
Frédéric Reiss. Ma question concerne un phénomène apparu avec
l'application stricte de l'arrêté ministériel du 24 avril 1991 relatif à
l'établissement ou au renouvellement de la carte nationale d'identité. Une copie
intégrale de l'acte de naissance, datée de moins de trois mois, est désormais
nécessaire. C'est pourquoi, en Alsace-Moselle, depuis 2005, certains de nos
concitoyens rencontrent des difficultés lors du renouvellement de leurs papiers
d'identité. Leur unique tort est d'être nés ou de s'être mariés entre 1940 et
1944 alors que l'Alsace et la Moselle étaient annexées par l'Allemagne. En
effet, si tout tend à s'arranger lorsque le nom ou le prénom d'un individu a été
traduit littéralement en allemand, tout se complique dans d'autres cas.
Permettez-moi de donner deux exemples. En août 1944, alors que
l'Alsace-Moselle est encore annexée, un couple déclare la naissance de sa fille
en mairie. Le préposé de l'administration allemande refuse le prénom de
Paulette, de consonance trop française à ses yeux, et décide, d'autorité, de "
germaniser " Paulette en Pauline. Malgré cela, la petite fille a grandi avec le
prénom de Paulette et ses papiers officiels ont été établis avec ce prénom sans
problème jusqu'à une récente demande de renouvellement de carte d'identité. La
procédure pour changer de prénom implique de prendre l'attache du procureur qui
saisit le juge aux affaires familiales. Elle nécessite également le recours à un
avocat, d'autant que Pauline est un prénom courant en France aussi - recours qui
occasionne des frais financiers. Cette situation, après soixante ans de vie sans
histoires, déconcerte et peut aller jusqu'à traumatiser de paisibles
citoyens. Le second exemple concerne une veuve de quatre-vingts ans qui s'est
mariée en 1945 en Allemagne. Elle a besoin d'une nouvelle carte nationale
d'identité mais, malheureusement pour elle, sur l'original de son acte de
mariage le nom de son défunt époux comprend les lettres " ei " au lieu des
lettres " ai ". Pour que la demande de carte nationale d'identité soit
recevable, il faudrait intenter une action devant un tribunal allemand et avoir
recours à un avocat allemand. Ces personnes qui, plus nombreuses qu'on ne
pense, n'ont jamais éprouvé la moindre difficulté pour obtenir une pièce
d'identité, ne comprennent pas ces subites tracasseries administratives. De
plus, elles rencontrent des ennuis en matière de sécurité sociale, de pensions
de réversion ou encore de successions. Certes, des recours gracieux sont prévus
mais, en l'occurrence, ils ne s'appliquent pas. De même, la rectification par le
maire reste inopérante. Une modification de la législation avec saisine du
maire par exemple, serait-elle envisageable ? Le maire, en sa qualité d'officier
d'état civil, pourrait alors servir d'interface entre le demandeur et le
procureur de la République. Une simple décision juridique pourrait, dans ce cas,
éviter une procédure qui, même si elle peut sembler aisée, traumatise,
j'insiste, nombre de personnes âgées. Mme la présidente. La
parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire. M.
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, m'a demandé
de vous répondre. Vous vous faites à juste titre l'écho des difficultés
rencontrées au moment du renouvellement de leurs papiers d'identité par de
nombreux Alsaciens et Mosellans nés pendant l'annexion allemande. Les
services du ministère de l'intérieur ont déjà eu à connaître de ce dossier il y
a quelques années. Leur attention avait été appelée sur la situation spécifique
des personnes nées en Alsace-Lorraine pendant l'annexion de cette région par
l'Allemagne et qui, dotées contre leur gré de prénoms germaniques, rencontraient
des difficultés lors de la constitution des dossiers de demande de carte
nationale d'identité. Il avait alors été décidé, en accord avec le ministère
de la justice, d'accepter que figure, sur la carte d'identité comme sur le
passeport, un prénom traduit en langue française par les agents chargés
d'instruire les demandes de titres. Cette mesure évitait ainsi d'imposer le
recours à la procédure judiciaire de changement de prénom. Des instructions en
ce sens ont été données à l'ensemble des préfectures au mois de juillet 1998 et
ont donné satisfaction dans la mesure où aucune difficulté nouvelle n'a été
signalée depuis lors à l'administration centrale. Je tiens à vous assurer,
monsieur le député, que le décret du 30 décembre 2005 déterminant les conditions
de délivrance et de renouvellement du passeport électronique, n'a pas remis en
cause ce régime dérogatoire, bien que soit désormais exigée une copie intégrale
de l'acte de naissance. Cette dernière règle vise en fait à faciliter la
détermination de l'état civil du demandeur et à mieux sécuriser la délivrance du
nouveau titre. Les copies intégrales portent en marge, le cas échéant, la
mention des décisions de changement de prénoms et de nom. Néanmoins, pour aider
nos concitoyens d'Alsace et de Moselle dans leurs démarches, les instructions
diffusées aux services ont rappelé que le dispositif arrêté en 1998 continuait à
s'appliquer. Vous suggérez que le maire, en sa qualité d'officier d'état
civil, puisse, suivant l'importance des communes, jouer un rôle pour faciliter
la délivrance des documents. Je prends acte de cette demande et suggérerai au
ministre de l'intérieur d'étudier votre proposition, tant il est vrai que, vous
le savez, le maire est pour lui, et nous l'avons encore rappelé récemment dans
le projet de loi sur la prévention de la délinquance, l'autorité qui oeuvre au
plus près de nos concitoyens, qui reste la plus proche des réalités et la plus à
même d'interpréter leurs préoccupations en fonction, en l'occurrence, de leur
histoire familiale. Nous allons donc renouveler les instructions aux
préfectures pour que ce soit bien la disposition de 1998 qui s'applique pour le
passeport électronique. Ensuite, je prends en compte votre suggestion, qui me
paraît aller dans le bon sens, visant à donner au maire un rôle utile
d'interface entre nos concitoyens et les services administratifs de l'État. Pour
finir, si jamais, monsieur le député, de nouvelles difficultés devaient surgir,
je vous demande de me les signaler afin que je puisse veiller à leur résolution
la plus prompte. Mme la présidente. La parole est à M.
Frédéric Reiss. M. Frédéric Reiss. Je vous remercie,
monsieur le ministre, de cette réponse. Je crois en effet que faire une piqûre
de rappel aux préfectures concernant le dispositif de 1998 serait bienvenu car
les ennuis, pour les personnes concernées, ont bien commencé à partir du jour où
elles devaient fournir la copie intégrale de leur acte de naissance pour
l'établissement d'une carte nationale d'identité sécurisée.
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