CONSÉQUENCES DE LA MISE EN OEUVRE
DE LA DIRECTIVE NATURA 2000
M. le président. La
parole est à M. Daniel Spagnou, pour exposer sa question, n° 22, relative aux conséquences de la mise en oeuvre de la directive Natura 2000.
M. Daniel Spagnou.
Madame la ministre de l'écologie, mon intervention concerne la directive Natura 2000 dont les périmètres ont été imposés aux élus et aux associations de notre pays à la hâte et au mépris de toute concertation et d'un réel dialogue.
Dans mon département, 15 % du territoire est concerné. Dans les départements alpins voisins, c'est parfois la moitié du territoire qui est touché.
En dépit des intentions louables d'une telle directive, Natura 2000 a beaucoup de mal à être admise. Trop d'incertitudes susbsistent et des menaces planent sur les grands projets structurants de notre territoire, notamment l'autoroute A 51.
La grande majorité de nos concitoyens vivant dans des zones rurales et de montagne, déjà profondément pénalisées, appréhendent fortement une mesure qu'ils vivent comme une punition et qui pourrait mettre en péril la place de l'homme et le développement des régions et des vallées qu'ils ont eux-mêmes su préserver.
Je souhaite donc connaître votre position sur Natura 2000 et savoir de quelle marge de manoeuvre dispose réellement le gouvernement français face à Bruxelles.
Comptez-vous, comme cela se murmure, et comme la Commission européenne semble le demander, augmenter les surfaces et le nombre de sites sur le territoire français, ce qui provoquerait une levée de boucliers ?
Enfin, comment pensez-vous organiser le processus de contractualisation qui doit aboutir à la signature des engagements entre les associations, les collectivités locales, les agriculteurs et l'Etat pour que Natura 2000 se décide avec et non contre nos concitoyens ?
M. le président. La
parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du
développement durable. Monsieur Spagnou, je comprends l'inquiétude que vous avez exprimée concernant la procédure Natura 2000.
L'insuffisance de dialogue et de concertation a abouti à un paradoxe étonnant : d'un côté, des acteurs de terrains ont le sentiment, parfois justifié, de n'être pas écoutés et d'être les spectateurs d'une procédure qu'ils ne maîtrisent pas ; de l'autre, devant le retard pris, la France a été condamnée le 11 septembre 2001 par la Cour européenne de justice.
J'ai donc décidé de reprendre la procédure Natura 2000 dans un esprit de concertation et de dialogue.
Au préalable, je ferais deux observations.
Vous parlez de courts délais. La procédure Natura 2000 a commencé en mai 1992. Si la France s'est hâtée, c'est bien lentement !
Par ailleurs vous avez utilisé le mot « touchés », en parlant des territoires concernés par Natura 2000 comme s'il s'agissait d'une sorte de catastrophe natuelle.
La procédure s'adresse à des territoires marqués par leur richesse naturelle locale combinée à des pratiques de valorisation ancestrale. Elle concerne, par exemple, des systèmes fluviaux méditerrannéens, et la Durance, que nous aimons, représente la plus grande rivière de type provençal. Nous sommes donc tous les deux d'accord pour protéger ces espaces.
Natura 2000 n'est pas une procédure de classement, mais une procédure de désignation, de labellisation qui indique qu'un site mérite d'être protégé par des actions qui seront décidées par les acteurs de terrain. Mon ambition est d'en faire une procédure de développement durable permettant l'exercice d'activités économiques indispensables au développement des zones rurales. Et si une autoroute était nécessaire à ce développement, rien ne l'interdirait. Cela relèverait des procédures habituelles de protection.
Mon action se déroule dans deux directions.
Il faut d'abord achever de désigner le réseau. Au 30 septembre 2002, nous avons pratiquement terminé : 7,4 % du territoire sont concernés par la directive Habitat, 1,6 % du territoire par les zones de protection spéciale, soit à peu près 9 % du territoire français. En Espagne, par exemple, 25 % du territoire sont concernés.
Ce qu'il faut surtout, c'est avoir une politique de gestion concertée et contractuelle, et donc organiser la consultation à tous les niveaux du terrain, ce qui n'a pas été suffisamment fait.
J'ai demandé aux préfets de réunir des comités de pilotage départementaux permettant à tous les acteurs concernés de se rencontrer, et de se rapprocher des présidents de conseils régionaux pour activer le partenariat et l'évaluation. Il faut ensuite mettre en oeuvre une politique contractuelle de gestion, avec des documents d'objectifs. Les conditions sont à fixer par vous, les contrats sont à signer avec les acteurs locaux, les communes, les chasseurs, les pêcheurs, les agriculteurs et les forestiers.
La procédure est effectivement troublante, puisque les contraintes ne viennent pas des textes, mais des acteurs, qui en décident contractuellement. La question des moyens est donc cruciale. Le fonds de gestion des milieux naturels permet la mise en oeuvre du réseau et la réalisation des documents d'objectifs. Les dotations, si vous les votez dans quelques jours, progresseront de 4,8 % dans le budget, dans un contexte très contraint.
Les contrats les plus importants sont les mesures agro-environnementales hors et dans les CTE et ils sont pilotés par le ministère de l'agriculture. La poursuite du dispositif des contrats territoriaux d'exploitation est donc vitale pour nous, et j'y veille en coordination avec M. Hervé Gaymard.
Enfin, les crédits sont complétés par des fonds européens : le FEOGA-garantie, dans le cadre du plan de développement rural national, les fonds structurels et le programme. J'ai rencontré la commissaire européenne, Mme Walstrom, pour lui dire combien nous étions désireux que l'Union européenne continue à nous aider. Un groupe de travail a été constitué, auquel la France participe. Il fournira un rapport sur ce sujet.
Pour conclure, monsieur le député, vous avez raison, Natura 2000 ne pourra se faire qu'avec nos concitoyens et non contre eux. Je vous invite donc, mais je sais que c'est le cas, à vous impliquer totalement dans la construction du réseau Natura 2000 sur le terrain, comme le fait par exemple le syndicat mixte des Alpilles, qui porte de belle façon la réflexion, ou, très près de chez vous, dans un département limitrophe du vôtre, la commune l'Argentière-la-Bessée. Natura 2000 se fera avec vous.
M. le président. La
parole est à M. Daniel Spagnou.
M. Daniel Spagnou. Je vous remercie, madame la ministre, pour la clarté de cette réponse. La mise au point que vous venez de faire était nécessaire.