FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 182  de  M.   Sicre Henri ( Socialiste - Pyrénées-Orientales ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  03/03/2003  page :  1488
Réponse publiée au JO le :  05/03/2003  page :  1495
Rubrique :  retraites : fonctionnaires civils et militaires
Tête d'analyse :  annuités liquidables
Analyse :  bonification pour enfants. égalité des sexes. application
Texte de la QUESTION : M. Henri Sicre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie concernant un arrêt du 20 novembre 2001 de la Cour de justice de la Communauté européenne et une décision du Conseil d'Etat du 29 juillet 2002. En effet, l'article n° 12 b du code des pensions civiles et militaires des retraites (loi du 13 juillet 1982) stipule que le calcul de la pension fait l'objet d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant, dont le bénéfice est réservé aux femmes fonctionnaires. Les deux arrêts précédemment cités pourraient laisser penser que les hommes peuvent faire dorénavant une demande similaire, ce qui n'est pas le cas. Le délai de forclusion (article L. 55) est d'un an, il interdit le bénéfice d'une revalorisation de leur pension. Il lui demande la rédaction d'une circulaire administrative visant à ne pas appliquer le délai de forclusion pour les personnels touchés.
Texte de la REPONSE :

ÉGALITÉ ENTRE HOMMES ET FEMMES
FONCTIONNAIRES POUR L'ATTRIBUTION
DE LA BONIFICATION DE PENSION POUR ENFANTS

    M. le président. La parole est à M. Henri Sicre, pour exposer sa question, n° 182, relative à l'égalité entre hommes et femmes fonctionnaires pour l'attribution de la bonification de pension pour enfants.
    M. Henri Sicre. Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai déjà attiré son attention par voie de question écrite sur les modes de calcul des pensions de retraite des fonctionnaires et les conséquences de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 29 juillet 2002.
    Aux termes du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires des retraites, tel qu'il découle de la loi du 13 juillet 1982, le calcul de la pension fait l'objet d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant, dont le bénéfice est réservé aux femmes fonctionnaires.
    A la suite d'un arrêt du 20 novembre 2001 de la Cour de justice des Communautés européennes, le Conseil d'Etat a jugé qu'une telle disposition était incompatible avec le principe d'égalité des rémunérations, tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale.
    On pourrait donc penser que les agents masculins qui solliciteront désormais leur admission à la retraite, et dont les pensions sont régies par les dispositions dudit code, seront fondés à bénéficier d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant, et que les régularisations seront de droit.
    Or tel n'est pas le cas. En effet, le délai de forclusion - article L. 55 dudit code - s'oppose à ce que soit accordé aux agents pensionnés depuis plus d'un an le bénéfice d'une revalorisation rétroactive de leur pension qui tiendrait compte de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant.
    Aussi ai-je demandé à M. le ministre de l'économie et des finances de bien vouloir abroger l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires des retraites. Son refus de supprimer cet article et surtout les motifs invoqués à l'appui de cette décision ne me semblent pas suffisamment étayés. En effet, ceux-ci se fondent sur le fait, d'une part, que les pensionnés disposent d'une année pour demander la révision de leur retraite et que la suppression de cet article ne ferait qu'accroître les disparités entre les personnels relevant du code des pensions civiles et militaires et les personnes dépendant du régime général de l'assurance vieillesse, et, d'autre part, que ma demande apparaît malvenue dans la mesure où elle pourrait aggraver le déséquilibre croissant de nos régimes de retraite.
    Le problème, monsieur le secrétaire d'Etat, est que ces arguments ne répondent ni à l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes ni au principe de régularité des rémunérations entre hommes et femmes. Ajoutons qu'ils ne tiennent pas compte du fait que les agents ne sont pas ou sont mal informés de la totalité de leurs droits, ce qui pourrait être considéré comme une faute de service susceptible d'entraîner réparation par l'Etat, quel que soit le délai écoulé entre la naissance du préjudice et sa mise au jour.
    Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me faire savoir si le Gouvernement envisage de rédiger une circulaire administrative demandant aux services concernés de ne pas appliquer le délai de forclusion d'un an pour les personnels touchés et qui n'en étaient pas ou en étaient mal informés au moment de la cessation de leur activité.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, la Cour de justice des Communautés européennes a effectivement été amenée à examiner le problème posé par la bonification pour enfants prévue à l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraites. Elle a considéré, dans l'arrêt Griesmar du 29 novembre 2001, que son bénéfice aux seules femmes fonctionnaires était contraire au principe communautaire d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes. Ce jugement a du reste été confirmé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 juillet 2002.
    Avant de répondre précisément à votre question, je tiens au préalable à appeler votre attention sur la portée de cette jurisprudence.
    Premièrement, celle-ci concerne en fait l'ensemble des discriminations fondées sur le sexe qui existent actuellement dans le code des pensions, mais également dans les autres régimes spéciaux de retraite.
    Deuxièmement, outre les bonifications pour enfant que vous mentionnez, ces régimes prévoient également des dispositions plus favorables en matière de départ anticipé pour les mères de trois enfants après quinze ans de service et de pension de réversion. C'est là, vous en conviendrez, une vaste question. Autrement dit, l'idée d'un éventuel assouplissement du délai de forclusion d'un an que vous évoquez pour la bonification pour enfant doit être appréciée au regard d'un contexte plus large.
    En l'état actuel des choses, il ne paraît pas possible de déroger par une circulaire administrative à une disposition de nature législative. L'interprétation du Conseil d'Etat est par ailleurs très claire sur ce point, et elle vient d'être rappelée dans un arrêt Lucet en date du 29 janvier 2003 : « Le délai de forclusion mentionné à l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'applique de la même manière aux demandes de pensions qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne. »
    Afin de répondre au problème de principe posé par la jurisprudence, le Gouvernement examine avec soin les adaptations législatives souhaitables et nécessaires, lesquelles devraient figurer dans le projet de loi sur les retraites qu'il soumettra prochainement à votre assemblée. Dans cette perspective, plusieurs critères pourraient être pris en compte dans les réflexions sur les évolutions de la législation en la matière afin de répondre aux objectifs que nous souhaitons assigner à moyen terme aux avantages familiaux en matière de retraite, à savoir l'objectif d'équité pour ne pas accroître, mais bien, autant que possible, réduire les disparités entre régimes en matière d'avantages familiaux et conjugaux, mais également l'objectif de sauvegarde de nos régimes de retraite par répartition. Ce dossier ne peut cependant être traité que dans le cadre global de la réforme des retraites en vue de laquelle une concertation a été engagée par le Gouvernement.
    M. le président. La parole est à M. Henri Sicre.
    M. Henri Sicre. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat. Ma question, il est vrai, n'avait d'autre intérêt que de faire préciser par le Gouvernement la réponse qu'il avait déjà apportée à une question écrite. Je comprends bien qu'une circulaire ne saurait, vous l'avez dit, modifier en quoi que ce soit un texte de nature législative. Mais il faut aussi reconnaître que le texte législatif, qui instaure un droit de forclusion, est dans bien des cas inadapté dans la mesure où les demandeurs n'avaient pas connaissance de cette possibilité.
    Je prends donc note et acte que ce point particulier sera traité prochainement, à l'occasion du grand débat sur les retraites. Les organisations qui m'ont sollicité pour poser cette question et qui liront attentivement votre réponse attendront donc vraisemblablement ce moment avec beaucoup d'impatience.

SOC 12 REP_PUB Languedoc-Roussillon O