DEBAT :
|
SITUATION DE FRANCE-SOIR ET DE LA PRESSE FRANÇAISE M. le président. La parole est à M. Michel
Françaix, pour le groupe socialiste. M. Michel Françaix. Ma
question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication, qui
est aussi, trop souvent par intermittence à mon goût, ministre de la presse et
de l'écrit. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un
mouvement populaire.) Comme vous le savez, monsieur le ministre, la
presse d'opinion va mal. Fuite du lectorat, chute des recettes publicitaires,
diminution du nombre de points de vente, essor des titres gratuits et d'Internet
: les difficultés de la presse généraliste quotidienne sont
structurelles. Signe du délabrement de la presse en France : depuis le 13
avril, France-Soir, figure historique et incontournable de la presse, n'a
pas paru, alors que cent vingt-deux salariés luttent dans un combat emblématique
pour sauver ce journal. La Cour d'appel de Douai va rendre son jugement. Sans
préjuger de la décision du tribunal et de l'existence d'un magot caché de 40
millions d'euros - évasion fiscale, quand tu nous tiens ! - pouvez-vous vous
satisfaire d'un France-Soir sans pages culturelles et politiques,
oubliant l'exigence de qualité et de rigueur de Pierre Lazareff, pour verser
dans la presse à sensation ? Y a-t-il une fatalité dans ce pays pour que les
patrons de presse, bien souvent marchands d'armes, utilisent l'écrit pour des
coups de Bourse, des enjeux de pouvoir ou la recherche d'argent détourné ? N'y
a-t-il pas une contradiction à faire des journaux sans journalistes, et ne
croyez-vous plus à la presse populaire d'information générale ? Pensez-vous que
l'on puisse s'accommoder d'une presse réduite à deux ou trois titres, puisque le
rapport Lancelot, en service commandé, estime que le paysage médiatique n'a pas
atteint un degré de concentration excessif ? N'est-il pas temps de recalibrer
le système des aides à la presse, qui s'essouffle, au profit des entreprises qui
concourent au pluralisme ? Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de
rester spectateur ou prendrez-vous enfin des mesures fortes et immédiates pour
redonner vie à France-Soir et à la presse écrite dans notre pays ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. le
président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la
justice. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M.
Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme
vous le savez, monsieur Françaix, le ministre de la culture et de la
communication, M. Donnedieu de Vabres, est retenu au Sénat, où il défend le
projet de loi relatif au droit d'auteur dans la société de
l'information. Votre question intéresse tous les Français. Vous avez
distingué à juste titre deux sortes de presse : la presse d'information
générale, souvent quotidienne, qui est en crise, et la presse d'information
périodique, qui est en revanche en très bonne santé - à en croire les chiffres,
l'année dernière a vu la naissance de plus de 800 titres de presse
périodique. À partir de ce constat, que fait le Gouvernement ? (" Rien ! "
sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Eh bien, précisément, non !
Vous avez tort : le Gouvernement, grâce au vote de ceux qui ont bien voulu
approuver le budget, apporte des aides à la presse, à hauteur de 280 millions
d'euros. Cette action s'oriente délibérément dans la direction que vous
souhaitez, monsieur Françaix, car cette aide est essentiellement dirigée vers la
presse d'information politique et générale. Pour ce qui concerne
France-Soir, le Gouvernement attend sereinement l'audience de la cour
d'appel de Douai qui aura lieu vendredi prochain : seule la justice est
habilitée à choisir les futurs dirigeants de France-Soir. Si
France-Soir reste un journal d'information générale et politique, il
pourra compter sur l'aide du Gouvernement - qui, jusqu'à l'année dernière,
soutenait son fonctionnement par une aide de l'ordre de 2,5 millions d'euros.
C'est dire que le Gouvernement est soucieux d'aider une presse aussi générale
que pluraliste : cela va précisément dans le sens que vous souhaitez.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.)
|