RÉGIME JURIDIQUE DU MULTISALARIAT
M. le président. La
parole est à M. Bernard Depierre, pour exposer sa question, n° 210,
relative au régime juridique du multisalariat.
M. Bernard Depierre.
Le multisalariat, forme nouvelle de travail, permet aux salariés, notamment les
cadres, de travailler pour plusieurs employeurs. En France, cette formule n'est
pas aussi développée qu'elle le mériterait au regard des possibilités d'emplois
qu'elle recèle. Le multisalariat permet en particulier aux petites et moyennes
entreprises d'embaucher à temps partiel des salariés expérimentés dont le coût à
temps plein s'avérerait prohibitif.
Hormis la solution, difficile à
mettre en place, des groupements d'employeurs, ou le pis-aller que constitue le
portage, le développement du multisalariat souffre de l'absence d'un véritable
statut défini par la loi. Il s'exerce actuellement dans les limites du cadre
législatif du travail à temps partiel, qui s'avère inadapté. Absence de
convention collective et de caisse spécifique aux multisalariés ; problème du
seuil de déclenchement des indemnités de chômage en cas de rupture d'un des
contrats ; bénéfice de l'exonération URSSAF à temps partiel réservé à un seul
des employeurs : telles sont les principales difficultés que rencontrent les
multisalariés et leurs employeurs.
Si la définition d'un véritable
statut du multisalarié apparaît complexe, elle ne semble pas insurmontable. Une
proposition de loi, adoptée en première lecture par le Sénat en 1999, envisage à
cet égard des solutions intéressantes. Alors que le Gouvernement montre sa
volonté de promouvoir l'emploi sur la base d'une souplesse encadrée, où en est
sa réflexion sur la mise en place d'un dispositif législatif adapté à cette
organisation du travail créatrice d'emplois ?
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le député, vous appelez l'attention de M. le ministre des affaires
sociales, du travail et de la solidarité sur l'adaptation du cadre législatif à
la situation des salariés qui ont contracté avec plusieurs employeurs
simultanément et qui, de ce fait, cumulent les contrats de travail à temps
partiel. Il y a donc multisalariat et cumul d'emplois. Se pose alors évidemment
la question de l'articulation de ces différents contrats, qui impose de
concilier les intérêts des employeurs et ceux du salarié.
M. François Fillon me prie de
vous faire savoir qu'il ne croit pas que la solution passe par un statut du
multisalariat ou du cumul d'emplois. Elle passe à la fois par l'utilisation de
la formule du groupement d'employeurs et par des simplifications législatives.
Ainsi, la proposition de loi à laquelle vous vous référez ne lui semble pas
apporter une amélioration effective. Elle créerait une nouvelle catégorie très
imprécise de contrat de travail écrit, imposant dans les faits de nouvelles
contraintes au chef d'entreprise.
Le groupement d'employeurs, parce
qu'il est l'employeur unique des salariés, offre une solution aux difficultés
dues à la pluralité de contrats et d'employeurs. C'est le fruit d'une démarche
collective d'employeurs qui souhaitent partager les compétences de salariés,
chaque membre du groupement étant utilisateur à tour de rôle des services
offerts par ces salariés, lesquels peuvent de ce fait bénéficier d'une meilleure
stabilité d'emploi et d'un meilleur niveau de ressources.
En ce qui concerne les
simplifications législatives, plusieurs des difficultés évoquées dans votre
question ont déjà été réglées. Ainsi, le salarié qui contracte avec plusieurs
employeurs bénéficie des avantages garantis par la convention collective
applicable à chacun des employeurs avec qui il a contracté.
L'article L. 212-4-3 du code
du travail prémunit contre la sanction ou le licenciement le salarié à temps
partiel qui refuse une modification de son horaire de travail ou de la
répartition de la durée du travail pour incompatibilité avec une autre activité
professionnelle salariée chez un autre employeur ou non salariée.
Sans méconnaître les difficultés
inhérentes au cumul d'emplois, il faut donc se garder de croire qu'un statut du
multisalariat soit possible. Mais il nous faut dégager des solutions
pragmatiques. Il en est ainsi de la disposition prévue dans le cadre du projet
de loi sur l'initiative économique, qui donnera le droit à un salarié de passer
à temps partiel pour créer une entreprise.