Texte de la REPONSE :
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SITUATION DE L'EMPLOI A L'ENTREPRISE SAINT-LOUIS SUCRE A
MARSEILLE M. le président. La parole est à
M. Frédéric Dutoit, pour exposer sa question, n° 1817. M. Frédéric
Dutoit. Ma question concerne le devenir de l'usine Saint-Louis Sucre
dans le XVe arrondissement de Marseille. C'est à vous que je l'adresse, monsieur
le ministre délégué à l'industrie, mais je pourrais également la poser à M. le
ministre de l'agriculture ou à Mme la ministre déléguée aux affaires
européennes. Sur le site Internet de Saint-Louis Sucre, on peut lire : " La
raffinerie implantée depuis 1950 dans le quartier Saint-Louis à Marseille,
aujourd'hui dotée d'un outil industriel très performant, reste le symbole de
l'ouverture vers l'Europe du Sud, l'Afrique et l'Orient. " Or, apparemment,
des menaces de restructuration voire de fermeture pèsent sur le devenir de ce
site industriel qui emploie 247 salariés dans la cité phocéenne. L'abandon de
l'activité raffinage serait envisagé avec insistance, selon des sources
syndicales, au profit d'une délocalisation en Bosnie-Herzégovine et d'une
spéculation immobilière à Marseille, avec en sus le pactole du fonds de
restructuration versé par la Commission européenne. C'est un comble
! Monsieur le ministre, disposez-vous des mêmes informations ? Ces rumeurs,
les craintes des salariés et de leurs familles, sont-elles fondées ? À en croire
les chiffres avancés par la direction de l'entreprise Saint-Louis Sucre, le site
phocéen est en capacité de produire 270 000 tonnes de sucre blanc à partir de
l'importation de sucre roux de canne dans le cadre du développement de la
production sucrière et du nouvel accord européen sur le sucre. Il dispose ainsi
d'atouts professionnels majeurs, à commencer par le savoir-faire des
salariés. L'usine marseillaise a la spécificité de raffiner du sucre de canne
en provenance de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, sans oublier les
départements français d'outre-mer. Elle est reconnue comme le maillon essentiel
de la filière de production et de commercialisation du sucre blanc de qualité en
France. Les consommateurs et les industriels vantent les qualités de la
production made in Marseille de sucre blanc. Chacun de nous en utilise
tous les jours. Le marché n'est donc pas prêt de s'infléchir. Pourquoi, dans ce
cas, tant d'interrogations pèsent-elles sur une entreprise viable ? Tellement
viable d'ailleurs que chaque salarié, je dis bien chaque salarié, du groupe
Saint-Louis Sucre a en moyenne, sur les cinq dernières années, rapporté la
bagatelle de 53 000 euros par an aux actionnaires de l'entreprise. C'est
considérable ! Reconnaissons d'emblée que l'accord sucrier européen
déséquilibre toute la filière sucrière mondiale et l'assujettit aux diktats de
quelques grands monopoles. La Commission considère que, " sans réforme, le
secteur sucrier resterait à l'écart du mouvement vers une agriculture durable
orientée par le marché ". Elle soutient les plus grands groupes qui parlent de "
coûts excessifs ", et prône une diminution du coût de la matière première afin
de faciliter une augmentation des marges de quelques grandes firmes
multinationales. C'est inacceptable ! Nous sommes là au coeur des dérives
néo-libérales de la construction européenne rejetées par 55 % des Françaises et
des Français, au coeur de " la concurrence libre et non faussée " inscrite dans
le projet de Constitution européenne rejeté à 80 % dans les quartiers nord de
Marseille. La disparition de l'activité industrielle de l'entreprise
Saint-Louis Sucre, outre les ravages sociaux directs et indirects qu'elle
provoquerait, mettrait à mal l'activité industrielle des bassins est du port de
Marseille, déjà dans une situation fragile. Elle accélérerait la dramatique
désindustrialisation de la ville et de son agglomération. Elle accentuerait le
chômage dans une ville qui se situe déjà largement au-dessus de la moyenne
nationale en nombre de demandeurs d'emplois et elle renforcerait la
précarisation. Je tire la sonnette d'alarme d'autant plus tôt que
l'agglomération marseillaise a déjà souffert très récemment dans sa chair de la
disparition d'une activité industrielle extrêmement rentable : l'usine Nestlé de
Saint-Menet. Aujourd'hui, le projet de reconversion commercial du site Nestlé ne
répond en rien aux besoins en emplois et en activités économiques de Marseille
et de sa région. Monsieur le ministre, la raffinerie Saint-Louis Sucre
dispose de tous les atouts pour relever de nouveaux défis industriels. Ne nous
refaites pas le coup de Nestlé, vous êtes maintenant alerté. Et ne nous dites
pas que vous ne pouvez rien faire devant les sacro-saintes règles du marché
libéral. Rien ne justifierait la disparition de cette entreprise de haut
niveau, porteuse de l'avenir de Marseille et de son agglomération. Quelles
mesures envisagez-vous de prendre pour empêcher ce funeste projet ? Plus
généralement, quelles dispositions êtes-vous en mesure d'annoncer en faveur de
la production sucrière nationale, la plus puissante en Europe ? M. le
président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie.
Monsieur Dutoit, je comprends que cette question préoccupe nos concitoyens
de Marseille et de sa région, puisque l'entreprise Saint-Louis Sucre emploie 247
salariés dans le XVe arrondissement de Marseille. Je ne peux cependant pas
répondre à un problème qui ne se pose pas encore réellement. Vous évoquez les
spéculations dont la presse fait état. Il n'existe pas d'informations
officielles sur le sujet. En effet, le comité d'entreprise n'a encore été
informé d'aucun projet de réorganisation. S'il est vrai que la presse a
mentionné plusieurs scénarios envisageables, le comité d'entreprise, je le
répète, n'a pas été saisi. Votre question toute théorique a peut-être un
fondement réel. Je vous répondrai donc sur ce qui se passerait si une telle
réorganisation devait avoir lieu et conduisait à des suppressions d'emplois. Le
Gouvernement serait alors particulièrement attentif à la qualité du plan de
sauvegarde proposé par l'entreprise. Cette dernière devrait consulter sur ce
point les représentants des salariés. Le Gouvernement veillerait à ce qu'une
solution soit envisagée pour chaque salarié et adaptée à sa situation.
L'objectif serait le retour à l'emploi, soit par un reclassement dans le groupe,
soit à l'extérieur du groupe avec tous les atouts nécessaires au
reclassement. Il s'agit d'un groupe de plus de 1 000 personnes. De ce fait,
si d'éventuelles suppressions d'emplois étaient décidées, l'entreprise serait
conduite à mettre en oeuvre une action de revitalisation par la création
d'emplois dans le bassin concerné, à hauteur du nombre d'emplois supprimés, en
application du principe de responsabilité des grandes entreprises posé par la
loi de cohésion sociale. Les obligations qui incomberaient en la matière à
l'entreprise seraient tout particulièrement nécessaires au regard de la
situation de l'emploi dans les quartiers nord de Marseille. Si cela devait
avoir lieu, je demanderais au préfet des Bouches-du-Rhône de veiller à la bonne
articulation de ces actions de revitalisation avec celles qui sont en cours pour
la création d'emplois dans ces quartiers. Voilà donc ce que nous ferions si nous
étions face à la situation que vous avez évoquée. M. le
président. La parole est à M. Frédéric Dutoit. M. Frédéric
Dutoit. Monsieur le ministre, j'avoue que vous m'estomaquez ! Le
processus avait été identique, à l'époque, pour l'entreprise Nestlé : M. Bruno
Gilles, député marseillais comme moi, même si nous ne siégeons pas sur les mêmes
bancs, peut en témoigner. Des informations étaient parues dans la presse avant
que le comité d'entreprise ne soit saisi officiellement de la décision de
fermeture de l'entreprise. Fort de cette expérience qui a touché tout le monde
et fait, dans les discours au moins, l'unanimité des forces syndicales,
associatives et même politiques de Marseille, je répète qu'il s'agit du même
processus d'information que celui utilisé pour Nestlé. Vous me dites que le
Gouvernement ne peut pas anticiper ni même au moins interroger les dirigeants de
Saint-Louis Sucre sur la réalité des informations qui circulent : je ne
comprends pas ! Nous nous inquiétons lorsque les Françaises et les Français
considèrent que les politiques ou la politique ne servent à rien. Vous en faites
la plus éclatante démonstration. C'est inacceptable ! Il faut que le
Gouvernement s'adresse directement à la direction de Saint-Louis Sucre, pour
savoir si elle envisage sérieusement la disparition de l'entreprise. Quant à
votre réponse pour le cas où cette éventualité se concrétiserait, elle est
stupéfiante. Vous avalisez a priori la disparition de Saint-Louis Sucre
de Marseille, alors que cette entreprise, comme j'en ai fait la démonstration,
n'a aucunement besoin d'être supprimée, y compris du point de vue de la
rentabilité du capital. C'est tout aussi inacceptable !
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