DEBAT :
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CARACTERE ANTISEMITE DU MEURTRE D'ILAN HALIMI M. le président. La parole est à M. Georges
Tron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M.
Georges Tron. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre
de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Le 13 février, à
Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l'Essonne, le jeune Ilan Halimi était retrouvé
nu, ligoté, bâillonné, portant des traces de brûlures et de tortures sur tout le
corps. Il devait décéder quelques heures après. Ce crime particulièrement
odieux a plongé notre pays dans l'effroi. Vous-même, monsieur le ministre, avez
qualifié à juste titre de " barbares " les auteurs de cette affreuse agression.
Le pire est sans doute qu'ils revendiquent eux mêmes le mot " barbares "
puisqu'ils ont ainsi dénommé leur gang. Les juges en charge du dossier ont
décidé de retenir la circonstance aggravante d'antisémitisme à l'encontre de
celles et ceux qui ont perpétré ce crime affreux. L'un d'entre eux a en effet
déclaré qu'Ilan Halimi avait été kidnappé, torturé et tué parce qu'il était
juif, avant d'ajouter : " Les juifs sont une communauté solidaire et ce sont des
gens riches. " Un autre a également indiqué que c'est parce qu'il était juif
qu'Ilan Halimi avait été brûlé sur le front avec une cigarette. M. le
président du Conseil représentatif des institutions juives de France a demandé
hier au Premier ministre que toute la vérité soit faite sur cette affaire.
Monsieur le ministre, en fonction des informations dont vous disposez,
pouvez-vous nous dire si, oui ou non, le jeune Ilan Halimi a été tué parce qu'il
était juif ? M. le président. La parole est à M. le ministre
d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. M.
Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de
l'aménagement du territoire. Monsieur le député, nous avons un devoir de
vérité envers la mémoire d'Ilan Halimi et à l'égard de sa famille, de ses
parents, de ses amis et, au-delà, de tous les juifs de France. La vérité,
c'est d'abord que ces individus qui se sont comportés comme des barbares sont
des voyous chevronnés, puisque le chef de la bande est connu des services de
police pour treize affaires et l'un de ses complices pour une vingtaine. À cette
occasion, je veux redire devant la représentation nationale que la multirécidive
est un problème devant lequel l'État républicain est encore par trop désarmé.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire et sur certains bancs du groupe Union pour la démocratie française.-
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La vérité, c'est encore
que sur les six personnes qui ont été " approchées " pour faire l'objet d'une
tentative d'enlèvement, quatre étaient de confession juive. La vérité, c'est
que ces voyous ont d'abord agi pour des motifs crapuleux et sordides, pour
l'argent, mais en ayant la conviction que " les juifs ont de l'argent ", et que
si la personne qu'ils enlevaient n'en avait pas, sa famille ou sa communauté
seraient solidaires. Il n'est donc pas besoin d'ergoter davantage : cela
s'appelle de l'antisémitisme par amalgame. La vérité, c'est que les
perquisitions ont permis de découvrir des documents de soutien aux comités de
bienfaisance et de secours aux Palestiniens ainsi que des prescriptions de
caractère salafiste. Chacun doit en être informé. On ne peut pas, d'un côté,
avoir l'exigence de la vérité et, de l'autre, ne pas divulguer ces informations,
quelle que soit par ailleurs la procédure engagée par le juge d'instruction.
(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) M.
Jean-Marc Ayrault. Existe-t-il encore une indépendance de la justice
? M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement
du territoire. La vérité est donc celle-ci, celle qui est disponible à
ma connaissance et que je me devais, sous le contrôle du Premier ministre, de
donner à la représentation nationale. Cette vérité, me semble-t-il, ne doit
susciter ni amalgame, ni haine, ni crainte. Ceux qui ont fait cela sont des
voyous. La plupart d'entre eux sont aujourd'hui sous les verrous, et tout sera
mis en oeuvre pour que les autres soient retrouvés. Mais nous devons à la
mémoire de ce jeune homme d'éviter tout amalgame, car ce serait particulièrement
odieux. Cette affaire doit nous inviter tous à un sursaut de volonté de paix, de
tolérance et de dialogue. Il ne manquerait plus, en effet, qu'à la barbarie
s'ajoutent l'incompréhension, l'intolérance et le racisme. C'est le message que
le Gouvernement voulait donner à la représentation nationale.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
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