Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire a appelé l'attention du ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur une question qui dépasse largement le domaine de compétence de ce dernier en matière de défense et de promotion de la langue française. Elle concerne en effet un domaine, celui des publications et communications scientifiques, où la question du choix de la langue revêt un caractère très particulier et renvoie à d'autres problématiques dont le traitement relève plus spécifiquement de la politique du ministère chargé de la recherche et des stratégies mises en oeuvre par les institutions françaises de recherche et d'enseignement supérieur. Dans ce domaine, les pratiques des chercheurs français soulèvent, de manière récurrente depuis une vingtaine d'années, des questions et des débats extrêmement polémiques et controversés. Car ce problème de la langue dans laquelle les chercheurs français (et francophones) doivent diffuser les résultats de leurs travaux pose en fait non seulement la question de leur place (effective ou souhaitable) au sein de la communauté scientifique internationale mais aussi et d'abord celle de leur évaluation (dont dépend le déroulement de leur carrière). En France, les procédures d'évaluation des chercheurs mises en place dans les organismes publics de recherche accordent une importance primordiale aux publications dans des « revues de rang A », lesquelles, on le sait, sont très majoritairement des revues anglophones. Il en résulte que les communications faites par les chercheurs français aux colloques ou congrès internationaux sont très souvent faites en anglais (c'est-à-dire dans la langue où ils ont déjà publié leurs travaux ou se préparent à le faire). De la même manière, la mesure comparative de la production scientifique des différents pays (telle qu'elle est généralement pratiquée en Europe et notamment en France par l'Observatoire des sciences et des techniques) s'établit sur le plan international par l'utilisation de la base de données américaine de l'ISI (Institute for scientific information) qui fournit des indices bibliométriques à partir de publications à prédominance anglo-saxonne. Signalons toutefois l'action de l'INIST (Institut national de l'information scientifique et technique), institut du CNRS, qui oeuvre pour la présence de la France, et donc du français, dans la diffusion scientifique et technique à travers deux bases de données bibliographiques multilingues et multidisciplinaires (PASCAL et FRANCIS) qui sont les seules, au niveau mondial, en concurrence avec les bases de données américaines. Ainsi, sans aller jusqu'à considérer comme l'honorable parlementaire qu'« aujourd'hui, pour que leurs recherches soient prises en compte, les chercheurs doivent écrire en anglais dans des revues anglophones référencées sur la base de données nord-américaines », force est d'admettre que la question du choix de la langue est cruciale. Ce constat doit cependant être nuancé dans deux domaines : d'une part, dans le domaine des mathématiques, où les publications se font en français compte tenu de la place prééminente qu'occupe la recherche française sur le plan international, d'autre part, en ce qui concerne les sciences humaines et sociales, où l'expression de la pensée nécessite la maîtrise de la langue dans toutes ses nuances : la plupart des travaux de ce domaine sont encore publiés en français. Il convient de relever que, par voie de conséquence, la production scientifique en sciences humaines et sociales n'est toujours pas convenablement mesurée en Europe en l'absence de base de données de publications pertinente. S'agissant de ce qui relève de sa compétence, le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a, pour sa part, récemment rappelé, dans une note du 20 mars 2003 adressée à tous les agents du ministère des affaires étrangères, leurs responsabilités pour restaurer et développer la place de la langue française sur les cinq continents et faire respecter son statut de langue officielle ou de langue de travail dans les enceintes internationales. Par ailleurs, la direction générale de la coopération et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères vient de publier une brochure sur « La langue française dans le monde » consignant les principales orientations et initiatives du ministère en matière de promotion de la langue française. Enfin, préoccupé autant par la diffusion de la pensée et de la culture françaises (ou francophones) que par la stricte défense de la langue, la DGCID, de concert avec l'organisation internationale de la francophonie et le ministère de la culture, apporte son appui aux chercheurs, aux institutions ou organismes de recherche français et francophones pour leur permettre une plus large expression au sein de la communauté scientifique internationale. En vue de promouvoir la science française dans le cadre des grandes réunions internationales, un soutien est donné chaque année à près de deux mille chercheurs pour faciliter leurs déplacements. Par ailleurs, des moyens sont apportés pour l'interprétation et la traduction simultanées afin de permettre aux chercheurs francophones de s'exprimer dans leur langue dans les grandes manifestations scientifiques internationales. Il s'agit d'apporter des moyens financiers significatifs pour que les francophones puissent assister aux conférences et réunions internationales. Il convient dans le même temps de préparer leur participation active à ces conférences, ce qui suppose, préalablement, une aide pour la traduction et la diffusion de leurs travaux afin que ces derniers soient suffisamment connus pour retenir l'attention et donner lieu à des communications dans le cadre de ces conférences mondiales. Enfin, l'importance du soutien accordé à la venue de chercheurs étrangers dans les laboratoires français, moyen indirect mais efficace de promotion de la langue française, est également à prendre en compte. Les organismes publics de recherche français emploient d'ailleurs déjà un fort contingent de chercheurs étrangers (ceux-ci représentent actuellement 10 % des chercheurs statutaires au CNRS).
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