DEBAT :
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PERQUISITIONS DANS LE MONDE DE LA PRESSE
M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.
M. Michel Françaix. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne les perquisitions effectuées, durant toute une matinée, à l'hebdomadaire Le Point, au quotidien L'Équipe et aux domiciles de journalistes, par des fonctionnaires de police et de justice agissant en grand nombre et saisissant des disques durs d'ordinateurs et des dossiers. Irruption choquante et déviance regrettable au regard du droit de la presse ! Est-il besoin de vous préciser que je n'ai pas été convaincu par la réponse quelque peu gênée de M. le garde des sceaux à l'excellente question de notre collègue Martin-Lalande, renvoyant dos à dos les principes du secret de l'instruction et de la protection des sources ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Claude Goasguen. Et les écoutes, dont vous êtes des spécialistes ?
M. Michel Françaix. Quant au silence du ministre de la communication, il fut assourdissant ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le journaliste et le juge sont tous deux à la recherche de la vérité, mais, bien qu'ils n'exercent pas le même métier - chacun le sait -, sur la question des sources journalistiques, aucun compromis n'est possible. L'article 109 du code de procédure pénale stipule que " tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine ". De plus, deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme soulignent que la protection des sources est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse et condamnent de telles perquisitions et de telles saisies.
M. Claude Goasguen. Cela n'a rien à voir !
M. Michel Françaix. Monsieur le Premier ministre, n'y a-t-il pas un paradoxe à voir certains juges pourfendre les journalistes " fauteurs de fuite " quand d'autres juges écrivent des ouvrages à succès qui violent à toutes les pages le secret de l'instruction ? (" C'est vrai ! " sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Claude Goasguen. Vous êtes bien placés pour en parler !
M. Michel Françaix. Dans ces conditions, comment entendez-vous à l'avenir rappeler certains magistrats au respect de la légalité républicaine ? Ces perquisitions dépassent les simples escarmouches qui opposent régulièrement la presse et la justice. Si de telles pratiques devaient faire école, elles finiraient par entraver gravement la liberté d'informer en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Françaix, vous avez vous-même rappelé ma réponse, hier, à la question de M. Martin-Lalande. Le sujet que vous évoquez mérite mieux, me semble-t-il, qu'une démarche polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Maxime Gremetz. C'est comme le référendum !
M. le garde des sceaux. Comme il arrive quelquefois, nous assistons dans cette affaire à la confrontation de deux grands principes juridiques - vous le savez très bien, monsieur le député. Ces perquisitions ont naturellement suscité parmi vous une légitime émotion et je n'ai pu, comme vous, m'empêcher de réagir personnellement aux conditions dans lesquelles elles ont pu être effectuées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous en prie, un tel sujet mérite d'être traité avec sérieux !
Je m'en tiendrai à la règle que je me suis toujours fixée en la matière : je ne commenterai pas davantage une affaire qui est en cours d'instruction.
Sur le fond, je rappelle que si les journalistes ont un droit à la protection de leurs sources - il s'agit d'un droit inaliénable qui est une des conditions de la liberté de la presse -, il existe dans notre pays une autre règle, le secret de l'instruction, qui permet de protéger la présomption d'innocence. Ce principe doit être autant respecté que le précédent. C'est la raison pour laquelle nous devons, au-delà de cette affaire, poursuivre les discussions que j'ai déjà engagées avec la Fédération de la presse française en vue d'établir une combinaison plus satisfaisante de deux principes en apparence contradictoires. J'aurai l'occasion d'évoquer devant la représentation nationale les conclusions auxquelles ne manquera pas d'aboutir cette concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
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