Texte de la QUESTION :
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M. Armand Jung appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées. La criminalité et la délinquance organisées sont aujourd'hui transnationales, et profitent naturellement de l'ouverture des frontières au sein de UE. Pourtant, la coopération des États membres en cette matière est encore embryonnaire et ne permet pas de lutter efficacement et durablement contre ces méfaits. Ainsi, si des organes de police existent comme l'OLAF ou Europol, l'absence de contrôles suffisants, tant politiques que judiciaires, empêche l'approfondissement de leurs compétences, notamment en matière opérationnelle. De même, si la création d'Eurojust constitue une avancée, elle est loin de s'approcher de la nécessaire mise en place d'un parquet européen collégial. Enfin, la question de la création d'un ministre européen de la justice et des affaires intérieures, seul en mesure de passer d'une coopération européenne à une coordination de la lutte contre la grande criminalité, n'est toujours pas envisagée. Dans ces conditions, l'adoption d'une loi de portée nationale, destinée à lutter contre ce type de criminalité, ne peut avoir qu'un impact limité, en l'absence d'une véritable politique européenne en la matière. En conséquence, il lui demande si des démarches vont être entreprises par la France afin de stimuler la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées à l'échelon européen.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que sa question a retenu toute son attention. Il tient à rappeler que, dans la lutte contre la criminalité organisée, d'importantes avancées ont été opérées ces dernières années au sein de l'Union européenne, qui s'inscrivent dans la mise en oeuvre des conclusions du conseil européen de Tampere (15-16 octobre 1999), premier conseil de l'histoire consacré exclusivement aux questions de « justice et d'affaires intérieures ». Tout d'abord, des instruments importants, renforçant l'entraide judiciaire entre les États membres, ont été adoptés. Il en va ainsi de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000, qui, notamment, facilite l'entraide judiciaire, permet l'emploi des nouvelles technologies de communication, telles que la vidéoconférence, et autorise le recours aux nouvelles techniques d'enquête, telles que les livraisons surveillées, les écoutes téléphoniques, les enquêtes discrètes et les équipes communes. Cette convention a été complétée par un protocole additionnel du 16 octobre 2001, issu d'un projet déposé par la France, qui vise à faciliter le recueil d'informations en matière bancaire. Le Gouvernement entend engager très prochainement la procédure de ratification de ces instruments, dont les dispositions nécessitant une transposition législative ont été intégrées par anticipation au projet de loi portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité. Par ailleurs, de nouveaux mécanismes de coopération ont été introduits par l'instauration définitive de l'unité de coordination des enquêtes et des poursuites Eurojust et la mise en oeuvre progressive du principe de reconnaissance mutuelle, reposant sur le concept d'exécution directe des décisions judiciaires au sein de l'espace européen, dont témoigne l'adoption, le 13 juin 2002, de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. D'autres instruments de mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle, portant sur l'exécution des décisions de gel des avoirs et des preuves, les sanctions pécuniaires et les peines de confiscation, sont également en voie d'adoption. Enfin, ce renforcement de la coopération judiciaire entre les États membres s'accompagne d'un mouvement sans précédent d'harmonisation des incriminations et des sanctions dans plusieurs domaines relevant de la criminalité organisée, tels que le faux monnayage, le blanchiment, la traite des êtres humains, la lutte contre les filières d'immigration clandestine, la pédopornographie et l'exploitation sexuelle des enfants, la protection de l'environnement et le terrorisme. Comme le souligne l'honorable parlementaire, ces travaux doivent nécessairement être pris en compte et prolongés par une réflexion approfondie dans le cadre de la réforme des institutions européennes. Le ministre de la justice a pris une part importante dans cette réflexion et les propositions communes qu'il a élaborées avec l'Allemagne ont largement contribué aux travaux de la convention pour l'avenir de l'Europe pour la création d'un véritable espace judiciaire commun. En ce qui concerne le rapprochement des législations pénales, une liste d'infractions dont la définition et la sanction seront harmonisées a été établie afin de mieux lutter contre les formes de criminalité transnationales les plus graves. Cette définition d'« euro-crimes », qui prolonge les travaux entrepris, est une avancée considérable qui permettra de lutter sur des bases communes contre les organisations criminelles. Par ailleurs, la convention a fait le choix d'inscrire dans le traité constitutionnel le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice et l'objectif de renforcement des compétences d'Eurojust pour déclencher et coordonner des poursuites menées par les parquets nationaux. Enfin, dans un second temps, le traité prévoit que, sur décision du conseil prise à l'unanimité, Eurojust pourra devenir un véritable parquet chargé des poursuites dans des affaires de criminalité transnationale. La France défend, dans cette logique, la nécessité de reconnaître, au profit d'Eurojust, le pouvoir de coordonner les enquêtes menées par Europol, ce qui devrait favoriser le développement des compétences opérationnelles de ce dernier et assurer une plus grande efficacité dans la lutte contre la criminalité organisée. En outre, s'agissant de l'élaboration des normes en matière pénale et de la définition des politiques pénales, le garde des sceaux a défendu, plutôt que la création d'un « ministre européen de la justice et des affaires intérieures », le maintien d'un conseil spécifique en matière de justice. Ce développement des politiques pénales, qui concerne étroitement l'exercice des libertés publiques et que le ministre de la justice appelle de ses voeux, doit évidemment s'accompagner d'un véritable contrôle démocratique et d'un renforcement de la complémentarité du contrôle du Parlement européen et des parlements nationaux. Dans le même objectif, une loi européenne permettra de mieux associer les parlements nationaux et le Parlement européen à l'évaluation des activités d'Eurojust.
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