RESSORT ET COMPÉTENCE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-GAUDENS, EN HAUTE-GARONNE
M. le président. La
parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour exposer sa question, n° 183, relative au ressort et à la compétence du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, en Haute-Garonne.
M. Jean-Louis Idiart.
Monsieur le président, je voudrais attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur un point particulier de l'organisation de la justice en Haute-Garonne.
Depuis de longues semaines, le ressort du tribunal de grande instance de Toulouse connaît une grève des avocats, qui s'explique par la mauvaise organisation des locaux et de l'intendance, mais aussi par la surchage de travail pesant sur ce tribunal.
A côté de ce grand tribunal de grande instance qu'est celui de Toulouse, il y a celui de Saint-Gaudens, plus au sud du département de la Haute-Garonne. Ce département a une configuration géographique particulière et il s'étend, du nord au sud, sur plus de cent quatre-vingts kilomètres. Cette situation explique l'existence de deux tribunaux de grande instance.
L'importance économique du pôle toulousain génère un contentieux complexe et le traitement judiciaire de procédures lourdes, qui nécessitent un soin et un temps qui ne permettent pas aux magistrats qui en ont la charge d'accélérer le déroulement des autres dossiers. Or ces autres dossiers plus courants revêtent pourtant la plus grande importance dans la vie privée et quotidienne des justiciables, qu'il s'agisse de divorces, d'affaires patrimoniales ou du droit de la propriété, par exemple.
Dans ces conditions et quels que soient les efforts des magistrats et des fonctionnaires qui le composent, le surencombrement du tribunal de Toulouse induit des lourdeurs de gestion et d'organisation se traduisant par des dysfonctionnements et des délais de jugement parfois très longs.
Autre élément à prendre en considération : le tribunal de Toulouse entre dans la phase active des travaux de sa complète restructuration, qui doivent durer entre cinq et dix ans, si j'en crois les différentes déclarations des uns et des autres. Ces travaux se réaliseront par tranches. Par voie de conséquence, le fonctionnement du tribunal deviendra encore plus erratique, et pour une durée supérieure à cinq ans.
Le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens est de dimension plus modeste. Les juridictions saint-gaudinoises connaissent un fonctionnement respectant des délais raisonnables de traitement des dossiers.
La réflexion engagée conduit à la conclusion que la saine et logique utilisation des moyens existants consisterait non à supprimer ce qui fonctionne correctement pour alourdir ce qui pose déjà des problèmes, mais à alléger l'ensemble connaissant le plus de difficultés par le biais d'un transfert de compétences vers l'unité la moins chargée. Ce transfert de compétences serait très facile à envisager. Il suffirait d'étendre le ressort du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens vers le nord en lui rattachant l'ensemble ou une partie des cantons du ressort du tribunal d'instance de Muret.
Un tel transfert est déjà en vigueur pour un certain nombre de services, tels que ceux des finances ou ceux de l'Office national des forêts.
Cette proposition a suscité, dans un premier temps, l'accord de la cour d'appel de Toulouse, qui a eu l'occasion d'affirmer clairement sa position, de l'association des maires des communes de Haute-Garonne qui ont adopté le projet, du conseil général de Haute-Garonne qui a inscrit ce voeu à son ordre du jour et en a délibéré. De plus, ce dernier a acquis des locaux voisins du tribunal de Saint-Gaudens afin de les mettre à la disposition du tribunal de grande instance. Il s'est même engagé à réaliser les travaux. Face à une telle détermination, il faut saisir cette occasion de faire réaliser des économies à l'Etat !
Les justiciables domiciliés dans les cantons énumérés précédemment ne seraient aucunement pénalisés par ce transfert de compétences. Il ne serait évidemment pas question de supprimer le tribunal d'instance de Muret, qui continuerait à exister sans modification de son ressort et de ses compétences actuelles.
Enfin, pour répondre aux demandes des juridictions de Saint-Gaudens, Toulouse et des justiciables du sud du département, il serait opportun de créer une juridiction des mineurs et que le tribunal correctionnel de Saint-Gaudens voie la création d'un poste et l'affectation d'un magistrat du siège. La présence de ce juge pour enfants permettrait d'éviter à des familles, souvent en difficulté, de devoir se rendre à Toulouse. Cette nomination permettrait également de résoudre le problème d'organisation des audiences collégiales du tribunal correctionnel.
Monsieur le ministre, nous plaidons cette cause depuis déjà trois ou quatre années, avec l'accord des uns et des autres sur le terrain. Il suffirait d'un petit coup de pouce. Le simple fait que la Chancellerie ouvre ce dossier permettrait de trouver des solutions qui soient profitables à tout le monde.
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué à la famille.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de Dominique Perben, garde des sceaux, empêché, qui aurait souhaité vous apporter lui-même cette réponse.
La géographie particulière du département de la Haute-Garonne peut, certes, susciter des demandes de réorganisation comme celle du rattachement des cantons du ressort du tribunal d'instance de Muret, partie du tribunal de grande instance de Toulouse, au tribunal de grande instance de Saint-Gaudens.
L'analyse de cette demande déjà réalisée, puisque régulièrement réitérée, a conduit à constater que les déplacements des habitants des communes concernées se font principalement vers Toulouse, notamment en matière professionnelle. La proposition de modification que vous suggérez serait donc contraire aux habitudes locales de circulation des personnes et, de fait, rendrait la justice moins accessible et les trajets plus onéreux. Dès lors, il n'est pas acquis qu'une telle modification emporte l'adhésion non seulement des justiciables, mais aussi des acteurs judiciaires, notamment dans le ressort du tribunal de grande instance de Toulouse.
Par ailleurs, s'agissant de la création d'un tribunal pour enfants à Saint-Gaudens, la mise en oeuvre d'une politique globale en matière de protection judiciaire de la jeunesse conduit la Chancellerie à privilégier le renforcement des effectifs des juridicitions des mineurs existantes afin de favoriser la tenue d'audiences foraines sur tout le département.
La répartition des emplois de juges des enfants créés en loi de finances est effectuée au terme du recoupement de plusieurs critères objectifs d'analyse des situations locales. Sont retenus principalement le nombre de mineurs par juge des enfants, la particularité d'une agglomération de forte densité dans un département site prioritaire de politique de la ville, ainsi que les perspectives de l'évolution démographique.
Ces critères, qui ont abouti à la création de quinze nouveaux tribunaux pour enfants, en avril 2002, n'ont pas conduit à retenir Saint-Gaudens comme site prioritaire. Le ministre de la justice n'envisage pas, à ce stade, d'aller au-delà de la mesure prise avant d'avoir fait un bilan de ces créations qui seront effectives à partir du 1er septembre 2003.
Cependant, la loi d'orientation et de programmation pour la justice institue, conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, des juges de proximité. Certains d'entre eux, spécialement habilités à cet effet, auront, pour les mineurs, la possibilité de prononcer une admonestation, d'ordonner une mesure de répararation ou d'infliger une amende. Le juge de proximité validera également les mesures de composition pénale. Ces juges contribueront ainsi à un meilleur traitement de la « petite délinquance » qui préoccupe à juste titre nos concitoyens et, naturellement, leurs élus.
M. le président. La
parole est à M. Jean-Louis Idiart.
M. Jean-Louis Idiart.
Monsieur le ministre, il me semblait pourtant que la France avait une politique d'aménagement du territoire ! Il faudrait le rappeler à la Chancellerie ! Il se trouve que, lorsque l'on est à Muret, il faut plus de trois quarts d'heure pour aller à Toulouse et moins d'une demi-heure pour aller à Saint-Gaudens. Alors, je comprends bien que M. le garde des sceaux ne soit pas venu lui-même vérifier sur le terrain, mais c'est une réponse de technocrates, et poussiéreux par-dessus le marché (Sourires), que vous venez de me lire ! Ceux qui l'ont rédigée ne comprennent pas très bien comment les choses sont organisées sur notre territoire.
Par ailleurs, la nomination d'un juge supplémentaire à Saint-Gaudens, qui serait juge pour enfants et participerait à la structure collégiale du tribunal de grande instance, permettrait non seulement de réaliser des économies de moyens, mais aussi de traiter plus rapidement les dossiers et de satisfaire les justiciables.
Je comprends d'autant moins la réponse que l'on nous fait que ce dossier a été constitué en étroite liaison avec les structures de la justice sur le plan local, avec le premier président de la cour d'appel, le tribunal de Saint-Gaudens et tous ceux qui sont partie prenante. La seule réserve pourrait venir du côté des avocats, et je reconnais que cette question n'arrive pas au bon moment puisqu'ils sont en grève et qu'il ne faut pas trop les contrarier. Mais je vous demande solennellement ici, monsieur le ministre, de nous obtenir une audience auprès de M. le garde des sceaux pour que nous puissions défendre ce dossier.
En effet, ce que nous disons aujourd'hui vaut pour la justice, pour l'ensemble des services. C'est là une question de volonté politique et je compte sur votre médiation pour que nous soyons entendus par la Chancellerie. Je vous signale en outre que cette demande transcende les clivages partisans !
M. Alain Néri. Elle est oecuménique !
M. le président. Monsieur Idiart, votre oecuménisme vous a fait dépasser votre temps de parole !
M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas moi qui ai parlé d'oecuménisme !