FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 181  de  M.   Fabius Laurent ( Socialiste - Seine-Maritime ) QG
Ministère interrogé :  écologie
Ministère attributaire :  écologie
Question publiée au JO le :  21/11/2002  page : 
Réponse publiée au JO le :  21/11/2002  page :  5360
Rubrique :  transports par eau
Tête d'analyse :  transports maritimes
Analyse :  hydrocarbures. navires. sécurité. politiques communautaires
DEBAT :

NAUFRAGE DU PÉTROLIER PRESTIGE

    M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste.
    M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, le naufrage du pétrolier « poubelle » appelé, de façon provocante, le Prestige, nous interpelle tous. Ce sont 77 000 tonnes de fioul, c'est-à-dire trois fois plus que pour l'Erika, qui vont souiller les côtes de Galice assurément, celles du Portugal probablement, et peut-être les côtes françaises. Des dégâts très graves vont être occasionnés à la faune, à la flore, à l'écologie. Et tout cela après combien de catastrophes ? L'opinion publique ne comprend pas, ou plutôt elle comprend que, quelles que soient les règles, dans ce domaine le souci du profit l'emporte sur tout, hélas ! Je suis sûr que le Gouvernement a pris, ou va prendre, toutes les mesures nécessaires pour éviter que nos côtes soient souillées.
    M. François Goulard. Il a fait preuve de plus d'énergie que le précédent, en tout cas !
    M. Laurent Fabius. Je souhaite néanmoins avancer trois propositions sur lesquelles je souhaiterais connaître votre avis, monsieur le Premier ministre.
    D'abord, êtes-vous prêt à demander - peut-être l'avez-vous déjà fait ! - une réunion d'urgence du Conseil des ministres européen, afin d'accélérer l'application des bonnes décisions prises, à l'initiative de la France, après la catastrophe de l'Erika ? Je pense en particulier à la création d'une agence de sécurité maritime et à la constitution de garde-côtes.
    Ensuite, lorsque l'on se penche sur ce scandale, on s'aperçoit que le montage juridique est d'une complexité incroyable - interviennent le Liberia, les Bahamas, la Russie, la Roumanie et d'autres pays encore - et qu'il a un seul objectif : que la responsabilité de l'armateur, de l'affréteur, du donneur d'ordres n'apparaisse pas. Dès lors, la France veut-elle prendre l'initiative de proposer que, désormais, ce soit cette responsabilité-là qui soit directement engagée ?
    Enfin, en attendant que l'ordre juridique international permette une vraie sécurité maritime mondiale, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à proposer que, comme l'ont fait les Etats-Unis, après le naufrage de l'Exxon Valdes, les pays membres de l'Union européenne n'acceptent désormais dans leurs eaux territoriales que les bateaux répondant aux normes sociales et de sécurité qu'ils définiront, ce qui signifierait mettre fin aux abus des pavillons de complaisance directs et indirects ?
    Monsieur le Premier ministre, la solidarité vis-à-vis des populations concernées est partagée sur tous ces bancs, mais il faut aller plus loin. Les propositions que je viens de résumer ont pour but de faire en sorte que notre coin de planète ne soit plus une poubelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le Premier ministre, nous partageons complètement votre rage et votre indignation concernant la nouvelle catastrophe écologique occasionnée par un pétrolier poubelle, le Prestige. J'ai répondu hier à votre collègue Deflesselles sur l'aide que nous avions apportée à l'Espagne et sur les mesures de prévention que nous mettons d'ores et déjà en oeuvre dans notre pays pour parer à toute éventualité. Avec mon collègue Dominique Bussereau, bien évidemment, j'étudie les mesures à long terme dont vous nous parlez et qui sont absolument nécessaires. Celles-ci relèvent à la fois de l'Organisation maritime mondiale et de l'Union européenne.
    S'agissant de l'Organisation maritime mondiale, il faut bien entendu améliorer les normes techniques des navires - le processus est engagé -, renforcer le rôle des sociétés de classification et améliorer les conditions de travail des marins car c'est d'eux que dépend la sécurité des navires. Quant aux fonds du FIPOL, ils ont été augmentés et, en cas de catastrophe, le fonds d'indemnisation a été porté de 1,2 milliard à 1,8 milliard de francs.
    S'agissant des mesures communautaires, le « paquet » Erika I prévoit le renforcement des mesures d'inspection. Dans l'attente de l'embauche de tous les inspecteurs nécessaires, mon collègue Dominique Bussereau a demandé à de jeunes retraités de la marine marchande (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), dont on connaît les compétences, d'assurer jusqu'en 2003 ce rôle d'inspection des navires qui entrent dans les ports de l'Union européenne. Car vous avez raison, monsieur le député, il nous faut renforcer ces contrôles et faire en sorte que 25 % des navires qui entrent dans les ports de l'Union européenne soient contrôlés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mais nous devons maintenant passer au paquet Erika II. C'est le sens des mesures qui ont été adoptées par le Conseil des ministres européen, le 27 juin dernier. La France s'est alors montrée très active pour que l'agence de sécurité maritime soit enfin mise sur pied et pour parfaire les techniques de suivi du contrôle maritime. Certes, les mesures européennes n'auraient pas concerné le pétrolier Prestige, mais il faut compter aussi avec les mesures prises au niveau mondial.
    Ce matin, en conseil des ministres, le Président de la République a rappelé son entière mobilisation sur le sujet. Il a décidé, comme vous le souhaitez, monsieur Fabius, de mettre cette affaire à l'ordre du jour du sommet franco-espagnol de Malaga et du sommet de Copenhague du 12 décembre, c'est-à-dire dans quelques jours. D'ores et déjà, en marge du sommet de l'OTAN, il en parle avec M. Shröder, le chancelier allemand. Vos préoccupations sont donc prises en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

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