Texte de la QUESTION :
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M. Philippe Houillon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le délai du premier examen d'une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme, qui est actuellement de trois ans au minimum. Cela signifie que, la requête déposée, son examen, et non pas son audiencement, ne sera pas entrepris avant trois années. Or la plupart de ces requêtes portent sur la violation du délai raisonnable d'une procédure contre différents Etats. Il est donc paradoxal de constater que la juridiction chargée de juger de l'application de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne respecte pas ce délai raisonnable. Certes, plusieurs dispositions ont été prises pour la réduction des délais de traitement des affaires civiles et pénales devant des juridictions françaises, notamment la mise en place de contrats d'objectifs et le développement des outils informatiques. Il lui demande, en conséquence, quelles mesures il entend prendre pour que des mesures identiques soient envisagées au niveau européen.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il rejoint sa préoccupation de voir réduire le délai de traitement des affaires par la Cour européenne des droits de l'homme, qui est de plus de trois ans en moyenne. La longueur du délai de traitement de ces affaires est essentiellement due à une forte croissance du nombre de requêtes introduites devant la Cour, qui est passé de 4 044 en 1988 à 28 000 en 2002. Cela n'est pas seulement la conséquence de l'adhésion de nouveaux États ; les individus ont tendance à se tourner de plus en plus souvent vers la Cour, tandis que celle-ci, suite à l'entrée en vigueur du protocole n° 11 de la Convention, doit effectuer le travail dont la Commission européenne des droits de l'homme avait auparavant la charge. Ainsi, depuis 1998, la Cour doit non seulement statuer sur les questions de fond que soulèvent les affaires, mais également filtrer les requêtes, établir les faits et déterminer la recevabilité. La Cour a fourni un effort considérable permettant de rapprocher le nombre d'affaires clôturées chaque année du nombre de requêtes enregistrées. Afin que le stock des affaires puisse être réduit, et que leur délai de traitement soit raccourci, les autorités françaises ont participé, dans le cadre du groupe de réflexion du comité directeur pour les droits de l'homme et du Comité des ministres, à l'élaboration de propositions concrètes visant à garantir l'efficacité à long terme de la Cour. Une déclaration a été adoptée le 15 mai 2003 prévoyant l'adoption d'un projet de protocole d'amendement à la Convention lors de la 114e session du Comité des ministres en 2004. Des mesures concrètes ont déjà été adoptées, comprenant notamment un plan de recrutement triennal, l'adoption d'une nouvelle procédure d'entrée des requêtes et l'introduction d'un système perfectionné de gestion des affaires (CMIS). Des mesures complémentaires sont nécessaires. Au sein du Comité des ministres, la France a défendu plusieurs voies de réforme, dont trois visent à traiter plus rapidement les requêtes. En premier lieu, il a été suggéré d'intégrer un critère supplémentaire de recevabilité des requêtes. Dans ce contexte, la délégation française a proposé que la requête soit déclarée irrecevable lorsque le requérant n'a subi aucun préjudice important, et que l'affaire ne soulève pas une question qui nécessite une décision sur le fond. En second lieu, il est proposé que des comités restreints de trois juges examinent les requêtes répétitives. Enfin, il est envisagé de permettre au Comité des ministres, par une décision unanime, d'augmenter le nombre de juges de la Cour. Au total, l'adoption de cette réforme, qui se conjugue avec un renforcement du greffe et l'introduction de nouvelles méthodes de travail, permettra d'accélérer le traitement des affaires. L'objectif est de parvenir à un délai de deux ans en 2005.
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