DÉMOGRAPHIE MÉDICALE EN ZONE RURALE
M. le président. La
parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour exposer sa question
n° 271, relative à la démographie médicale en zone rurale.
M. Pierre
Morel-A-L'Huissier. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes
handicapées, la médecine rurale connaît une grave crise démographique, ce que
souligne parfaitement le rapport Berland, que le Gouvernement a commandé. Les
généralistes et les infirmières sont particulièrement concernés, tant pour la
transmission que pour le remplacement, les gardes et les urgences. De nombreux
cantons ruraux se trouvent aujourd'hui sans médecins et d'autres sont confrontés
à des carences qui s'aggravent d'année en année.
On déplore également une importante
pénurie de spécialistes, que l'absence d'analyse du numerus clausus ces dernières années n'a fait
qu'acroître, alors que l'on sait que de huit à dix années, voire plus, sont
nécessaires pour former un spécialiste.
Le secteur de la psychiatrie est
particulièrement touché, notamment dans mon département, la Lozère, où,
récemment, cinq postes étaient encore vacants au centre hospitalier spécialisé
de Saint-Alban-sur-Limagnole.
L'idée de « maisons de santé »
regroupant divers professionnels de santé fait son chemin dans les territoires
ruraux. La complémentarité, et non la compétition entre clinique privée et
hôpital public, semble également être une réponse souhaitée. J'en veux pour
preuve le projet de pôle médical de Marvejols, en Lozère, en complémentarité
avec le centre hospitalier de Mende.
Madame la secrétaire d'Etat,
qu'entend proposer le Gouvernement sur ces sujets difficiles, qui affectent
lourdement les territoires ruraux ?
Au-delà des professionnels de santé
libéraux, je souhaiterais, tant les deux sujets sont intimement liés, attirer
aussi votre attention sur les maisons de retraite en milieu rural.
Nous éprouvons de graves
difficultés à doter les postes de directeur de maisons de retraite publiques et
privés, dont huit postes dans le public sont aujourd'hui vacants pour mon seul
département. Par ailleurs, ces structures, qui rencontrent de sérieux problèmes
budgétaires depuis la mise en place de la RTT et de l'APA, sont de surcroît
confrontées à des difficultés de financement, le Gouvernement devant faire face
à des engagements antérieurs non budgétés.
Madame la secrétaire d'Etat,
pouvez-vous m'indiquer dans quelle voie le Gouvernement entend s'orienter afin
de faciliter le recrutement des personnels de direction des maisons de retraite,
notamment au moyen de mesures dérogatoires et de dispositifs statutaires
incitatifs ?
M. le président. La
parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Monsieur le député, s'il est vrai que le nombre de médecins n'a jamais été aussi
important qu'aujourd'hui - ils sont près de 200 000 -, il est tout
aussi exact que l'inégalité de leur répartition sur l'ensemble du territoire est
un des principaux constats du rapport sur la démographie des professions de
santé établi en décembre dernier par le doyen Yvon Berland.
En termes de densité médicale,
cette inégalité se traduit déjà par un rapport allant de 1 à 4 entre les
départements les mieux dotés et les départements qui le sont le moins. A
l'échelon de certains cantons, en particulier ruraux, ce rapport est de 1 à 8,
voire davantage.
De plus, ces
inégalités pourraient s'accroître notamment en raison des trois facteurs
d'évolution suivants :
D'abord,
le nombre de médecins va diminuer de manière certaine au cours des dix années
qui viennent, vraisemblablement de 15 000 à 20 000.
Ensuite, les médecins ressentent de
plus en plus durement certaines exigences de leur activité : ils doivent assurer
la permanence des soins dans les zones rurales où la population est de moins en
moins nombreuse. Cette pénibilité croissante de l'exercice médical est souvent
le motif de cessations d'activités anticipées qui, actuellement, ont plutôt
tendance à se multiplier.
Enfin,
les jeunes diplômés, hommes ou femmes, hésitent de plus en plus à s'installer
dans les zones rurales, où ils ne retrouvent pas les conditions de vie ou
d'exercice qu'ils ont connues pendant leurs années de formation.
Dans ces conditions et dans la
droite ligne d'une des propositions faites par le doyen Berland, M. le
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a demandé au
sénateur honoraire Charles Descours de lui faire, dans un délai très bref, une
proposition opérationnelle regroupant l'ensemble des mesures de nature à
maintenir la présence de médecins et d'autres professionnels de santé dans les
zones où le risque de désertification est particulièrement élevé.
Cette proposition comportera
vraisemblablement diverses mesures financières, fiscales et conventionnelles,
visant à encourager et à faciliter l'exercice en milieu rural. Dans ce cadre,
M. le ministre est favorable à ce que les collectivités territoriales
- communes et départements - prennent une place déterminante en
matière d'aménagement de l'espace rural.
Y figureront sans doute aussi les
possibilités ouvertes par la création de maisons médicales ou de cabinets de
groupes multiprofessionnels à partir desquels seraient créés des réseaux de
cabinets secondaires, ainsi que les apports possibles d'une utilisation des
nouvelles technologies - Internet et télémédecine - expertisés à la
lumière d'expériences déjà en cours dans certains départements.