Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Paul Dupré attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la question de la brevetabilité des logiciels. La Convention européenne sur les brevets stipule que les brevets européens sont délivrés pour les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptible d'application industrielle. Elle précise par ailleurs que les programmes d'ordinateur et autres modèles économiques et méthodes mathématiques ne sont pas considérés en tant que tels comme des inventions et, partant, ne sont pas brevetables. Or la proposition de directive sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur va totalement à l'encontre de ce principe, prenant ainsi le risque de figer le système. Ce qui serait la pire des choses car elle nous ferait entrer dans le jeu des Américains qui brevètent tout, empêchant de la sorte toute innovation. D'où il parait nécessaire de s'opposer vigoureusement à cette proposition de directive qui aboutirait donc, de fait, à consacrer le monopole des Etats-Unis dans le domaine des logiciels informatiques. Il lui demande quelle position entend adopter le Gouvernement en la matière.
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Texte de la REPONSE :
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Le projet de directive européenne portant sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur n'a pas pour finalité d'étendre le champ de la brevetabilité, mais, bien au contraire, d'en préciser les limitations, tout en restant respectueux des accords internationaux auxquels nous adhérons. Cependant, des ambiguïtés étaient présentes dans le projet initial élaboré par la Commission européenne et avaient motivé des réserves de la France vis-à-vis de ce texte. Lors du premier examen de ce projet de directive, le Parlement européen a voté des amendements significatifs. Certains d'entre eux, issus des travaux de sa commission juridique, corrigent le texte dans le sens approprié, à l'instar de ce qui avait été proposé par le groupe de travail des représentants des États membres. D'autres amendements introduisent des limitations plus drastiques au champ de la brevetabilité et des conditions plus limitatives aux critères de brevetabilité : ils nécessiteront une analyse complémentaire concernant leur compatibilité avec l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) auquel l'Union européenne et les États membres adhèrent en tant que membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En Europe, une invention est brevetable si, relevant d'un domaine technologique, elle est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d'application industrielle. Pour impliquer une activité inventive, une invention doit apporter une contribution technique. Ces critères sont bien plus restrictifs que ceux appliqués aux États-Unis où, en l'absence d'exigence de contribution technique, la jurisprudence a pu étendre le champ de la brevetabilité aux logiciels et aux méthodes d'affaires, ce qui n'empêche d'ailleurs pas le logiciel libre de s'y développer. En Europe, un logiciel en tant que tel n'est pas considéré comme une invention brevetable : ne pourra l'être qu'une solution technique innovante apportée à un problème technique, solution qui peut être mise en oeuvre par des moyens matériels ou logiciels. Le droit d'auteur est une protection contre la copie servile de tout logiciel, innovant ou pas, mais n'interdit pas la reconstitution d'une invention ; seul le brevet permet à un inventeur de protéger ses droits vis-à-vis de compétiteurs, notamment des grandes entreprises. Le développement des technologies informatiques a naturellement conduit à l'augmentation des dépôts de brevet dans ce secteur. Si des brevets ont été accordés alors qu'ils ne paraissent pas répondre aux critères en vigueur en Europe, la procédure d'opposition peut être utilisée pour les contester. Mais actuellement, en l'absence de texte communautaire, des divergences de jurisprudence peuvent apparaître entre États membres. L'intérêt d'une directive communautaire est de permettre l'élaboration d'une jurisprudence européenne unifiée sur la base de critères explicites, ce qui devrait être accueilli favorablement par l'ensemble des acteurs économiques européens, en particulier les petites entreprises et les développeurs indépendants promoteurs de logiciels libres. Encore faut-il que cette future directive pose des règles claires et applicables et qu'elle soit compatible avec les engagements internationaux de l'Union européenne. C'est ce à quoi s'emploie le gouvernement français, soucieux de transparence et attentif à favoriser l'émergence de positions équilibrées.
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