MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS
EN ZONE RURALE
M. le président. La parole est à M. Frédéric de Saint-Sernin, pour exposer sa question, n° 21, relative au maintien des services publics en zone rurale.
M. Frédéric de Saint-Sernin. Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, au lendemain de mon élection, en juin dernier, j'ai été sollicité par plusieurs élus de ma circonscription à propos des risques de fermeture de bureaux garantissant un service public en milieu rural. Concrètement, les édiles de deux cantons, ceux de Champagnac-de-Belair et Saint-Pardoux-la-Rivière, craignent la disparition de leur perception.
Je ne nie pas la nécessité d'un équilibre entre la présence de l'Etat en milieu rural et l'amélioration de la maîtrise des coûts des services publics sur le terrain. Néanmoins, monsieur le ministre, je souhaiterais que ces initiatives soient prises en concertation avec les élus des cantons touchés. Il me semble primordial qu'un débat préalable soit engagé avec l'ensemble des acteurs concernés, c'est-à-dire les élus locaux, bien sûr, mais aussi les représentants des usagers, avant qu'une décision ne soit prise. La présence de l'Etat dans nos campagnes est un gage d'équilibre du territoire et une obligation pour que chaque Français puisse bénéficier d'un égal accès au service public. Mais il me semble tout aussi nécessaire qu'au-delà de la volonté de telle ou telle administration, nous puissions avoir une vision à l'échelon départemental, et sur une durée conséquente, de la volonté de l'ensemble des administrations qui assurent le service public. En milieu rural plus particulièrement, il est important que nous puissions travailler dans ce cadre plus large, afin d'anticiper d'éventuelles fermetures que nos concitoyens, vous le savez, acceptent de moins en moins.
Ma question est la suivante : comment éviter que, d'année en année, discrètement, nos perceptions ou d'autres bureaux assurant le service public ne disparaissent ? Dans la politique de décentralisation que vous voulez mener avec vos collègues, quelle sera la place des services de l'Etat en milieu rural ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme
de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je mesure comme vous l'inquiétude manifestée par les élus locaux. D'ailleurs, vous fûtes l'un des premiers à me poser très concrètement cette question concernant votre département.
En réalité, deux logiques s'affrontent : d'une part, la rationalisation des moyens appliqués par les responsables et gestionnaires, d'autre part, une attente légitime de présence des services publics.
Je veux affirmer ici quelques principes auxquels je crois : d'abord, la réorganisation des services publics ne doit pas se traduire par la condamnation d'un territoire à travers une situation de repli permanent ; ensuite, il faut sortir de l'engrenage perdant-perdant et ne jamais oublier que le service public est d'abord et avant tout le service au public ; enfin, comme vous, je crois à la force des principes qui nourrissent les valeurs du service public : égalité d'accès sur l'ensemble du territoire, égalité de qualité dans le traitement du dossier, délai maîtrisé et réponse sécurisée et irréprochable sur le plan technique.
Actuellement, l'offre de services publics répond-elle à cette attente ? La réponse est non. L'éparpillement des compétences fragilise la qualité des réponses et l'incertitude quant à la pérennité de la présence des services publics préoccupe les agents, inquiète les élus et nourrit un sentiment d'abandon dans la population.
Afin de sortir de cet engrenage, il faut que nous bâtissions ensemble un contrat gagnant-gagnant. Pour cela, nous devons utiliser de nouvelles méthodes destinées à s'inscrire dans une approche à l'échelle d'un territoire - région, département, pays. Les nouvelles technologies de l'information nous permettent de développer une administration « front office-back office », expressions sans équivalent en français, qui pourraient désigner une administration d'accueil réorganisée en pôles de compétence pour le traitement des procédures.
Comment aboutir à ce résultat ? Cela passe, comme vous le proposez, par une réflexion sur la multiplication des points d'accueil et le développement de l'offre de services publics de proximité autour de l'Etat, des acteurs locaux, départementaux et régionaux, ainsi que des intercommunalités. Tout en étant dotés des qualités d'un guichet unique, ces points d'accueil devraient permettre de solliciter la totalité des services concernés. A cet égard, il faudrait associer à cette réflexion tous les services à caractère social qui ne sont pas dans le périmètre de l'Etat, mais qui ont une importance forte pour nos concitoyens, comme les URSSAF, les ASSEDIC ou les CAF.
Comment rendre possible cette réflexion ? Certainement pas par de grands discours, ni par la mise en place d'un moratoire qui ne ferait que remettre à plus tard la solution au problème, mais par le recours à une méthode pragmatique de bon sens et de terrain associant la totalité des partenaires locaux.
La réussite de la décentralisation que vous évoquez dépend de notre capacité à réformer l'Etat, tant dans ses procédures que dans son organisation territoriale. Je souhaite que sur un terrain donné puisse se concevoir avec les différents acteurs, y compris les agents, un projet d'offre de services publics multipliant les points d'accueil afin de faciliter les démarches tout en rationalisant le traitement des demandes. Nous pourrions, en outre, lorsque cela sera possible, tenter des expérimentations sur certains territoires. Et je connais votre préoccupation en la matière.
Il faut mettre l'usager au coeur de nos priorités. A cet égard, je suis persuadé que nous pouvons mener cette réorganisation des services publics sur le modèle gagnant-gagnant - gagnant pour l'usager, gagnant pour l'administration et les élus - grâce à une technicité accrue.
Je compte, bien évidemment, sur l'ensemble des parlementaires pour mener à bien les réformes nécessaires. Un projet de loi concernant la ruralité, préparé par mon collègue Hervé Gaymard et auquel je suis associé, vous sera d'ailleurs présenté au cours du premier semestre 2003. Je vous sais, monsieur le député, particulièrement sensible à cette démarche.
Soyez enfin assuré de toute l'attention que mon collègue Xavier Darcos et moi-même portons à votre département de la Dordogne et aux propositions qui le concernent dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Frédéric de Saint-Sernin.
M. Frédéric de Saint-Sernin. Je reviendrai sur trois points qui me paraissent particulièrement importants.
D'abord, monsieur le ministre, je suis d'accord sur votre affirmation selon laquelle la réorganisation des services publics ne doit pas se traduire par une condamnation des territoires. Mais vous savez que, sur le terrain, les gens ressentent souvent le contraire.
Ensuite, j'apprécie votre idée de contrat, je l'ai évoquée dans ma question : il me paraît important que les élus locaux, les représentants des usagers puissent être aussi concernés par le débat, et qu'avant toute décision ils puissent eux-mêmes faire part de leur propre préoccupation, afin que l'engagement entre les différents partenaires que sont les représentants de l'Etat, des usagers, et les élus locaux soit véritablement un engagement d'ensemble.
Enfin, vous avez évoqué le projet de loi que présentera le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Puisque vous y serez associé, sachez que j'espère vivement que la place des services publics y sera défendue et que des engagements précis seront pris à cette occasion.