FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 26560  de  M.   Gantier Gilbert ( Union pour la Démocratie Française - Paris ) QE
Ministère interrogé :  jeunesse et éducation nationale
Ministère attributaire :  jeunesse et éducation nationale
Question publiée au JO le :  20/10/2003  page :  7962
Réponse publiée au JO le :  08/12/2003  page :  9452
Rubrique :  recherche
Tête d'analyse :  physique et chimie
Analyse :  prix Nobel. statistiques
Texte de la QUESTION : M. Gilbert Gantier expose à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche que d'après une statistique publiée à l'occasion de l'attribution des prix Nobel de physique et de chimie, les Etats-Unis d'Amérique auraient obtenu en vingt années (1977 à 1996) 22 prix Nobel de chimie et 28 prix Nobel de physique, cependant que, pendant la même période, les quatre grands pays européens (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie), représentant une population équivalente, n'auraient obtenu que 9 prix Nobel de chimie et 9 prix Nobel de physique. Il lui demande s'il est possible de vérifier ces statistiques ; si l'attribution de prix Nobel constitue bien un indice révélateur du progrès scientifique dans les domaines de la chimie et de la physique ; quelles sont les raisons qui, dans le domaine de l'éducation ou dans celui de l'organisation de la recherche, pourraient expliquer une telle disproportion.
Texte de la REPONSE : Les populations des États-Unis d'Amérique d'une part et de l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie d'autre part sont en 2003 respectivement de 291,5 millions d'habitants pour les États-Unis et 258,8 pour les quatre pays européens, plutôt 230 millions si on ne compte pas l'ex-RDA pour la période considérée. En physique, de 1977 à 1996, vingt-sept chercheurs des États-Unis ont reçu le prix Nobel contre quatorze européens dont dix appartiennent aux quatre pays cités ci-dessus. Les autres nationalités des récipiendaires sont celles de la Suisse (2), de la Suède (1), des Pays-Bas (1), du Canada (3), de l'URSS (l) et du Pakistan (1). On notera le faible nombre de pays de l'ex-soviétique et la quasi-absence des pays asiatiques. Chaque année, le prix Nobel est attribué à un, deux ou trois scientifiques. Pour tenir compte du plus grand prestige relatif à un prix Nobel non partagé, on peut pondérer par un facteur 1/3 lorsqu'il y a trois lauréats la même année, 1/2 lorsqu'il y en a deux et un lorsque le lauréat est unique. Dans ces conditions, on trouve en physique 11,1 lauréats pour les États-Unis durant la période considérée et 5,7 pour les quatre pays européens, un peu plus que la moitié du nombre des Américains. En chimie, on trouve bien vingt-deux Américains contre huit des quatre pays européens précités. Les autres récipiendaires viennent de Belgique (1), de Suisse (1), du Canada (2), des Pays-Bas (1) et du Japon (1). Le prix Nobel récompense des scientifiques ayant accompli une oeuvre remarquable dans leur domaine. Habituellement, cela veut dire qu'ils ont initié une thématique ayant eu un grand retentissement et qu'ils sont restés les leaders du domaine. Il est plutôt recommandé que cette thématique ait débouché sur des applications utiles pour l'humanité. A quelques exceptions près, les lauréats ont obtenu leurs résultats les plus marquants assez longtemps avant l'attribution du prix, tout du moins suffisamment pour que la communauté scientifique les aient reconnus et que le sujet ait pris de l'ampleur. L'attribution du prix Nobel n'est donc pas directement corrélée avec l'actualité scientifique. Il reste vrai que ce prix dans les disciplines scientifiques est un bon indicateur de la compétence, du dynamisme et de l'innovation, donc du progrès scientifique. Ce n'est pas un indicateur absolu, puisque les physiciens russes, dont certains de très haute qualité, ou japonais sont absents ou presque de ce palmarès. En tenant compte du poids respectif des populations concernées, on trouve en physique comme en chimie un rapport de un à deux entre les lauréats Nobel des quatre pays européens précités et ceux des États-Unis. Les raisons sont multiples. On peut essayer d'en dégager quelques-unes, sans prétendre à l'exhaustivité. Les prix Nobel sont le reflet d'une science décalée dans le temps. On peut donc dire qu'ils concernent aussi la recherche de la période après la dernière guerre mondiale. A cause de la guerre, de nombreux scientifiques ont dû s'exiler ou se sont volontairement exilés. Des domaines de connaissance ont pu ainsi se renforcer au détriment de l'Europe. Par exemple, en chimie, avant la Seconde Guerre mondiale (1901-1940), il n'y a que deux prix Nobel américains, la quasi-totalité des autres étant obtenus par des européens. De la même façon, la notion de mobilité et de reconnaissance internationale par les pairs, même si maintenant elle est acquise, n'était pas très répandue il y a une trentaine d'années. Cela n'a donc pas favorisé en Europe l'émergence de nombreux centres de rayonnement internationaux, pépinières de prix Nobel. Les programmes cadre européens pour la recherche ne datent que de la fin des années 1980. Leur montée en puissance est progressive. Par conséquent pour la période considérée, les quatre pays européens retenus pour la comparaison doivent être considérés comme des individualités sans coordination, en face d'une recherche plus structurée aux États-Unis. Les efforts consentis par chacun des deux côtés ne sont pas les mêmes. En 1999, on compte 1 219 407 chercheurs aux États-Unis contre 644 610 chercheurs en Allemagne, France, Grande-Bretagne et Italie (source : DG recherche Third European Report on S&T Indicator, 2003). On retrouve là le facteur deux sur les lauréats Nobel. Un récent rapport du député M. Daniel Garrigue (cf. Compte-rendu n° 56 du 30 septembre 2003) met bien en valeur les disparités entre les États-Unis et l'Europe en matière de recherche. Il déplore le décalage qui s'accroît entre l'effort de recherche aux États-Unis et celui en Europe qui peine à atteindre le but des 3 % du PIB alors que les États-Unis sont déjà 2,8 % du PIB et augmentent régulièrement leur contribution. Il souligne l'attractivité du territoire américain pour les jeunes chercheurs brillants (salaires, moyens de travail). Si nous n'y prenons pas garde, les futurs prix Nobel ne seront pas européens.
UDF 12 REP_PUB Ile-de-France O