SITUATION DE LA FÉDÉRATION
FRANÇAISE D'ÉQUITATION
M. le président. La
parole est à M. Yves Boisseau, pour exposer sa question n° 208,
relative à la situation de la Fédération française d'équitation.
M. Yves Boisseau.
Monsieur le ministre des sports, je souhaite appeler votre attention sur le
décret d'application de l'article 16 de la loi du
16 juillet 1984, modifié en juillet 2000, portant le numéro
2002-648 et publié le 29 avril 2002. Il toucherait gravement la
Fédération française d'équitation qui, selon ces dispositions, perdrait les deux
tiers de ses membres, ceux qui sont organisés sous forme commerciale.
A partir des années cinquante, la
diffusion des pratiques sportives modernes a démarré sous l'impulsion et avec le
soutien des collectivités locales, généralement en liaison avec le monde
scolaire. Il en a été ainsi, par exemple, pour la natation ou le judo. En
revanche tel n'a pas été le cas pour les activités équestres qui ont dû prendre
totalement en charge leur développement sous l'égide du ministère de
l'agriculture et avec l'aide du monde rural et de l'armée.
Le milieu équestre s'est ainsi
organisé en générant les professions dont il avait besoin et en se
professionnalisant. Les établissements équestres organisés sous forme
associative, qui représentaient 80 % de la filière en 1980, n'en
représentent plus que 30 % aujourd'hui puisque 70 % d'entre eux
exercent sous forme commerciale. Le paysage équestre français a ainsi
progressivement changé de nature pour mieux répondre aux besoins du public.
Dans le même temps, le nombre total
des centres équestres a triplé, l'effectif des cavaliers licenciés a quadruplé
et le monde de l'équitation de sport et de loisir s'est unifié. Rappelons
qu'environ un million de personnes pratiquent aujourd'hui le cheval dans 5
400 centres équestres adhérents de la Fédération française d'équitation.
Ils constituent une véritable filière économique qui représente plus de 30
000 emplois. Dans le Pays d'Auge, qui recouvre l'essentiel de ma
circonscription, trente structures équestres génèrent cent cinquante emplois
directs, et l'on connaît l'importance économique du monde des éleveurs.
La Fédération française
d'équitation reflète totalement la réalité du monde équestre : 80 % des
centres équestres y sont affiliés. Cela est le fruit d'un long travail
d'unification du monde équestre qui a permis de réunir l'ensemble de la filière,
c'est-à-dire l'ancienne fédération sportive, le tourisme équestre et le
mouvement poney. Cette évolution s'est appuyée sur une condition essentielle
consistant à considérer de manière identique tous les établissements équestres,
indépendamment de leur statut juridique. Or, aujourd'hui, du fait du décret
d'application du 29 avril 2002, la Fédération française d'équitation
sauf à les priver des deux tiers de ses adhérents, risque de perdre l'agrément
ministériel, les subventions, les cadres techniques d'Etat et la faculté
d'organiser officiellement les championnats de France.
En effet, l'article 16 de la
loi sur le sport de 1984 révisée en 2000 définit les groupements sportifs
pouvant être affiliés à une fédération comme des associations de la loi de 1901,
les acteurs non associatifs ne pouvant, par conséquent, pas l'être. Cette
perspective semble impensable quand on connaît le succès des cavaliers
français.
Une perte d'agrément
aurait également sur les clubs équestres des conséquences économiques certaines.
Comment, en effet, conserver l'image d'un sport de qualité et certifier que l'on
dispose d'un encadrement sérieux lorsqu'on n'a plus l'agrément de l'Etat ?
L'équitation étant un sport qui comporte des risques, les familles veillent
particulièrement aux conditions de sécurité.
Dans ces circonstances, monsieur le
ministre, le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures particulières
pour préserver l'unité et le développement de ce mouvement sportif ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre des sports.
M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, je
partage votre interrogation et votre inquiétude. En effet, la Fédération
française d'équitation - comme d'autres fédérations, c'est la même chose
pour la Fédération française de ski, par exemple - s'appuie sur des
structures commerciales pour développer une activité de base qui, en permettant
la création d'un certain nombre de filières, aboutit à l'organisation de
compétitions et à la constitution d'une équipe de France qui nous représente
au-delà de nos frontières. La situation que vous évoquée, résultant de
l'application de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984, a été
fortement critiquée lors des états généraux du sport. En effet, elle ne permet
plus à une fédération française de développer une activité harmonieuse, tant au
niveau des associations qu'au niveau des groupements professionnels qui
constituent l'activité de base de la pratique d'un sport. A défaut de voir cette
situation évoluer, le risque est grand que se développent deux activités
parallèles alors que le rôle d'une fédération tend à regrouper au sein d'une
même structure l'ensemble des activités pour les organiser et mieux mutualiser
les moyens afin de permettre la pratique sportive de se développer et
d'intéresser de plus en plus de jeunes - et de moins jeunes - à
celles-ci.
C'est la raison pour
laquelle, monsieur le député, à l'issue des états généraux du sport et en
parfaite concertation avec le mouvement sportif, je vous présenterai,
vraisemblablement dans le courant du printemps prochain, un projet de loi qui
modifiera l'article 16 incriminé concernant les statuts des fédérations. Il
aura notamment pour objet de supprimer l'interdiction faite aux établissements
commerciaux dans lesquels s'exerce la pratique d'un sport de participer à la vie
fédérale. Il leur sera désormais offert la possibilité de délivrer des licences
et d'être représentés au sein de l'assemblée générale et au comité directeur de
la fédération.
Cette possibilité
sera ouverte comme option statutaire. Elle permettra ainsi aux fédérations, et
en particulier à la Fédération française d'équitation, objet de votre question,
de réunir en leur sein l'ensemble des structures tant associatives - qui
doivent rester prédominantes - que commerciales, qui participent ensemble
au maintien et à l'essor de cette discipline.