FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1817  de  M.   Dutoit Frédéric ( Député-e-s Communistes et Républicains - Bouches-du-Rhône ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  09/01/2007  page :  172
Réponse publiée au JO le :  10/01/2007  page :  16
Rubrique :  agroalimentaire
Tête d'analyse :  sucre
Analyse :  Saint-Louis Sucre. emploi et activité. Marseille
Texte de la QUESTION : M. Frédéric Dutoit appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur le devenir de l'entreprise Saint-Louis Sucre dans le 15e arrondissement de Marseille. Sur le site internet « saintlouis-sucre.com », il est écrit que « la raffinerie, implantée depuis 1950 dans le quartier Saint-Louis à Marseille, aujourd'hui dotée d'un outil industriel très performant, reste le symbole de l'ouverture vers l'Europe du Sud, l'Afrique et l'Orient ». Or il observe que des menaces de restructuration voire de fermeture pèsent sur l'avenir de ce site industriel qui emploie 247 salariés. L'abandon de l'activité raffinage serait envisagé. Il lui demande de l'informer sur la réalité et l'ampleur de ces inquiétants projets et d'entreprendre avec diligence toutes les démarches en faveur du maintien de l'activité de l'entreprise Saint-Louis Sucre dans les quartiers Nord de Marseille.
Texte de la REPONSE :

SITUATION DE L'EMPLOI A L'ENTREPRISE
SAINT-LOUIS SUCRE A MARSEILLE

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour exposer sa question, n° 1817.
M. Frédéric Dutoit. Ma question concerne le devenir de l'usine Saint-Louis Sucre dans le XVe arrondissement de Marseille. C'est à vous que je l'adresse, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mais je pourrais également la poser à M. le ministre de l'agriculture ou à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Sur le site Internet de Saint-Louis Sucre, on peut lire : " La raffinerie implantée depuis 1950 dans le quartier Saint-Louis à Marseille, aujourd'hui dotée d'un outil industriel très performant, reste le symbole de l'ouverture vers l'Europe du Sud, l'Afrique et l'Orient. "
Or, apparemment, des menaces de restructuration voire de fermeture pèsent sur le devenir de ce site industriel qui emploie 247 salariés dans la cité phocéenne. L'abandon de l'activité raffinage serait envisagé avec insistance, selon des sources syndicales, au profit d'une délocalisation en Bosnie-Herzégovine et d'une spéculation immobilière à Marseille, avec en sus le pactole du fonds de restructuration versé par la Commission européenne. C'est un comble !
Monsieur le ministre, disposez-vous des mêmes informations ? Ces rumeurs, les craintes des salariés et de leurs familles, sont-elles fondées ? À en croire les chiffres avancés par la direction de l'entreprise Saint-Louis Sucre, le site phocéen est en capacité de produire 270 000 tonnes de sucre blanc à partir de l'importation de sucre roux de canne dans le cadre du développement de la production sucrière et du nouvel accord européen sur le sucre. Il dispose ainsi d'atouts professionnels majeurs, à commencer par le savoir-faire des salariés.
L'usine marseillaise a la spécificité de raffiner du sucre de canne en provenance de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, sans oublier les départements français d'outre-mer. Elle est reconnue comme le maillon essentiel de la filière de production et de commercialisation du sucre blanc de qualité en France.
Les consommateurs et les industriels vantent les qualités de la production made in Marseille de sucre blanc. Chacun de nous en utilise tous les jours. Le marché n'est donc pas prêt de s'infléchir. Pourquoi, dans ce cas, tant d'interrogations pèsent-elles sur une entreprise viable ? Tellement viable d'ailleurs que chaque salarié, je dis bien chaque salarié, du groupe Saint-Louis Sucre a en moyenne, sur les cinq dernières années, rapporté la bagatelle de 53 000 euros par an aux actionnaires de l'entreprise. C'est considérable !
Reconnaissons d'emblée que l'accord sucrier européen déséquilibre toute la filière sucrière mondiale et l'assujettit aux diktats de quelques grands monopoles. La Commission considère que, " sans réforme, le secteur sucrier resterait à l'écart du mouvement vers une agriculture durable orientée par le marché ". Elle soutient les plus grands groupes qui parlent de " coûts excessifs ", et prône une diminution du coût de la matière première afin de faciliter une augmentation des marges de quelques grandes firmes multinationales.
C'est inacceptable ! Nous sommes là au coeur des dérives néo-libérales de la construction européenne rejetées par 55 % des Françaises et des Français, au coeur de " la concurrence libre et non faussée " inscrite dans le projet de Constitution européenne rejeté à 80 % dans les quartiers nord de Marseille.
La disparition de l'activité industrielle de l'entreprise Saint-Louis Sucre, outre les ravages sociaux directs et indirects qu'elle provoquerait, mettrait à mal l'activité industrielle des bassins est du port de Marseille, déjà dans une situation fragile. Elle accélérerait la dramatique désindustrialisation de la ville et de son agglomération. Elle accentuerait le chômage dans une ville qui se situe déjà largement au-dessus de la moyenne nationale en nombre de demandeurs d'emplois et elle renforcerait la précarisation.
Je tire la sonnette d'alarme d'autant plus tôt que l'agglomération marseillaise a déjà souffert très récemment dans sa chair de la disparition d'une activité industrielle extrêmement rentable : l'usine Nestlé de Saint-Menet. Aujourd'hui, le projet de reconversion commercial du site Nestlé ne répond en rien aux besoins en emplois et en activités économiques de Marseille et de sa région.
Monsieur le ministre, la raffinerie Saint-Louis Sucre dispose de tous les atouts pour relever de nouveaux défis industriels. Ne nous refaites pas le coup de Nestlé, vous êtes maintenant alerté. Et ne nous dites pas que vous ne pouvez rien faire devant les sacro-saintes règles du marché libéral.
Rien ne justifierait la disparition de cette entreprise de haut niveau, porteuse de l'avenir de Marseille et de son agglomération. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour empêcher ce funeste projet ? Plus généralement, quelles dispositions êtes-vous en mesure d'annoncer en faveur de la production sucrière nationale, la plus puissante en Europe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Dutoit, je comprends que cette question préoccupe nos concitoyens de Marseille et de sa région, puisque l'entreprise Saint-Louis Sucre emploie 247 salariés dans le XVe arrondissement de Marseille.
Je ne peux cependant pas répondre à un problème qui ne se pose pas encore réellement. Vous évoquez les spéculations dont la presse fait état. Il n'existe pas d'informations officielles sur le sujet. En effet, le comité d'entreprise n'a encore été informé d'aucun projet de réorganisation. S'il est vrai que la presse a mentionné plusieurs scénarios envisageables, le comité d'entreprise, je le répète, n'a pas été saisi.
Votre question toute théorique a peut-être un fondement réel. Je vous répondrai donc sur ce qui se passerait si une telle réorganisation devait avoir lieu et conduisait à des suppressions d'emplois. Le Gouvernement serait alors particulièrement attentif à la qualité du plan de sauvegarde proposé par l'entreprise. Cette dernière devrait consulter sur ce point les représentants des salariés.
Le Gouvernement veillerait à ce qu'une solution soit envisagée pour chaque salarié et adaptée à sa situation. L'objectif serait le retour à l'emploi, soit par un reclassement dans le groupe, soit à l'extérieur du groupe avec tous les atouts nécessaires au reclassement.
Il s'agit d'un groupe de plus de 1 000 personnes. De ce fait, si d'éventuelles suppressions d'emplois étaient décidées, l'entreprise serait conduite à mettre en oeuvre une action de revitalisation par la création d'emplois dans le bassin concerné, à hauteur du nombre d'emplois supprimés, en application du principe de responsabilité des grandes entreprises posé par la loi de cohésion sociale. Les obligations qui incomberaient en la matière à l'entreprise seraient tout particulièrement nécessaires au regard de la situation de l'emploi dans les quartiers nord de Marseille.
Si cela devait avoir lieu, je demanderais au préfet des Bouches-du-Rhône de veiller à la bonne articulation de ces actions de revitalisation avec celles qui sont en cours pour la création d'emplois dans ces quartiers. Voilà donc ce que nous ferions si nous étions face à la situation que vous avez évoquée.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
M. Frédéric Dutoit. Monsieur le ministre, j'avoue que vous m'estomaquez ! Le processus avait été identique, à l'époque, pour l'entreprise Nestlé : M. Bruno Gilles, député marseillais comme moi, même si nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs, peut en témoigner. Des informations étaient parues dans la presse avant que le comité d'entreprise ne soit saisi officiellement de la décision de fermeture de l'entreprise. Fort de cette expérience qui a touché tout le monde et fait, dans les discours au moins, l'unanimité des forces syndicales, associatives et même politiques de Marseille, je répète qu'il s'agit du même processus d'information que celui utilisé pour Nestlé. Vous me dites que le Gouvernement ne peut pas anticiper ni même au moins interroger les dirigeants de Saint-Louis Sucre sur la réalité des informations qui circulent : je ne comprends pas !
Nous nous inquiétons lorsque les Françaises et les Français considèrent que les politiques ou la politique ne servent à rien. Vous en faites la plus éclatante démonstration. C'est inacceptable ! Il faut que le Gouvernement s'adresse directement à la direction de Saint-Louis Sucre, pour savoir si elle envisage sérieusement la disparition de l'entreprise.
Quant à votre réponse pour le cas où cette éventualité se concrétiserait, elle est stupéfiante. Vous avalisez a priori la disparition de Saint-Louis Sucre de Marseille, alors que cette entreprise, comme j'en ai fait la démonstration, n'a aucunement besoin d'être supprimée, y compris du point de vue de la rentabilité du capital. C'est tout aussi inacceptable !

CR 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O