ASSUJETTISSEMENT AUX COTISATIONS
SOCIALES
DE GAINS OBTENUS PAR DES SPORTIFS
M. le président. La
parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question n° 201,
relative à l'assujettissement aux cotisations sociales de gains obtenus par des
sportifs.
M. François
Rochebloine. Monsieur le ministre des sports, j'appelle votre attention
sur les difficultés que rencontrent aujourd'hui les groupes sportifs cyclistes
professionnels ainsi que les clubs amateurs du fait d'une application étroite
par les caisses de l'URSSAF de l'article L. 242-1 du code de la sécurité
sociale qui détermine l'assiette des cotisations sociales.
Ma démarche relaye celle menée
depuis déjà un certain temps par les milieux cyclistes à la suite des procédures
de redressement engagées par les services de recouvrement de l'URSSAF à l'égard
de plusieurs équipes cyclistes professionnelles ou amateurs. Ces procédures
visent à assujettir les gains - prix et récompenses - obtenus par les
vainqueurs de courses cyclistes.
Le problème, il faut le souligner,
est relativement ancien, puisque, dès 1993, des démarches similaires ont été
entreprises, notamment par l'amicale cycliste parlementaire. Après la
publication de la circulaire interministérielle du 28 juillet 1994 et
de la circulaire ACOSS n° 94-61 du 18 août 1994 qui la complète,
nous étions en droit de penser que le problème était définitivement réglé et que
les conséquences avaient été tirées du fait que les récompenses en nature ou les
prix décernés à l'occasion de manifestations sportives ne pouvaient à l'évidence
être assimilés à des salaires. Or la question est redevenue d'actualité après
les actions engagées par les caisses de l'URSSAF. Dans la circulaire ACOSS
n° 94-61, il était pourtant, fort opportunément, précisé que « les sommes
versées comme récompense en nature ou comme prix à l'occasion de manifestations
sportives qui sanctionnent un résultat, ne doivent pas être considérées comme
des rémunérations ». En outre, une rémunération est la contrepartie d'un travail
et ne peut, dès lors, qu'être certaine dans son principe alors que les prix de
course ont un caractère aléatoire et que le cyclisme reste un sport
individuel.
On peut bien sûr
s'interroger sur le sort réservé à ce type de revenus qui, s'ils n'échappent pas
à l'IRPP, ne donnent pas lieu à retenue en matière de contribution sociale. Mais
j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences pour le
sport cycliste d'un assujettissement à cotisations sociales de ces sommes. Les
clubs ne pourraient le supporter financièrement, car par extension de la
circulaire ACOSS du 14 février 1995, ils deviendraient redevables du
versement de l'ensemble des cotisations, que le versement de la récompense se
fasse ou non par leur intermédiaire.
L'URSSAF tente de remettre en cause
le caractère individuel du cyclisme et de démontrer qu'il s'agit d'un sport
d'équipe.
Le cyclisme sur route
est un sport très populaire dans notre pays. Il a ses joies mais aussi ses
drames, comme dernièrement la chute mortelle d'Andreï Kivilev sur le Paris-Nice.
Il était un ami. Permettez-moi de saluer sa mémoire. Il comporte également de
grands moments d'émotions comme la victoire du compatriote de Kivilev,
Vinokourov, sur cette épreuve.
Le cyclisme assure un grand et beau
spectacle tout au long de l'année à l'occasion des différentes épreuves
organisées sur le territoire national. Les difficultés d'organisation sont déjà
nombreuses. N'allons pas compliquer à outrance et rendre quasiment impossibles
ces manifestations populaires. Les sommes en jeu ne me semblent pas justifier un
tel durcissement de la réglementation, surtout lorsque l'on connaît la vie de
ces sportifs.
Je suis persuadé,
monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de trouver une solution adaptée aux
spécificités de la pratique d'un sport de compétition.
Je vous remercie de bien vouloir
m'indiquer quelle action vous comptez entreprendre - en attendant qu'une
solution définitive, conforme aux attentes des milieux cyclistes, soit
trouvée - auprès des organismes de recouvrement concernés pour que ceux-ci
ne recourent pas à une nouvelle interprétation des textes qui pénaliserait
lourdement le sport cycliste ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre des sports.
M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, vous
m'avez saisi d'une question portant sur les procédures de redressement
diligentées par les services de l'URSSAF à l'encontre de plusieurs équipes
cyclistes professionnelles et amateurs, qui assujettissent aux cotisations et
contributions sociales les gains - prix et récompenses - obtenus par
les vainqueurs de courses cyclistes.
M'inquiétant, comme vous, de la
situation que vous m'avez exposée, je me suis rapproché de M. François
Fillon, ministre des affaire sociales, du travail et de la solidarité, pour
réfléchir avec lui à cette problématique.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur
le député, en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité
sociale, et comme tout employeur de personnel salarié, les clubs sportifs qui
salarient des compétiteurs, eux-mêmes affiliés au régime général des salariés,
sont tenus de verser des cotisations et contributions sociales à raison des
primes de match, prix ou primes de résultats accessoires du salaire perçus par
les sportifs à l'occasion d'un tournoi ou d'une compétition.
Toutefois, la circulaire
ministérielle du 28 juillet 1994 a prévu un dispositif de franchise de
cotisations et contributions pour les rémunérations versées à l'occasion des
manifestations sportives, à hauteur de cinq manifestations par mois pour un même
sportif et par organisateur de manifestation dont l'effectif est inférieur à dix
salariés permanents.
Cependant,
aux termes d'un document « Questions-Réponses » élaboré par le ministère des
affaires sociales, validé par le comité de suivi du statut particulier des
sportifs au regard de la sécurité sociale et diffusé par une lettre ACOSS de
février 1995, ce dispositif de franchise est réservé « aux sports
individuels quand aucune autre somme susceptible de matérialiser le lien de
subordination n'est versée au sportif pour son activité sportive ».
Ce même document prévoit une
exception au principe d'assujettissement, dont bénéficient, notamment, les
récompenses allouées aux sportifs à l'occasion des jeux Olympiques et des
épreuves finales des championnats du monde ou d'Europe organisés officiellement
par les fédérations sportives internationales.
C'est dans le cadre de cette
circulaire qu'a été examinée la situation des clubs qui font l'objet des
redressements contestés que vous évoquez, et c'est parce que les conditions
posées par cette circulaire n'étaient pas remplies que les redressements ont été
effectués.
Le litige ayant été
porté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, je ne puis que me
rapporter à l'issue juridictionnelle de cette affaire.
Cela étant, je partage votre
inquiétude. J'ai également reçu de nombreux courriers de parlementaires et de
responsables des équipes, ainsi que du président de la Fédération française de
cyclisme. Je suis prêt à ouvrir une réflexion sur cette question, à l'issue de
la procédure, et en fonction des conclusions du tribunal.
Vous en conviendrez, monsieur le
député, il nous faut attendre de savoir si le tribunal remet en cause le
principe énoncé dans la circulaire pour voir s'il peut être adapté aux primes et
récompenses perçues par les coureurs cyclistes professionnels ou amateurs.
M. le président. La
parole est à M. François Rochebloine.
M. François
Rochebloine. Je vous remercie, monsieur le ministre, des
précisions que vous venez de m'apporter.
La situation est particulièrement
difficile pour un certain nombre de clubs professionnels et amateurs. L'URSSAF
tente de démontrer, comme je l'ai dit tout à l'heure, que le cyclisme est un
sport d'équipe. Or, vous savez très bien qu'il s'agit d'un sport individuel.
Cela dit, je crois que nous sommes
tous d'accord pour trouver une solution définitive qu'aucun organisme ne puisse
remettre en cause. Pourquoi n'appliquerions-nous pas la CSG à des rémunérations
qui n'ont pas un caractère de salaire ? Cette solution vous a été suggérée par
le président de l'Amicale cycliste parlementaire, notre collègue Pierre
Goldberg, et je dois dire que j'y souscris. Elle mérite examen.
Il est beaucoup question de guichet
unique à l'URSSAF. Or celui-ci est remis en cause. Ce n'est pas le sujet du
débat, je le sais, mais c'est un problème qui s'ajoute aux autres. On pourrait
peut-être laisser les associations et les clubs plus tranquilles qu'ont ne le
fait actuellement.