Texte de la QUESTION :
|
M. François Cornut-Gentille attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres en matière de recherche sur les biotechnologies. Si la responsabilité de la Communauté européenne est claire concernant notamment les implications pour le commerce et le marché intérieur, pour d'autres activités, notamment la définition des principes d'éthique, la responsabilité incombe plus largement aux Etats membres. Cette répartition des compétences soulève de nombreuses inquiétudes. Ainsi, rien n'interdit à la Commission européenne d'édicter à l'avenir des normes relatives au Marché unique qui remettraient en cause les règles d'éthique déterminées par les Etats membres. Ces règles d'éthique se trouvent ainsi placées sous la menace permanente de réglementations commerciales juridiquement supérieures. Compte tenu des enjeux philosophiques, scientifiques et sociaux que posent les biotechnologies, cette menace juridique est insupportable et il convient de doter les principes d'éthique d'une force juridique supérieure ou égale à celle dont sont dotées les autres règles communautaires. Or, cela remet en cause la répartition des compétences précédemment évoquées. En conséquence, il lui demande de préciser les moyens politiques et juridiques que le Gouvernement français met en oeuvre pour faire prévaloir les règles d'éthique sur toute autre considération en matière de recherche sur les biotechnologies.
|
Texte de la REPONSE :
|
La perception de la recherche dans les sciences du vivant, et plus particulièrement dans le secteur des biotechnologies. est ambivalente. Considérée à la fois comme facteur de progrès et comme facteur de risque, cette recherche nécessite la définition d'un cadre législatif et réglementaire qui permette d'allier la rigueur scientifique, la sécurité et l'exigence éthique. Le ministère chargé de la recherche a engagé plusieurs actions, aux niveaux national et international, pour définir un cadre législatif et réglementaire applicable au secteur des biotechnologies. Création des centres de ressources biologiques : les ressources biologiques soulèvent d'importantes questions juridiques et ne peuvent être considérées comme de simples marchandises. Pour répondre à l'exigence éthique. une charte déontologique des centres détenant des ressources biologiques humaines est entrée en vigueur en France. Prônant des positions éthiques très fermes et disposant par ailleurs de collections de référence reconnues pour leur qualité. la France a joué un rôle central dans les discussions multilatérales sur le sujet et a même été choisie pour assurer la coordination de la mission OCDE des centres de ressources biologiques. Cadre législatif : La Commission européenne a établi un cadre juridique fixant les règles de la brevetabilité du vivant et a publié la directive européenne 98/44/CE. Cette directive, a été critiquée par plusieurs pays européens, dont la France et l'Allemagne. Un certain nombre de dispositions de la directive. en particulier de l'article 5 qui concerne les règles applicables aux éléments issus du corps humain, a nécessité des demandes d'interprétation auprès de la commission, au cours des dernières années. L'examen concernant la transposition de l'article 5 est en cours au niveau interministériel et devrait clarifier les règles de brevetabilité. II convient de rappeler qu'en mars 2001, le Conseil européen de Stockholm a réaffirmé un certain nombre de principes concernant les biotechnologies. II a invité la Commission, en concertation avec le Conseil, « à examiner les mesures requises pour exploiter pleinement le potentiel des biotechnologies et renforcer la compétitivité de l'Europe dans ce secteur, afin de pouvoir rivaliser avec les grands concurrents, tout en veillant à ce que le processus s'effectue d'une manière qui garantisse la santé et la sécurité des consommateurs, préserve l'environnement et respecte les valeurs fondamentales et les principes éthiques communs ». Enfin, il faut noter que l'Europe souffre de sérieux handicaps en matière de propriété intellectuelle, notamment du fait de l'insuffisance d'harmonisation entre les jurisprudences des offices nationaux et des juridictions. Dans l'attente d'une transposition uniforme dans les Etats membres de la directive 98/44/CE, cette situation n'évoluera pas. De même, en l'absence d'un tribunal spécialisé en matière de brevets, la sécurité juridique restera inchangée. Le réexamen des lois de bioéthique est en cours. Le projet de loi de bioéthique, présenté en 1re lecture à l'Assemblée nationale en janvier dernier, a été voté à une très large majorité. Ce projet de loi est fondé sur la recherche d'un équilibre entre le caractère universel du patrimoine de l'humanité et l'intérêt de valoriser l'invention humaine. L'adoption de cette loi apportera le cadre législatif attendu, facilitant la recherche dans les sciences du vivant et le développement des biotechnologies, tout en intégrant les règles éthiques fondamentales. En matière de gouvernance responsable, l'application du principe de subsidiarité qui détermine la hiérarchie des responsabilités (norme nationale, norme européenne) est illustrée par le projet de loi concernant l'adoption du« protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques », qui a pour objectif de renforcer la sécurité des échanges internationaux d'organismes génétiquement modifiés (OGM), a été présenté au conseil des ministres le 22 septembre 2002 par le ministre des affaires étrangères. II permet à un Etat d'accepter, de refuser, ou de soumettre à des conditions, une demande d'importation d'OGM, après avoir procédé à une évaluation des risques dont les résultats sont centralisés dans une base de données mondiale afin de favoriser l'accès à l'information. En conclusion du Conseil de l'Europe du 26 novembre 2002, le Conseil constate que l'acceptabilité du point de vue éthique de certains domaines de la biotechnologie est liée à la diversité qui existe entre les Etats membres, et est régie par la législation nationale conformément au principe de subsidiarité. Un dialogue accru entre les organismes d'éthique de l'Union européenne, notamment le groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies, et avec le grand public devrait permettre de cerner plus facilement les différents points de vue éthiques et contribuer à une compréhension réciproque de leurs fondements et à la recherche des points sur lesquels la convergence est possible et souhaitable. La France a édicté dans le passé des règles éthiques strictes, en cours de révision, et continuera à défendre l'exigence éthique aux plans national et international. Si la détermination des principes éthiques doit demeurer de la compétence des Etats membres de l'Union européenne, il apparaît néanmoins nécessaire de rechercher une coordination entre ces Etats. Dans cette optique, une mise en réseau des comités nationaux d'éthique et une plus grande association entre le groupe européen d'éthique et le Conseil de l'Europe s'avéreraient utiles. Afin de répondre à la préoccupation des parlementaires, la France agira dans les instances communautaires comme elle l'a fait dans le passé afin que soient prises en compte à ce niveau les clauses éthiques, que la France estime indispensables et inscrites dans sa législation, dans les actions de soutien au développement des biotechnologies décidées au niveau européen.
|