FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 232  de  M.   Dutoit Frédéric ( Député-e-s Communistes et Républicains - Bouches-du-Rhône ) QOSD
Ministère interrogé :  équipement, transports et logement
Ministère attributaire :  équipement, transports et logement
Question publiée au JO le :  24/03/2003  page :  2094
Réponse publiée au JO le :  26/03/2003  page :  2340
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  directives
Analyse :  activités portuaires. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Frédéric Dutoit attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les incidences, en France, de la Directive européenne relative à la libéralisation des services portuaires. Il estime que l'ouverture à la concurrence desdits services, notamment l'auto-assistance dans les ports, encourage le dumping social, la dégradation des conditions de travail et d'embauche et, dans le même temps, risque de favoriser de nouvelles catastrophes environnementales. Il souhaite savoir s'il est prêt à oeuvrer en faveur d'une modification de ce projet de directive européenne qui, en l'état, par le recours à l'auto-assistance, déréglemente les métiers et les professions portuaires jusqu'à présent clairement identifiés, en France, par la législation sociale nationale et les conventions et recommandations de l'Organisation internationale du travail. Par ailleurs, si ladite directive européenne intègre de nouvelles améliorations et devient officielle, il lui demande de le tenir informé de ses intentions relatives à sa transposition dans le droit français.
Texte de la REPONSE :

INCIDENCES DE LA LIBÉRALISATION
DES SERVICES PORTUAIRES

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour exposer sa question n° 232 relative aux incidences de la libéralisation des services portuaires.
    M. Frédéric Dutoit. Je souhaite ce matin attirer l'attention sur les incidences, en France, du projet de directive européenne relative à l'accès au marché des services portuaires, projet, je le rappelle, que le nouveau gouvernement, à peine installé, s'était empressé de soutenir devant les instances européennes.
    L'ouverture à la concurrence de ces services, notamment l'auto-assistance, encouragerait le dumping social, la dégradation des conditions de travail et d'embauche et, dans le même temps, risquerait de favoriser de nouvelles catastrophes environnementales. J'ai la nette impression que l'Europe ne tire aucune leçon de l'histoire récente, marquée par des naufrages à répétition et par la course aux profits effrénée à laquelle se livrent de plus en plus d'armateurs peu scrupuleux.
    Au lieu de défendre une nouvelle ambition pour l'Europe, de veiller à harmoniser vers le haut les droits et la qualité des prestations de l'ensemble des entreprises portuaires publiques ou privées, au lieu d'optimiser les garanties internationales dans les eaux territoriales des Etats membres, le projet de libéralisation de l'espace portuaire menace directement les statuts des ouvriers dockers, des marins portuaires et des personnels administatifs ; il menace leurs conventions collectives.
    Le projet fait planer les plus grands doutes et provoque les plus grandes inquiétudes quant à la qualification des personnels auxquels pourraient recourir les armateurs, qui ne seraient plus obligés de faire appel aux compétences reconnues dans les ports, et tout particulièrement dans les nôtres.
    Les dockers, comme l'ensemble des salariés en activité dans les ports maritimes, pourraient ainsi être remplacés par du personnel navigant régulier, lequel n'a pas les mêmes qualifications professionnelles, le même savoir-faire et, en définitive, n'exerce pas le même métier.
    N'ayons pas peur des mots : l'auto-assistance, pierre angulaire du projet de directive européenne, aurait des conséquences dramatiques pour l'ensemble des places portuaires françaises. Ainsi, pour prendre l'exemple des Bouches-du-Rhône, de Marseille à Port-Saint-Louis-du-Rhône, 50 % de la main-d'oeuvre docker - soit 500 personnes - se retrouveraient sans activité professionnelle, et 50 % des employés administratifs des entreprises de manutention, soit 200 personnes, seraient au chômage.
    Par ailleurs, combien d'entreprises de manutention disparaîtraient purement et simplement ? A l'échelle du pays, des milliers d'emplois sont en jeu.
    J'ai la faiblesse de penser que l'exceptionnelle et historique mobilisation, à travers toute l'Europe, des dockers, des personnels des ports autonomes, des chambres de commerce maritime et de pêche, et l'« euro-manifestation » du mardi 11 mars à Bruxelles ont été à l'origine des avancées significatives que présente le texte récemment adopté par le Parlement européen. Je pense en particulier à l'article 13, qui prévoit que « les Etats membres peuvent restreindre l'auto-assistance aux utilisateurs des ports dont les navires battent pavillon d'un Etat membre ».
    A l'heure actuelle, la portée du projet de directive européenne est ainsi moins vaste que ne le prévoyait le projet initial, lequel n'envisageait aucune frontière géographique pour son application. Il n'empêche que, sur le fond, le problème reste le même : la libéralisation des services portuaires est extrêmement dangereuse, économiquement, socialement et écologiquement.
    Les interrogations, partagées par toute une profession, au-delà des clivages syndicaux traditionnels, portent toujours sur la position et l'attitude politique de l'actuel Gouvernement français.
    Je poserai donc deux questions.
    J'aimerais tout d'abord savoir si le Gouvernement est prêt, aujourd'hui, à oeuvrer en faveur d'une modification de ce projet de directive européenne, qui, en l'état, par le recours à l'auto-assistance, déréglemente les métiers et les professions portuaires. Or ceux-ci étaient jusqu'à présent clairement identifiés, en France, par la législation sociale nationale, les conventions et recommandations de l'Organisation internationale du travail.
    Par ailleurs, si la directive européenne intègre de nouvelles améliorations majeures et devient officielle, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à sa transposition dans le droit français ?
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le député, nous avons déjà évoqué ensemble les problèmes de transport dans la région de Marseille. Ce qui nous importe, en réalité, c'est l'attractivité de nos ports. A cet égard, le projet de FOS 2 XL est très important. Comment faire pour que les armements français, européens, mondiaux, ne quittent pas nos ports ? Telle est la préoccupation du Gouvernement. Le rapport que publiera dans une semaine le sénateur de Richemont sur le pavillon et sur le cabotage devrait précisément nous permettre d'ouvrir le débat et d'accomplir ensemble, je l'espère, de réels progrès.
    Venons-en à la directive, qui est en effet discutée depuis plusieurs mois. Elle a été présentée par la Commission européenne en février 2001 et vise à mieux définir les conditions d'accès au marché des services portuaires d'assistance aux navires ainsi que de la manutention portuaire. La notion d'auto-assistance pour certains services portuaires y était également définie. Une position commune avait en effet été prise sur ce plan par le Conseil européen des transports de juin 2002, auquel participait, pour notre gouvernement, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Comme vous l'avez souligné, monsieur Dutoit, le Parlement européen, lors d'une seconde lecture, le 11 mars dernier, a proposé de nouveaux amendements qui, sans vouloir supprimer purement et simplement l'auto-assistance existant dans les ports, apportent un certain nombre de restrictions à son usage. Il faut signaler néanmoins la reconnaissance et l'introduction de critères liés à la qualification professionnelle, critères qui semblent le plus à même d'assurer la sécurité et la fiabilité des opérations portuaires.
    Les amendements actuels du Parlement européen rencontrent l'opposition de la Commission européenne, s'agissant de l'exclusion du pilotage et des restrictions apportées à l'auto-assistance, qui serait réservée au personnel de bord, avec un système d'autorisation obligatoire s'imposant à tous les services, mais avec les conditions sociales applicables dans le pays de chargement ou de déchargement.
    En ce qui concerne le pilotage, la position commune avait permis d'établir un compromis tout à fait satisfaisant, reconnaissant les particularités du pilotage et permettant de sauvegarder les principes d'organisation existant en France, dont vous savez d'ailleurs, monsieur Dutoit, qu'ils diffèrent sensiblement selon les ports. Sa suppression pure et simple de la directive peut présenter un inconvénient pour le pilotage lui-même, dans le sens où la reconnaissance de ses missions d'intérêt général n'est plus assurée. Il faut donc prendre garde, au fil des diverses modifications, à ne pas mettre en cause l'existence du pilotage et ses particularités dans notre pays.
    En ce qui concerne l'auto-assistance, objet principal de votre question, il convient de veiller à ce qu'un surcroît de réglementation ne vienne pas s'opposer avec ce qui nous paraît un des grands axes de développement durable d'une politique de transport en matière de cabotage maritime. Si l'on veut faire du cabotage, il faut décharger et recharger vite afin que les bateaux puissent faire de vraies liaisons avec une fréquence permettant de limiter la présence des poids lourds sur les routes et d'assurer les liaisons entre la façade méditerranéenne française et l'Italie ou l'Espagne.
    Une procédure de conciliation va donc s'engager entre le Conseil et le Parlement européen. Le souci du Gouvernement français sera de veiller, d'une part, à ce que soit maintenue la nécessité de qualification professionnelle, qui reste d'ailleurs à préciser de façon formelle avec les organisations professionnelles et les partenaires sociaux, et, d'autre part, à ce que soient évitées des dispositions qui bloqueraient le développement du cabotage maritime. En effet, on ne peut à la fois être pour le cabotage maritime, pour le développement durable, et s'opposer à certaines formes d'auto-assistance avec les régulations professionnelles de sécurité sociale que j'ai indiquées. Ce n'est qu'à l'issue de ce processus de discussion que sera effectuée la transposition de cette directive en droit français, mais nous le ferons en concertation avec les organisations professionnelles concernées.
    En résumé, nous sommes favorables à une auto-assistance contrôlée. Nous considérons donc comme intéressants les amendements du Parlement. Le Gouvernement français participera à la procédure de conciliation en dialoguant avec les organisations professionnelles de la manutention et, naturellement, avec les partenaires sociaux.
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Je prends acte, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse. J'attire une fois encore l'attention sur le fait que le sort de nombreux salariés, et notamment des dockers, dépend de cette directive européenne, et, surtout, de son application en France. Je ne serai pas jusqu'au-boutiste et je ne demanderai pas l'abolition pure et simple de la directive. La démonstration vient d'ailleurs d'être faite qu'il est possible de la modifier quelque peu. J'apprécie votre intention de travailler avec l'ensemble des partenaires sociaux, et en particulier avec les partenaires syndicaux, très fortement impliqués dans cette affaire.

CR 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O