Texte de la QUESTION :
|
M. Roland Blum attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la modification du code de justice administrative introduisant l'obligation de recourir à un ministère d'avocat devant le second degré de juridiction. Le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 modifie l'article R. 811-7 du code de justice administrative en introduisant l'obligation pour les contribuables et leurs associations de recourir à un avocat pour les recours devant une cour administrative d'appel. Cette modification essentielle apparaît en contradiction, d'une part, avec le principe reconnu par la doctrine, selon lequel le recours pour excès de pouvoir est un « recours d'utilité publique » et, d'autre part, avec le principe du double degré de juridiction. Par ailleurs, ce décret introduit une inégalité devant la justice entre les citoyens selon qu'ils sont ou non fonctionnaires de l'État et soumet le contribuable à un jugement inéquitable, puisque la partie adverse dispose du ministère d'avocat réglé par les taxes payées par le requérant. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer dans quelle mesure il serait possible d'abroger l'obligation faite aux associations et citoyens de recourir à un ministère d'avocat pour les recours devant les cours administratives d'appel.
|
Texte de la REPONSE :
|
Le nouvel article R. 811-7 du code de justice administrative pose, à l'exclusion des cas prévus par les 1° et 2° dudit article, le principe du recours obligatoire à un ministère d'avocat devant les cours administratives d'appel. Cette disposition répond, dans le cadre des réformes prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, à la nécessité de maîtriser l'accès au juge d'appel en matière administrative. Il est toutefois fait observer à l'honorable parlementaire que, contrairement à ce qu'il redoute, cette nouvelle disposition sert aussi bien le souci d'une bonne administration de la justice que l'intérêt du justiciable. En effet, autant l'accès au juge de première instance doit être largement entendu, autant la fonction du juge d'appel, qui se distingue de celle du juge de premier ressort, implique que le recours devant le second degré de juridiction soit éclairé par l'intervention des auxiliaires de justice, comme c'est déjà largement le cas en matière civile. Ainsi dorénavant, mieux argumentée en droit, la requête en appel aura pour conséquence de conforter le juge d'appel dans son rôle propre. En outre, l'intervention obligatoire d'un avocat en appel constitue une garantie pour la défense des justiciables. Les statistiques, parfois méconnues, montrent que, devant les cours, 35,77 % des requêtes présentées sans avocat sont immédiatement rejetées par ordonnance, c'est-à-dire avant même tout examen au fond, alors que seulement 10,86 % des requêtes présentées par un avocat sont rejetées selon la même procédure. En ce qui concerne les affaires qui passent devant les formations collégiales, le taux de rejet des requêtes présentées sans avocat est de 77,03 % et de 67,84 % pour les requêtes présentées par un avocat. En réalité, il est de l'intérêt même des justiciables d'être assistés par un auxiliaire de justice. De fait, beaucoup de requérants ont déjà compris l'avantage apporté par l'assistance d'un avocat, le cas échéant, en ayant recours au mécanisme de l'aide juridictionnelle. Ainsi, d'ores et déjà, sur les 15 000 requêtes enregistrées devant les cours en 2002, près des deux tiers ont été présentées par un avocat (60,80 %). En application des nouvelles dispositions, la proportion des requêtes qui pourront ne pas être présentées par un avocat se situe autour de 12,5 %. Au demeurant, pour apprécier l'exacte portée de la réforme induite par le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003, il convient de noter que 85 % des jugements des tribunaux administratifs ne sont pas frappés d'appel. Il sera enfin fait remarquer à l'honorable parlementaire que ces dispositions nouvelles rejoignent en outre largement les règles applicables en matière civile. L'article R. 811-7 du code de justice administrative, qui a prévu de maintenir une dispense d'avocat pour les litiges individuels relatifs à la situation des agents publics, s'agissant d'un contentieux opposant l'État, en sa qualité d'employeur, à ses agents, doit être mis en parallèle avec les dispositions relatives au contentieux des salariés de droit privé. En effet, par exception à la règle générale selon laquelle l'appel devant les juridictions judiciaires doit nécessairement être introduit par ministère d'avocat, en matière de droit du travail, et en raison de considérations à caractère social, celui-ci n'est pas obligatoire pour faire appel d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes.
|