Texte de la QUESTION :
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M. Philippe Dubourg souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur l'inquiétude d'associations familiales, d'associations de parents d'élèves et d'enseignants devant l'impossibilité, semble-t-il, d'appliquer dans certains établissements scolaires l'absence de port de signes religieux ou de discrimination. Depuis 1989, « l'affaire du voile islamique » dont on a pu penser un moment qu'elle était un phénomène passager qui s'atténuerait avec le temps, a pris au contraire un grave développement. Ce qui au début passait pour une tolérance prend aujourd'hui l'aspect d'une faiblesse qui pénalise d'ailleurs des jeunes filles dont il est parfois difficile de croire qu'elles sont consentantes. De plus, les musulmanes non voilées sont soumises à des persécutions bien réelles. Au-delà même d'une opinion religieuse issue « d'un choix personnel » - qui ne devrait pas s'afficher au sein de l'école publique -, le foulard est brandi comme un signe politique (comme l'ont montré les récents événements au collège de Savigny-le-Temple) qui en réalité, enferme souvent la jeune fille dans une communauté de repli où elle risque de faire, plus tard, l'objet d'un pur échange social autoritairement réglé de l'extérieur. Certes, les partisans du voile s'abritent derrière leur attachement à la citoyenneté et à la liberté, mais en fait, en faisant prévaloir l'emprise d'une appartenance culturelle exclusive, ils nient les principes et la nécessité d'une école républicaine laïque et mixte fondée sur le dépassement des données sociales par le développement acquis de talents personnels. Ce qui se passe au lycée Henri-Wallon, à Aubervilliers, de manière très médiatisée, mais aussi beaucoup plus discrètement dans beaucoup d'autres établissements, doit prendre fin au plus vite. Il lui demande donc quelles mesures il entend prendre dans le domaine législatif ou réglementaire pour que soit respecté le principe général qui veut que l'école soit soustraite à la pression de tout groupe politico-religieux quel qu'il soit.
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Texte de la REPONSE :
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Le principe de laïcité du service public d'éducation, posé dans le préambule de la Constitution de la Ve République, s'impose tout d'abord à l'État, qui, pour garantir l'égalité de tous devant l'instruction, doit respecter strictement la neutralité dans le cadre de l'enseignement. Ainsi, conformément à l'avis du Conseil d'État rendu le 3 mai 2000, les agents du service de l'enseignement public ne disposent pas, dans le cadre de ce service, du droit de manifester leurs croyances religieuses. Les élèves, en tant qu'usagers du service public, disposent de la liberté d'exprimer leurs convictions religieuses, mais dans les limites inhérentes au bon fonctionnement du service. Le Conseil d'État, dans son avis du 27 novembre 1989, a écarté la possibilité d'une interdiction générale et absolue du port de signes religieux par les élèves, en indiquant que leurs manifestations de croyance ou d'opinion ne devaient toutefois ni constituer d'actes de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, ni porter atteinte à leur liberté ou à celle d'autres membres de la communauté éducative, ni compromettre leur santé ou leur sécurité, ni perturber le déroulement des activités d'enseignement, ni troubler l'ordre dans l'établissement. Sur cette base, le Conseil d'État a établi une jurisprudence qui encadre aujourd'hui l'exercice de la liberté d'expression religieuse des élèves. Les principes de la laïcité républicaine et les fondements de la vie sociale doivent être clairement réaffirmés dans les établissements scolaires. Dans le cadre de cette politique, et en réponse à un certain nombre de dérives communautaristes qui ont perturbé au cours de l'année scolaire 2002-2003 la vie de plusieurs établissements d'enseignement, une série de mesures a été annoncée le 27 février 2003 par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et par le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Afin d'aider les équipes pédagogiques dans leur action auprès des jeunes pour prévenir ces comportements, une commission, dirigée par le chef de service de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et par le doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale, a été chargée de rédiger un livret destiné à être diffusé dans les établissements. Le « livret républicain » rappellera les grands principes républicains, notamment le principe de laïcité, et contiendra des textes que les enseignants pourront travailler avec les élèves dans les écoles, les collèges et les lycées. Ce livret sera complété par un « guide d'action », établi à partir de situations concrètes. Ces outils sont en cours d'élaboration et pourront être diffusés au cours du second trimestre de l'année scolaire. Des cellules de veille et d'action ont été mises en place dans les rectorats pour soutenir les chefs d'établissement et les autres personnels, et répondre aux questions qu'ils pourraient se poser. Une cellule nationale de prévention des dérives communautaristes est également mise en place au sein de l'administration centrale, en soutien au réseau des équipes académiques. Le débat national sur l'avenir de l'école, qui vient de s'ouvrir, pourra porter notamment sur les thèmes des valeurs de la République et de la laïcité. La commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, présidée par M. Bernard Stasi, et la mission d'information sur la question des signes religieux à l'école de l'Assemblée nationale travaillent actuellement, en particulier, sur la question du port du voile islamique dans les établissements scolaires. Il est nécessaire d'attendre l'issue des travaux de ces groupes de réflexion pour se prononcer sur l'éventualité de nouvelles mesures.
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