FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 2354  de  M.   Bapt Gérard ( Socialiste - Haute-Garonne ) QG
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  Premier ministre
Question publiée au JO le :  01/12/2005  page : 
Réponse publiée au JO le :  01/12/2005  page :  7707
Rubrique :  santé
Tête d'analyse :  sida
Analyse :  lutte et prévention
DEBAT :

LUTTE CONTRE LE SIDA


M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.
M. Gérard Bapt. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, le sida a tué plus de 25 millions de personnes depuis son identification en 1981. Quarante millions de personnes sont aujourd'hui porteuses du VIH, dont 150 000 en France, et le nombre de personnes infectées continue d'augmenter dans toutes les régions du monde, y compris en France.
Au plan international, il faut agir pour permettre l'accès aux soins dans tous les pays, en particulier les plus pauvres, en développant les génériques à des coûts accessibles. Pour notre pays, le rapport du CNS, le Conseil national du sida, qui vient d'être publié, est sévère. Les objectifs en matière de lutte contre la propagation du virus définis dans le dernier plan national 2001-2004 de lutte contre le sida, notamment afin d'enrayer la reprise épidémique chez les homosexuels masculins et de réduire les écarts existant entre la population française et les étrangers vivant en France, ne seront pas atteints.
Le Conseil national du sida juge que l'engagement de l'État en faveur de la prévention de l'infection est insuffisant, que la place de la prévention dans le nouvel environnement de santé publique est floue et que les réponses apportées paraissent faibles au regard des enjeux. Au sein de l'État, l'éducation nationale semble absente. Les associations qui oeuvrent contre ce fléau de santé publique dénoncent le manque de moyens et indiquent que de nombreux CDAG, centres de dépistage anonymes et gratuits, risquent de fermer en 2006, faute de moyens.
La question qu'elles vous posent, monsieur le Premier ministre, est donc simple : pour la lutte contre le sida, décrétée " grande cause nationale " par le gouvernement précédent, l'année 2005 n'aura-t-elle pas été finalement une année pour rien ?
Je souhaite compléter cette question par des interrogations concernant l'ensemble des politiques gouvernementales ayant des incidences sur la prévention du sida. Il s'agit notamment de la réforme de l'aide médicale d'État concernant les personnes étrangères résidant sur notre sol. Il s'agit de la loi sur la sécurité intérieure concernant la prostitution, les toxicomanes et les migrants. Et il pourrait s'agir de la future loi sur l'immigration. Ces politiques menées par d'autres ministères que celui de la santé freinent l'accès aux soins, réduisent les contacts entre les personnes et les associations de prévention, et augmentent donc les risques d'exposition au virus.
Monsieur le Premier ministre, comptez-vous intervenir pour éviter que des politiques menées par d'autres ministères que celui de la santé n'entravent le bon déroulement d'actions efficaces et ne nuisent aux objectifs affichés de la loi de santé publique votée l'an dernier par le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (réponse commune à quatre questions)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, je remercie tout d'abord l'Assemblée nationale et son président d'avoir bien voulu mettre l'accent sur cette importante journée nationale. En effet, la lutte contre le sida a été déclarée grande cause nationale de l'année 2005, et je tiens à saluer ici l'engagement du collectif national.
Grâce au travail remarquable accompli par les associations, les professionnels de santé et les chercheurs, nous avons obtenu un certain nombre de succès dans le domaine de la prévention, qu'il s'agisse de la propagation du virus chez les usagers de drogue, de sa transmission de la mère à l'enfant ou lors de transfusions sanguines.
Mais ces succès ne doivent pas nous faire oublier la réalité de la situation. Le sida tue encore aujourd'hui dans notre pays et nous assistons à une augmentation des comportements à risque. Il s'agit d'une épidémie active. Dans presque un tiers des cas, le diagnostic révèle une infection de moins de six mois. Chaque année, 6 000 à 7 000 personnes découvrent leur séropositivité. Il y a actuellement en France 100 000 personnes séropositives.
L'arrivée de nouveaux traitements et la baisse du nombre de décès ont pu donner le sentiment d'une atténuation de la dimension tragique de cette épidémie. Pour beaucoup - beaucoup trop - de nos concitoyens, en particulier pour les jeunes, le sida est devenu une maladie chronique presque comme une autre. Ce manque de vigilance s'accompagne d'une ignorance croissante des modes de transmission. La recrudescence des comportements à risque intervient alors même que l'État consacre des moyens considérables à la prévention, à laquelle 64 millions d'euros sont affectés chaque année.
Alors, que faire ? Il faut d'abord repenser les outils de la politique de prévention. Sous la responsabilité de Xavier Bertrand, le Gouvernement veut agir dans trois directions.
Premièrement, il entend refuser la banalisation et mieux informer de la gravité de cette infection, ce qui suppose des actions et des campagnes beaucoup plus ciblées. À une prévention généraliste, nous devons préférer des messages choisis et ciblés en direction des populations les plus exposées. Je pense au milieu homosexuel, où l'on constate une augmentation des comportements à risque et où l'on recense un quart des nouveaux diagnostics. Je pense aussi aux populations migrantes, en particulier aux femmes originaires d'Afrique subsaharienne, mais également aux populations habitant des zones où les associations sont peu présentes. Enfin, nous devons faire le nécessaire pour prévenir les contaminations en prison.
La deuxième direction consiste à repenser la politique d'éducation sexuelle en général, notamment à l'école. Face au relâchement des comportements de prévention, en particulier chez les jeunes et les personnes séropositives, nous devons poser plus largement la question des rapports entre hommes et femmes, entre partenaires, et du respect qui doit fonder toute relation.
La troisième direction consiste à travailler en étroite collaboration avec les associations.
Depuis vingt ans, elles ont joué un rôle déterminant dans la prise en compte des problèmes liés au sida. Je tiens à saluer l'engagement et le dévouement de tous ceux qui se mobilisent au quotidien pour soutenir les malades et leurs proches et pour sensibiliser l'ensemble des Français. Leur expérience nous est précieuse, et je souhaite qu'elles puissent nous faire part de leurs propositions pour rendre la prévention de proximité plus efficace encore.
Au-delà du développement des outils de prévention, nous devons changer notre regard sur la maladie. Aujourd'hui encore, les discriminations s'ajoutent à la souffrance due à la maladie. Trop de regards se détournent, trop de peurs et d'ignorance provoquent des attitudes de rejet. Pour les malades et pour leurs proches, c'est une douleur supplémentaire et un sentiment d'exclusion. Nous ne pouvons accepter que les séropositifs ne soient pas considérés comme des citoyens à part entière dans notre pays.
La lutte contre les discriminations à l'encontre des personnes séropositives ou malades du sida sera une priorité pour notre action en 2006. Xavier Bertrand est pleinement mobilisé dans ce domaine, en lien avec la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Il a notamment demandé à M. Belorgey, président de la section du rapport et des études du Conseil d'État, de dresser un bilan des dispositifs en faveur de l'accès à l'assurance et à l'emprunt des personnes présentant un risque de santé aggravé et de lui faire part à brève échéance de propositions de nature à améliorer la situation.
Nous devons également renforcer notre action en faveur de la recherche. Nous disposons, avec l'Agence nationale de la recherche sur le sida, d'un outil dont l'efficacité et la qualité scientifique sont internationalement reconnues. Son budget, qui augmentera de 5 % en 2006, s'élève à 44 millions d'euros et permet à la France d'être présente dans tous les champs de la recherche contre le sida : la recherche fondamentale, la recherche clinique, avec le financement et la promotion d'essais thérapeutiques, et la recherche vaccinale. Après une pause de dix mois, l'Agence nationale de la recherche sur le sida a annoncé le 28 novembre qu'elle reprenait son programme de recherche d'un vaccin préventif contre le sida. Elle a mis en place un réseau important et structuré des essais vaccinaux.
Bien évidemment, nous devons lier étroitement nos efforts avec ceux de tous nos partenaires. L'Agence nationale est aussi le chef de file de la coopération européenne dans le domaine de la recherche clinique et soutient de nombreux projets de recherche dans les pays en développement. Près d'un quart de son budget y est consacré. Six pays principaux - le Sénégal, la Côte-d'Ivoire, le Burkina-Faso, le Cambodge, le Vietnam et le Brésil - bénéficient ainsi de financements pérennes en termes d'équipements, d'infrastructures et de personnel.
Nous devons enfin nous mobiliser en faveur des pays en développement. C'est, vous l'avez rappelé, une nécessité et un enjeu important, car le sida représente un risque majeur sur le plan international. Plus de 40 millions de personnes vivent actuellement avec le VIH et 3 millions de personnes en meurent chaque année, dont 500 000 enfants. C'est un drame sanitaire, un drame humain et un drame social qui frappe avec une dureté particulière les pays les plus pauvres ; 90 % des Africains et 70 % des Asiatiques qui auraient besoin d'anti-rétroviraux n'y ont pas encore accès aujourd'hui.
Pour lutter contre ce fléau, la France agit dans trois directions, sous l'impulsion décisive du Président de la République.
La première direction, c'est le financement international de la lutte contre le sida. Le besoin annuel s'élève à 15 milliards d'euros par an en matière de prévention et d'accès aux traitements. La France consent un effort considérable, et elle a choisi de le faire dans le cadre multilatéral du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Elle doublera en deux ans la contribution à ce fonds, pour la porter à 300 millions d'euros en 2007, devenant ainsi le premier contributeur mondial dans la lutte contre le sida. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La deuxième direction, c'est la propriété intellectuelle. En août 2003, la France a joué un rôle déterminant à l'OMC dans la conclusion de l'accord instituant un système de licences obligatoires extraterritoriales qui permettra aux pays pauvres d'obtenir les médicaments dont ils ont besoin au prix le plus bas possible. Cet accord est en cours de transposition dans les États membres de l'OMC et au plan communautaire.
La troisième direction, c'est la création de moyens de financement innovants. Le Président de la République a proposé aux pays industrialisés une contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion. Cette taxe sera mise en oeuvre en France le 1er juillet prochain. Elle permettra de recueillir 200 millions d'euros, qui seront notamment affectés à la lutte contre le sida. La Grande-Bretagne et le Chili se sont d'ores et déjà engagés à appliquer un dispositif analogue. La concertation se poursuit afin que d'autres pays prennent part à ce financement innovant. Une conférence internationale se tiendra à Paris fin février pour décider de l'affectation de ces sommes qui permettront de changer d'échelle dans l'achat de médicaments pour les pays pauvres.
Vous le voyez, un gros travail a été engagé. À cette heure, face à de nouveaux risques, nous devons encore accroître notre effort tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

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