Texte de la QUESTION :
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M. Jacques Bascou appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la réduction des moyens pédagogiques qui menace de détruire le système actuel de l'éducation prioritaire. Sous prétexte d'actualiser la carte de l'éducation prioritaire, les rectorats d'académies sont en train de la remettre en cause à l'horizon de la prochaine année scolaire 2007-2008. Des réseaux d'établissements disposant depuis des années de moyens pédagogiques supplémentaires dans certaines zones défavorisées socialement disparaîtraient subrepticement. De nouveaux critères de professions et catégories sociales défavorisées permettraient surtout de réaffecter ces moyens sur des collèges récemment classés « ambition réussite », selon la technique du déshabiller Pierre pour habiller Paul. Un an après la déclaration de M. le ministre de l'intérieur, président de l'UMP, affirmant en décembre 2005 : « il faut déposer le bilan des ZEP », son souhait semble en cours de réalisation. Il avait pourtant fait à l'époque l'objet des réactions étonnées du ministre, puisque celui-ci s'interrogeait : « Sans l'éducation prioritaire, que seraient nos quartiers aujourd'hui ? » Cette cacophonie gouvernementale avait alors permis à Nicolas Renard, président de l'Observatoire des zones prioritaires (OZP), association de professionnels et d'experts des ZEP, de rappeler : « Quand il dit que la politique des ZEP a échoué, c'est trop rapide : il y a une vraie question en termes de résultats, mais il y a des endroits qui ont très bien travaillé, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. » Une ZEP qui a bien travaillé, qui fonctionne à la satisfaction de tous, c'est celle du quartier Saint-Jean-Saint-Pierre à Narbonne. Elle est souvent citée en exemple au niveau national comme un modèle pour le vivre ensemble, la mixité et la paix sociale, la confiance des parents, l'engagement des enseignants. Cette ZEP a été une des premières en 1982. Des efforts soutenus y restent toujours justifiés aujourd'hui, puisque le secteur, avec nombre de logements sociaux à rénover, a été classé en zone urbaine sensible (ZUS) en 1996, puis plus récemment en zone de rénovation urbaine (ZRU), où l'État, par ailleurs, tarde à honorer ses promesses, en diminuant les crédits de l'ANRU. C'est la réussite toujours fragile de cette ZEP qu'un plan de démantèlement de l'éducation prioritaire est en train de remettre en cause. Il lui demande s'il faudrait que ce quartier ou d'autres quartiers jusque-là tranquilles se révoltent pour être jugés prioritaires.
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Texte de la REPONSE :
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PERSPECTIVES DE LA ZEP DE SAINT-JEAN-SAINT-PIERRE A NARBONNE
M. le président. La parole est à M.
Jacques Bascou, pour exposer sa question, n° 1870, relative aux perspectives de
la ZEP de Saint-Jean-Saint-Pierre à Narbonne. M. Jacques
Bascou. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la
recherche, je voudrais évoquer la réduction des moyens pédagogiques qui menace
de détruire le système actuel de l'éducation prioritaire. Sous prétexte
d'actualiser la carte de l'éducation prioritaire, les rectorats d'académies sont
en train de le remettre en cause, à l'horizon de la prochaine année scolaire
2007-2008. Des réseaux d'établissements disposant depuis plusieurs années de
moyens pédagogiques supplémentaires dans certaines zones défavorisées
disparaîtraient subrepticement. De nouveaux critères permettraient surtout de
réaffecter ces moyens sur des collèges récemment classés " ambition réussite "
selon la technique du " déshabiller Pierre pour habiller Paul ". Cette
réforme, engagée dès l'année scolaire 2005-2006, remet en cause le socle des
zones d'éducation prioritaire, à savoir la situation sociale d'un
quartier. Ainsi la ZEP de Saint-Jean-Saint-Pierre à Narbonne, qui fonctionne
à la satisfaction de tous grâce à l'engagement des enseignants et à
l'investissement des différents acteurs associatifs et sociaux du quartier,
semble menacée. Le collège Georges-Brassens accueille 30 % d'élèves issus de
communes rurales voisines. Ce recrutement élargi, voulu par les élus, permet
d'assurer une meilleure mixité sociale, mais la situation réelle des familles du
quartier est plus difficile que ne le montrent les indicateurs de ce seul
collège. Par ailleurs, les résultats du collège en sixième sont améliorés grâce
aux moyens donnés aux écoles maternelles et primaires du quartier dans le cadre
de la ZEP. Une interprétation rapide des indicateurs sans prise en compte de
l'état social du quartier, classé en zone urbaine sensible, pourrait conduire à
priver le collège, mais aussi les écoles maternelles et primaires, des moyens
supplémentaires dont ils disposaient depuis 1982 grâce à la ZEP. Cette remise
en cause de la ZEP a été provisoirement suspendue pour un an à la suite d'une
forte mobilisation des élus, des enseignants et des parents d'élèves, mais la
menace demeure. Monsieur le ministre, le quartier Saint-Jean-Saint-Pierre de
Narbonne doit-il, selon vous, conserver ou voir disparaître les moyens
supplémentaires de l'éducation prioritaire ? M. le
président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement
supérieur et à la recherche. M. François Goulard,
ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur
le député, je vous présente les excuses de Gilles de Robien, qui ne pouvait être
présent ce matin pour vous répondre et qui m'a donc chargé de le faire à sa
place. Le plan de relance de l'éducation prioritaire est bien concret
puisqu'il a permis dès cette année à plus de 390 000 élèves de bénéficier de
moyens exceptionnels dans les réseaux " ambition réussite ". Les faits sont
là. Un récent rapport de l'inspection général a confirmé qu'il était plus
qu'urgent de redonner une dynamique à l'éducation prioritaire, laquelle, il faut
bien le dire, souffrait depuis plusieurs années de l'absence d'une politique
clairement définie, d'un empilement de mesures et d'un certain éparpillement des
moyens. Vous avez employé l'expression " déshabiller Pierre pour habiller Paul
". Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de concentrer les moyens là où ils sont
véritablement nécessaires. L'égalité des chances est un véritable principe
d'action. Par ailleurs, Gilles de Robien reconnaît l'engagement de tous les
personnels de l'éducation nationale dans l'éducation prioritaire. C'est pour
cela que nous avons souhaité rénover le dispositif. Pour rester efficace,
celui-ci doit s'adapter aux nouvelles réalités. C'est la raison pour laquelle le
ministre a confié aux recteurs la mission de faire évoluer les réseaux de
réussite éducative à partir des modèles que constituent les réseaux " ambition
réussite ". Rien ne se fera sans concertation avec les usagers et les
partenaires de l'école, donc les collectivités territoriales, et rien ne se fera
sans une réflexion à partir d'indicateurs objectifs et transparents ; je crois
que c'est une règle sur laquelle nous pouvons nous mettre
d'accord. Constatant que le collège Georges-Brassens et les écoles du
quartier Saint-Jean-Saint-Pierre de Narbonne, s'ils ont connu une amélioration
de leur contexte urbain et socioculturel, méritent néanmoins une attention
particulière, le recteur a décidé de les maintenir dans l'éducation prioritaire.
Je suis donc en mesure de vous dire, au nom du ministre de l'éducation
nationale, monsieur le député, qu'ils recevront à cet effet les moyens prévus au
titre de l'éducation prioritaire pour la rentrée scolaire
prochaine. M. le président. La parole est à M. Jacques
Bascou. M. Jacques Bascou. Je vous remercie de cette
réponse, monsieur le ministre. Nous étudierons la situation, mais, sans entrer
dans le débat de la diminution des moyens, que ce soit en termes de postes
équivalent temps plein au niveau national ou des postes mêmes, je voudrais
indiquer que, la semaine dernière, alors que la carte scolaire du département de
l'Aude nous était présentée, nous avons constaté que des menaces pesaient sur un
certain nombre de classes, justement de maternelles et de primaires de zones
d'éducation prioritaire. Je voudrais attirer votre attention sur la logique
des ZEP, qui est, même si cela n'a pas marché partout, de prendre en compte la
réalité sociale du quartier mais également le système scolaire dans sa
globalité, de la maternelle jusqu'au collège et lycée. C'est important. Vous
avez évoqué des rapports, mais beaucoup de rapports soulignent l'importance de
l'apprentissage de la lecture et de l'argent qui est investi dans les petites
classes. À ce titre, nous sommes inquiets de la diminution annoncée des moyens
accordés au département de l'Aude, laquelle risque de remettre en cause
l'exception audoise de la scolarisation dès deux ans. Pour les familles
défavorisées, la scolarisation progressive dès deux ans est un progrès. Je sais
qu'il y a débat, mais si la ZPE de Saint-Jean - Saint-Pierre a réussi, c'est
aussi grâce à cette approche. Une remise en cause au niveau des maternelles et
des écoles primaires risquerait d'avoir des conséquences après sur le
collège.
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