FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 22  de  M.   Spagnou Daniel ( Union pour un Mouvement Populaire - Alpes-de-Haute-Provence ) QOSD
Ministère interrogé :  écologie
Ministère attributaire :  écologie
Question publiée au JO le :  14/10/2002  page :  3482
Réponse publiée au JO le :  16/10/2002  page :  3269
Rubrique :  environnement
Tête d'analyse :  politiques communautaires
Analyse :  protection de la nature. réseau Natura 2000. mise en oeuvre
Texte de la QUESTION : M. Daniel Spagnou appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'inquiétude des maires des communes de France directement touchés par la directive Natura 2000. Les mairies n'ont eu qu'un court délai pour donner un simple avis consultatif sur divers sites qui vont être classés en zones de protection de la faune et de la flore. Ce qui représente des surfaces parfois considérables, comme dans certaines communes des Alpes-de-Haute-Provence où quatorze sites sont recensés, dont celui de la montagne de Lure. Aujourd'hui se pose en outre la question de savoir si d'autres zones ne seront pas concernées par les directives Natura 2000, comme celle de la Durance. Or, si la première liste de sites proposée par la France à la Commission européenne ne posait a priori aucun problème car bénéficiant déjà d'une forte protection au niveau national, la seconde liste qui est susceptible d'être proposée, après concertation des élus et des différents acteurs locaux, est plus problématique. Les élus locaux considèrent en effet qu'il demeure trop d'incertitudes quant à l'avenir et à l'utilisation des territoires concernés. Plus grave encore, il semble même que le développement de certaines communes rurales soit mis en péril par ces directives. Elles touchent en effet des domaines extrêmement sensibles comme le droit de propriété, les plans locaux d'urbanisme ou encore le libre accès des usagers de la nature. Or personne aujourd'hui n'est capable de dire quelles sont les contraintes et quelles seraient les éventuelles dotations pour les communes concernées par ces sites Natura 2000. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place pour concilier le développement des communes rurales concernées par la mise en place des directives européennes et la préservation des milieux naturels.
Texte de la REPONSE :

CONSÉQUENCES DE LA MISE EN OEUVRE
DE LA DIRECTIVE NATURA 2000

    M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour exposer sa question, n° 22, relative aux conséquences de la mise en oeuvre de la directive Natura 2000.
    M. Daniel Spagnou. Madame la ministre de l'écologie, mon intervention concerne la directive Natura 2000 dont les périmètres ont été imposés aux élus et aux associations de notre pays à la hâte et au mépris de toute concertation et d'un réel dialogue.
    Dans mon département, 15 % du territoire est concerné. Dans les départements alpins voisins, c'est parfois la moitié du territoire qui est touché.
    En dépit des intentions louables d'une telle directive, Natura 2000 a beaucoup de mal à être admise. Trop d'incertitudes susbsistent et des menaces planent sur les grands projets structurants de notre territoire, notamment l'autoroute A 51.
    La grande majorité de nos concitoyens vivant dans des zones rurales et de montagne, déjà profondément pénalisées, appréhendent fortement une mesure qu'ils vivent comme une punition et qui pourrait mettre en péril la place de l'homme et le développement des régions et des vallées qu'ils ont eux-mêmes su préserver.
    Je souhaite donc connaître votre position sur Natura 2000 et savoir de quelle marge de manoeuvre dispose réellement le gouvernement français face à Bruxelles.
    Comptez-vous, comme cela se murmure, et comme la Commission européenne semble le demander, augmenter les surfaces et le nombre de sites sur le territoire français, ce qui provoquerait une levée de boucliers ?
    Enfin, comment pensez-vous organiser le processus de contractualisation qui doit aboutir à la signature des engagements entre les associations, les collectivités locales, les agriculteurs et l'Etat pour que Natura 2000 se décide avec et non contre nos concitoyens ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Spagnou, je comprends l'inquiétude que vous avez exprimée concernant la procédure Natura 2000.
    L'insuffisance de dialogue et de concertation a abouti à un paradoxe étonnant : d'un côté, des acteurs de terrains ont le sentiment, parfois justifié, de n'être pas écoutés et d'être les spectateurs d'une procédure qu'ils ne maîtrisent pas ; de l'autre, devant le retard pris, la France a été condamnée le 11 septembre 2001 par la Cour européenne de justice.
    J'ai donc décidé de reprendre la procédure Natura 2000 dans un esprit de concertation et de dialogue.
    Au préalable, je ferais deux observations.
    Vous parlez de courts délais. La procédure Natura 2000 a commencé en mai 1992. Si la France s'est hâtée, c'est bien lentement !
    Par ailleurs vous avez utilisé le mot « touchés », en parlant des territoires concernés par Natura 2000 comme s'il s'agissait d'une sorte de catastrophe natuelle.
    La procédure s'adresse à des territoires marqués par leur richesse naturelle locale combinée à des pratiques de valorisation ancestrale. Elle concerne, par exemple, des systèmes fluviaux méditerrannéens, et la Durance, que nous aimons, représente la plus grande rivière de type provençal. Nous sommes donc tous les deux d'accord pour protéger ces espaces.
    Natura 2000 n'est pas une procédure de classement, mais une procédure de désignation, de labellisation qui indique qu'un site mérite d'être protégé par des actions qui seront décidées par les acteurs de terrain. Mon ambition est d'en faire une procédure de développement durable permettant l'exercice d'activités économiques indispensables au développement des zones rurales. Et si une autoroute était nécessaire à ce développement, rien ne l'interdirait. Cela relèverait des procédures habituelles de protection.
    Mon action se déroule dans deux directions.
    Il faut d'abord achever de désigner le réseau. Au 30 septembre 2002, nous avons pratiquement terminé : 7,4 % du territoire sont concernés par la directive Habitat, 1,6 % du territoire par les zones de protection spéciale, soit à peu près 9 % du territoire français. En Espagne, par exemple, 25 % du territoire sont concernés.
    Ce qu'il faut surtout, c'est avoir une politique de gestion concertée et contractuelle, et donc organiser la consultation à tous les niveaux du terrain, ce qui n'a pas été suffisamment fait.
    J'ai demandé aux préfets de réunir des comités de pilotage départementaux permettant à tous les acteurs concernés de se rencontrer, et de se rapprocher des présidents de conseils régionaux pour activer le partenariat et l'évaluation. Il faut ensuite mettre en oeuvre une politique contractuelle de gestion, avec des documents d'objectifs. Les conditions sont à fixer par vous, les contrats sont à signer avec les acteurs locaux, les communes, les chasseurs, les pêcheurs, les agriculteurs et les forestiers.
    La procédure est effectivement troublante, puisque les contraintes ne viennent pas des textes, mais des acteurs, qui en décident contractuellement. La question des moyens est donc cruciale. Le fonds de gestion des milieux naturels permet la mise en oeuvre du réseau et la réalisation des documents d'objectifs. Les dotations, si vous les votez dans quelques jours, progresseront de 4,8 % dans le budget, dans un contexte très contraint.
    Les contrats les plus importants sont les mesures agro-environnementales hors et dans les CTE et ils sont pilotés par le ministère de l'agriculture. La poursuite du dispositif des contrats territoriaux d'exploitation est donc vitale pour nous, et j'y veille en coordination avec M. Hervé Gaymard.
    Enfin, les crédits sont complétés par des fonds européens : le FEOGA-garantie, dans le cadre du plan de développement rural national, les fonds structurels et le programme. J'ai rencontré la commissaire européenne, Mme Walstrom, pour lui dire combien nous étions désireux que l'Union européenne continue à nous aider. Un groupe de travail a été constitué, auquel la France participe. Il fournira un rapport sur ce sujet.
    Pour conclure, monsieur le député, vous avez raison, Natura 2000 ne pourra se faire qu'avec nos concitoyens et non contre eux. Je vous invite donc, mais je sais que c'est le cas, à vous impliquer totalement dans la construction du réseau Natura 2000 sur le terrain, comme le fait par exemple le syndicat mixte des Alpilles, qui porte de belle façon la réflexion, ou, très près de chez vous, dans un département limitrophe du vôtre, la commune l'Argentière-la-Bessée. Natura 2000 se fera avec vous.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou.
    M. Daniel Spagnou. Je vous remercie, madame la ministre, pour la clarté de cette réponse. La mise au point que vous venez de faire était nécessaire.

UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O