DEBAT :
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SITUATION EN CORSE
M. le président. La
parole est à M. Emile Zuccarelli, député non inscrit.
M. Emile Zuccarelli.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Monsieur le ministre, depuis le début de l'année, la Corse a connu près de 220 attentats, chiffre voisin de celui de 2001. Au fil des années, les chiffres ont été, hélas, assez constants. Ils s'inscrivent dans un contexte particulier, les séparatistes tentant de récupérer chacune des décisions du Gouvernement concernant la Corse comme autant de gestes politiques à leur endroit.
Il en va ainsi des mesures de rapprochement des condamnés insulaires, en application depuis hier. Ces mesures ne sont, je veux être très clair, absolument pas contestables : elles ne sont que l'application de la loi. Mais contrairement à ce qui est dit ici ou là, elles concernent tous les condamnés et pas seulement les terroristes.
De même, l'organisation décentralisée des concours des catégories B et C de la fonction publique se fait déjà ailleurs. Parler à ce propos de « corsisation » des emplois est une ineptie.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure
et des libertés locales. Exactement !
M. Emile Zuccarelli. Mais, et la démonstration en a été faite par le passé et même récemment, les gestes en direction des violents et de leurs porte-parole sont inopérants s'ils prétendent arrêter la violence. (Applaudissements sur divers bancs.)
Au contraire, pris comme autant de signes de faiblesse, ils ne font que renforcer les poseurs de bombes dans leur détermination.
Autre exemple : les avancées en matière de décentralisation ont leurs vertus et la Corse est à la pointe du mouvement. Très bien ! Mais il serait vain d'en attendre la paix car, aujourd'hui en Corse, les bombes mêlent de manière indissociable revendications d'indépendance et activités mafieuses.
M. Pierre Lellouche.
Il fallait le dire à M. Jospin !
M. Jean Glavany. Voulez-vous que l'on dise comment les choses se sont effectivement passées, monsieur Lellouche ?
M. Emile Zuccarelli. Elles nuisent à la Corse et à son développement, ainsi que vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le ministre, lors de votre récente visite dans l'île.
Vous avez reçu samedi dernier les principaux responsables de la sécurité en Corse.
Ma question sera la suivante : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour assurer dans notre région, comme dans toutes les régions françaises, la sécurité publique à laquelle ont droit nos concitoyens, en Corse comme ailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure
et des libertés locales. Monsieur le député, je partage beaucoup des jugements que vous venez de formuler.
Aujourd'hui, la situation de la Corse, je suis le premier à le reconnaître, n'est pas satisfaisante.
Que se passe-t-il ? La Corse est confrontée à une triple crise qui ne date pas d'hier et qui n'a pas été résolue au cours des sept derniers mois, je le concède.
Il s'agit d'abord d'une gigantesque crise de confiance. J'ai observé qu'en Corse plus personne ne fait confiance à personne, pas même entre Corses. Tout le monde est divisé : la gauche est divisée, la droite est divisée, les autonomistes sont divisés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or on ne construit pas sur la division ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Mesdames, messieurs de l'opposition, le sujet est suffisamment difficile pour que l'on essaie pendant un instant de rassembler nos énergies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. François Lamy. Il fallait le faire avant !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il s'agit ensuite d'une crise du développement. La Corse compte 1 000 kilomètres de côte alors qu'il y a 750 kilomètres de côte entre Menton et Perpignan. C'est là un atout exceptionnel. Malgré cela, aucun gouvernement, de gauche, de droite ou du centre, n'a pu réussir, depuis 1975, à donner à la Corse la chance d'un développement.
Il s'agit, enfin, d'une crise endémique : la crise de la violence. Il suffit de lire Mateo Falcone, la nouvelle de Prosper Mérimée, pour se rendre compte que cela ne date pas d'hier. La Corse n'est pas une région comme les autres dans ses rapports avec la violence. Le dire, c'est rappeler une réalité.
Que peut-on faire face à cette situation ?
Le Gouvernement essaie de construire une politique en trois temps.
Premièrement, il faut essayer de mobiliser les Corses pour choisir enfin et une bonne fois pour toutes les institutions qui leur permettront de saisir la chance de la paix et du développement, y compris en utilisant un élément très important des projets de décentralisation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, lequel prévoit d'interroger pour une fois les Corses eux-mêmes, et non pas simplement ceux qui les représentent, sur leur avenir et sur leurs souhaits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Paul Giacobbi. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce sera bien difficile et il faudra se mettre d'accord là-dessus. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Deuxièmement, je conduirai une délégation d'élus corses à Bruxelles où le président de la Commission européenne, M. Prodi, a pour la première fois accepté une matinée de travail avec l'ensemble des élus corses pour étudier un statut économique et fiscal stable pour la Corse.
Troisièmement, enfin, il n'y a aucune raison que les Corses ne jouissent pas de la sécurité à laquelle ont droit tous les Français sur l'ensemble du territoire national. J'ai réuni les responsables de la police. Des initiatives vont être prises avant Noël. J'espère, monsieur le député, qu'elles seront à la hauteur de vos espérances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. François Lamy. On en reparlera !
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