DEBAT :
|
INTERPELLATION D'ANCIENS SALARIES
DES ATELIERS KNAC A CHAUNY
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jacques Desallangre. Le groupe des élus communistes et républicains partage totalement la joie de tous après la libération de Florence Aubenas et de son guide.
Monsieur le garde des sceaux, lundi 30 mai, à six heures du matin, une véritable rafle policière a eu lieu à Chauny. Six membres de l'ancien atelier de confection Knac, liquidé judiciairement il y a deux ans, ont été interpellés à leur domicile et emmenés manu militari par des gendarmes mobilisés dans différentes brigades de la région par un juge d'instruction de Laon. (" Incroyable ! " sur les bancs du groupe des député e s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Sous les yeux de leurs enfants, ces hommes et ces femmes ont été traités comme des malfaiteurs. (" Scandaleux ! " sur les mêmes bancs.)
Deux femmes ont été menottées. Le mari d'une employée, étranger à l'affaire, a été embarqué. L'épouse d'un délégué syndical CGT, qui était dans le coma à l'hôpital de Reims, a été interpellée devant ces deux jeunes enfants, et placée en garde à vue elle aussi. (" Scandaleux ! " sur les bancs du groupe des député e s communistes et républicains et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À la brigade de gendarmerie de Chauny, le délégué syndical CGT a été appelé par dérision " camarade " et tutoyé comme un voyou. (" Oh ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Toutes et tous ont subi l'épreuve de la photographie anthropométrique et de la prise d'empreintes digitales. (" Oh ! " sur les mêmes bancs.)
M. Maxime Gremetz. Nous, ça ne nous fait pas rigoler !
M. Jacques Desallangre. Mais le pire a été réservé à deux femmes, âgées de quarante-cinq et cinquante-quatre ans, contraintes de se dénuder entièrement pour une fouille à corps dégradante ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jacques Brunhes. Ça se passe comme ça, au Danemark ?
M. Jacques Desallangre. Après cette humiliation, ces femmes sont sous traitement médical.
Quel était leur crime ? Après six mois d'une occupation pacifique, qui a protégé l'entreprise du vol, du vandalisme et de la vente des machines, ils ont eu le tort de laisser éclater leur colère quand le tribunal de commerce a choisi une solution de reprise qui ne prévoyait que quinze réembauches, contre trente-cinq dans le projet de relance écarté. Ils ont brûlé des pneus dans la cour, et la fumée a sali des locaux dans lesquels ils avaient jeté des confettis. Quel forfait !
Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n'est pas rien !
M. Jacques Desallangre. Le repreneur, dont la plainte avait été classée sans suite par le procureur, est revenu à la charge.
M. Christian Bataille. C'est la délinquance zéro !
M. Jacques Desallangre. Monsieur le garde des sceaux, les députés du groupe communiste et républicain vous pose la question : qui a initié cette opération de criminalisation de la lutte syndicale pour la défense de l'emploi, s'inspirant de méthodes dignes d'États autoritaires ?
M. Jean Auclair. La CGT !
M. Lucien Degauchy. Le Politburo !
M. Jacques Desallangre. Qui présentera des excuses à ces hommes et à ces femmes qu'on a humiliés parce qu'ils avaient lutté pour leur emploi ? Qui réparera les atteintes à l'honneur des licenciés de Knac ? (Applaudissements sur les bancs du groupes des député e s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Plusieurs députés du groupe communiste et républicain. C'est au garde des sceaux de répondre !
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, vous appelez l'attention du Gouvernement sur les conditions de la garde à vue, le 30 mai 2005, d'anciens salariés de l'entreprise Knac à Chauny.
Cette entreprise, spécialisée dans la confection haut de gamme et qui employait trente-cinq salariés, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire au milieu de l'année 2003. Deux sociétés ont alors proposé un plan de reprise à la barre du tribunal de commerce, et le projet retenu a été celui de la société Alshain, qui proposait de reprendre moins de salariés que l'autre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Bernard Roman. Répondez à la question !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Cette décision, prononcée en octobre 2003, avait alors suscité la colère d'anciens salariés, qui ont brûlé des pneus dans la cour de l'usine en signe de protestation.
Plusieurs députés du groupe communiste et républicain. Vous ne répondez pas à la question !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Le nouveau repreneur...
M. Albert Facon. Fossoyeur !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. ...avait déposé plainte, avec constitution de partie civile. Le juge d'instruction a ouvert une instruction judiciaire et demandé aux gendarmes d'entendre les personnes susceptibles d'avoir participé à cette action.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est le garde des sceaux ?
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Des placements en garde à vue sont intervenus le 30 mai 2005, dès six heures du matin.
M. Albert Facon. Répondez à la question !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Compte tenu de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
M. le président. Calmez-vous !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. ...le Gouvernement ne peut se prononcer sur une instruction en cours.
M. Alain Bocquet. C'est un scandale !
M. Jacques Brunhes. Une honte !
M. le président. Monsieur Bocquet et Monsieur Brunhes, je vous en prie !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. À son issue, il tirera les leçons de ce qui s'est passé. Mais je veux vous dire que je comprends l'émoi des anciens salariés de Knac, de leurs familles et des élus locaux.
Il faut toutefois dissocier cette procédure judiciaire, engagée en 2003, et les conditions de son exécution le 30 mai 2005, du fonctionnement actuel de l'entreprise qui, fort heureusement, a regagné des parts de marché et a des perspectives. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Albert Facon. Quelle indécence !
M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Mais, en tant que ministre chargé des relations du travail, je confirme qu'une fois achevée l'instruction, nous reviendrons sur ces conditions d'exécution, et je souligne à nouveau que je partage l'émoi dont on m'a fait part. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
|