FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 21830  de  M.   Leveau Édouard ( Union pour un Mouvement Populaire - Seine-Maritime ) QE
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire
Question publiée au JO le :  14/07/2003  page :  5489
Réponse publiée au JO le :  29/09/2003  page :  7484
Date de changement d'attribution :  28/07/2003
Rubrique :  fonctionnaires et agents publics
Tête d'analyse :  grèves
Analyse :  service minimum
Texte de la QUESTION : M. Édouard Leveau souhaite attirer l'attention de M. le Premier ministre sur les grèves de personnels d'entreprises publiques qui ont lieu depuis quelques semaines dans toute la France. En effet, ces grèves engendrent des conséquences non négligeables dans plusieurs domaines et conduisent à des difficultés dans la vie quotidienne des Français. Il est regrettable que les Français ne puissent se rendre sur leur lieu de travail et que les élèves n'aient pas accès aux cours pour cause de grève respectivement des transports publics et des enseignants. Aucune raison ne justifie la grève dans l'enseignement national à la veille d'examens importants pour l'avenir des élèves. Il est de son avis qu'un pays démocratique comme la France doit avoir une législation qui assure autant le droit de grève pour tout employé que l'accès aux services publics auquel les Français peuvent prétendre. La France fait l'objet d'exception européenne puisque plusieurs pays européens ont déjà fait de telles adaptations législatives. Dans cette logique, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce sujet. - Question transmise à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire.
Texte de la REPONSE : Le droit de grève reconnu aux agents du secteur public trouve sa source dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946. Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 a confirmé ce principe en prévoyant que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Il appartient donc aux pouvoirs publics de concilier la défense des intérêts professionnels, susceptible de s'exprimer par la grève, avec la nécessaire sauvegarde de l'intérêt général. De fait, la loi du 31 juillet 1963, codifiée aux articles L. 521-2 à L. 521-6 du code du travail, a encadré la pratique de la grève dans le secteur public. Elle s'applique à l'ensemble des personnels de l'État, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ainsi qu'aux agents des entreprises, organismes et établissements publics ou privés chargés de la gestion d'un service public. Les règles prévues par ce cadre législatif sont les suivantes. Tout d'abord, la cessation concertée du travail doit impérativement être précédée d'un préavis, qui doit parvenir à l'autorité concernée au moins cinq jours francs avant le début de la grève et en préciser le lieu, la date, l'heure de commencement ainsi que la durée. Cette période doit être consacrée à la négociation afin que soit recherchée dans la mesure du possible une résolution du conflit en amont du mouvement prévu. Par ailleurs, le législateur a interdit certaines modalités d'exercice de la grève. Les grèves tournantes sont ainsi prohibées. En tout état de cause, l'inobservation de ces différentes dispositions entraîne des sanctions, prévues par les réglementations applicables aux personnels concernés. Indépendamment de cette réglementation générale du droit de grève dans le secteur public, plusieurs lois en ont retiré l'exercice à certains agents publics, en particulier les magistrats, les militaires ainsi que les personnels de police, du service des transmissions du ministère de l'intérieur et de l'administration pénitentiaire. En outre, certains agents peuvent être astreints par la loi à un service minimum. Il en est ainsi par exemple des personnels de la navigation aérienne. Naturellement, ces limitations apportées par le législateur à l'exercice du droit de grève ont pour objectif de préserver le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays, afin de concilier le droit de grève avec le principe constitutionnel de continuité des services publics (DC 25 juillet 1979 et 28 juillet 1987). D'autres principes constitutionnels, comme la protection de la santé ou la sécurité des personnes, peuvent également justifier des restrictions de l'exercice du droit de grève. Enfin, en l'absence de textes législatifs, les ministres ou les chefs de service disposent en vertu de la jurisprudence du Conseil d'État Dehaene (7 juillet 1950) du pouvoir de réglementer l'exercice du droit de grève au sein de leurs services, pour assurer notamment l'organisation d'un service minimum. Ainsi, les responsables des personnes morales chargées d'une mission de service public peuvent édicter des règles relatives à l'exercice du droit de grève au sein de ces structures. Toutefois, les limitations susceptibles d'être instaurées par le pouvoir réglementaire ne sauraient outrepasser celles rendues strictement nécessaires par la conservation des installations et du matériel, par la préservation de la sécurité physique des personnes ou par l'exigence du bon fonctionnement des services indispensables à l'action gouvernementale. Par ailleurs, elles font l'objet d'un contrôle du juge qui se montre le plus souvent défavorable aux interdictions à caractère général et absolu. Le service minimum constitue donc d'ores et déjà une réalité dans certains services ou établissements publics. Néanmoins, la proposition visant à en affirmer le principe par la loi est souvent avancée. Comme l'a indiqué le Premier ministre dans son discours de politique générale du 3 juillet 2002, l'idée même de service garanti recueille tout l'intérêt du gouvernement. Néanmoins, il convient de bien prendre la mesure d'une procédure de cette nature comme support de l'affirmation du principe et d'approfondir parallèlement l'étude d'autres moyens susceptibles de renforcer sa mise en oeuvre. L'organisation par voie législative d'un service minimum soulève en effet des interrogations, de nature tant juridique que sociale, dont il convient préalablement d'apprécier tous les aspects dans leur portée. L'extension de dispositifs de prévention et de régulation des conflits sociaux, négociés dans les entreprises publiques ou les administrations, pourrait constituer un autre vecteur, là encore à expertiser, pour promouvoir un service minimum adapté aux exigences de chaque situation concrète.
UMP 12 REP_PUB Haute-Normandie O