PERSPECTIVES DES INFRASTRUCTURES
AÉROPORTUAIRES PARISIENNES
M. le président. La
parole est à Jean-Pierre Blazy, pour exposer sa question, n° 184, relative aux
perspectives des infrastructures aéroportuaires parisiennes.
M. Jean-Pierre Blazy.
Monsieur le secrétaire d'Etat aux transports, j'avais réagi plutôt vivement à la
décision du Gouvernement de revenir sur le choix du gouvernement précédent qui,
à la suite d'un débat public, avait retenu le site de Chaulnes pour
l'implantation d'un troisième aéroport parisien. Cette décision suscite en effet
beaucoup d'inquiétude en Ile-de-France, et pas seulement dans le Val-d'Oise, une
inquiétude d'autant plus vive que le nouveau gouvernement a également considéré
que le plafond annuel de 55 millions de passagers à Roissy -
Charles-de-Gaulle était irréaliste, remettant ainsi en cause un autre engagement
de son prédécesseur.
A ce sujet,
le conseil d'administration d'Aéroports de Paris, qui reste jusqu'à nouvel ordre
un établissement public, a récemment diffusé une note interne indiquant que
Roissy pourrait recevoir jusqu'à 80 ou 90 millions de passagers, ce qui
correspond à plus de 700 000 mouvements annuels. Pour les riverains et en
termes d'environnement, il convient en effet, nous en sommes d'accord, de
s'exprimer en nombre de mouvements et non de passagers.
Dans le même temps, et à votre
initiative, l'Assemblée nationale a constitué une mission d'information sur le
développement aéroportuaire de la France, qui réfléchit à nouveau sur
l'opportunité - à mon sens, déjà démontrée - de créer un troisième
aéroport dans le Grand Bassin parisien. Alors que la représentation nationale
travaille sur la question, je trouve assez choquant que le conseil
d'administration d'un établissement public annonce d'ores et déjà, comme si le
débat était tranché, la capacité de Roissy - Charles-de-Gaulle d'accueillir
jusqu'à 700 000 mouvements annuels. Comment expliquez-vous que,
parallèlement aux travaux de la mission d'information parlementaire et aux
mesures de restriction de l'exploitation prises par le précédent gouvernement et
par vous-même, notamment les mesures les plus récentes concernant les vols de
nuit qui vont être mises en oeuvre prochainement, la direction d'Aéroports de
Paris envisage d'ores et déjà, de sa propre autorité, le déplafonnement de
l'aéroport ?
Pouvez-vous nous
rassurer en nous certifiant qu'il n'y a pas de double langage ? A quelle
échéance le Gouvernement compte-t-il clarifier sa position quant à la création
du troisième aéroport, au-delà de la remise en juin prochain du rapport de la
mission d'information parlementaire ? A-t-il l'intention de desserrer le trafic
de fret en le déplaçant pour partie sur Vatry, comme l'avait proposé le
gouvernement précédent, afin de réduire réellement le nombre de mouvements la
nuit et les nuisances que doivent supporter les riverains de Roissy et les
habitants de l'Ile-de-France ?
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Monsieur le député, c'est un sujet dont nous avons déjà longuement débattu
ensemble. Une note interne d'Aéroports de Paris n'a pas, vous le savez bien, de
valeur juridique. Certes, la possibilité existe, sur le papier, avec les deux
pistes existantes et les deux autres pistes dont le gouvernement précédent a
décidé la réalisation, de porter le trafic de Roissy à 80 millions de
passagers. Cela va de soi puisque, avec deux pistes seulement, l'aéroport de
Londres Heathrow atteint déjà ce seuil. Mais vous savez bien que la question
n'est pas là et qu'elle se pose en termes de susceptibilité environnementale.
Vous vous êtes souvent fait le porte-parole des défenseurs de l'environnement et
le Gouvernement, dans ce domaine, n'a pas deux langages.
J'ajoute que cette note n'a pas
plus de valeur que l'engagement de fixer le plafond à 55 millions de
passagers, parole verbale qui ne reposait sur aucun fondement juridique.
Depuis la mise en place du
Gouvernement, Gilles de Robien a rencontré un très grand nombre d'élus -
dont vous-même, naturellement -, d'associations et de professionnels. A
l'issue de ces rencontres ont été présentées, le 25 juillet dernier, un
certain nombre d'orientations pour un développement durable des aéroports
parisiens.
Pour la plate-forme
de Roissy - Charles-de-Gaulle un objectif clair a été fixé en termes de gêne
sonore. Il est évident, en effet, que le critère pris en compte ne doit pas être
le nombre de passagers, mais le bruit causé par les appareils. Un nouvel
indicateur, fondé sur des bruits mesurés et pondérant le bruit des mouvements
effectués en soirée et de nuit, sera donc institué. Le projet d'arrêté préparé
en ce sens a reçu l'avis favorable de la commission consultative de
l'environnement de l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle, instance dont vous
faites partie, et de l'ACNUSA, autorité de contrôle à la création de laquelle
vous avez activement participé. L'arrêté a été signé. Il plafonne le nouvel
indicateur à sa valeur moyenne des années 1999, 2000 et 2001. Il a été publié au
Journal officiel le 23 février.
Vous savez également que des
mesures de restriction d'usage sont en cours de mise au point ; elles concernent
le retrait des avions les plus bruyants et la réduction des vols de nuit. La
Poste vient d'annoncer qu'elle renonçait à un certain nombre de ses vols de nuit
à la suite des décisions prises par le Gouvernement, ce qui suppose
l'utilisation d'autres plates-formes aéroportuaires. Vous avez cité Vatry et
vous avez raison ; ce peut être aussi Châteauroux, aérodrome également
spécialisé dans le trafic de fret, qui peut être organisé différemment.
S'agissant de l'opportunité d'une
nouvelle plate-forme aéroportuaire, vous avez rappelé que la commission des
affaires économiques, sous l'égide de son président, Patrick Ollier, a mis en
place une mission d'information parlementaire, présidée par François-Michel
Gonnot et dont le rapporteur est Yannick Favennec. Elle remettra ses conclusions
au Gouvernement au plus tard à la fin du mois de juin. Son rapport donnera lieu
à un débat dans le pays et ici-même. Le Gouvernement prendra ensuite, le moment
venu, ses responsabilités.
Vous
savez très bien, monsieur le député, que l'on peut vouloir à la fois développer
les aéroports parisiens et respecter les populations avoisinantes, dont vous
vous êtes souvent fait le porte-parole. Mais l'on doit aussi, naturellement,
développer les aéroports en région et les aéroports de fret. Il faudra trouver
une solution qui, selon ce que proposera la mission parlementaire, reposera sur
la complémentarité de l'ensemble des plates-formes aéroportuaires de notre
pays.
M. le président. La
parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse. Nous sommes
bien évidemment d'accord pour dire que le plafonnement du trafic doit être
exprimé non pas en nombre de passagers, mais en nombre de mouvements. Il reste
que si l'on veut donner un sens à l'expression « développement durable »,
s'agissant du transport aérien, on ne saurait développer un aéroport de façon
illimitée et non maîtrisée. Cela vaut pour les aéroports parisiens, mais aussi
pour d'autres en province. Des problèmes environnementaux se posent également à
Nice, on vient de le voir, ou encore à Lyon.
L'Ile-de-France en est au stade de
la saturation environnementale. Mais comme personne ne songe à remettre en cause
l'avenir du transport aérien, il faut arbitrer entre des nécessités
contradictoires. C'est la raison pour laquelle je défends l'idée d'un troisième
aéroport dans le Grand Bassin parisien, décision courageuse sur le plan
politique et qui doit être prise sans plus tarder, car il faut du temps pour
construire un aéroport. En même temps, une autre décision courageuse s'impose
sur la question des vols de nuit. Et comme, la nuit, c'est le trafic de fret qui
se développe de plus en plus, il faut envisager le développement d'aéroports
situés à la campagne, comme celui de Vatry, afin de concilier l'exigence
économique et l'exigence environnementale.