AVENIR DES MANUFACTURES D'ORGUES
M. le président. La
parole est à M. Daniel Poulou, pour exposer sa question, n° 287, relative à l'avenir des manufactures d'orgues.
M. Daniel Poulou. Ma question s'adresse à M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, et j'y associe mes collègues des Pyrénées-Atlantiques, d'Alsace et des Bouches-du-Rhône, notamment Richard Mallié.
Le département des Pyrénées-Atlantiques compte un nombre d'orgues supérieur à la moyenne nationale. Les classes d'orgue à Pau, Bayonne, Lescar, Orthez, Ossès, le nombre croissant d'associations d'amis des orgues permettent, grâce à de nombreuses manifestations tout au long de l'année, d'animer une vie culturelle dense. Signe d'un intérêt nouveau des collectivités locales envers leur patrimoine, les orgues romantiques de Saint-Jean-Pied-de-Port et de l'église Saint-André-de-Bayonne, qui remontent respectivement à 1850 et 1863, ont été classées monuments historiques en 2000 et 2001. Après la récente réhabilitation de l'orgue de Saint-Pée-sur-Nivelle, puis la restauration du grand orgue historique de la cathédrale de Lescar, c'est maintenant celui de Saint-Jean-Pied-de-Port qui est en cours de restauration.
Depuis une dizaine d'années, des orgues neuves ont été construites à Ascain, Irissarry, Urt et au Boucau, pour ne parler que du Pays basque. L'orgue de Saint-Etienne-de-Baïgorry, réalisé en 1999 par l'un des meilleurs ateliers français, celui de Rémy Mahler, est fréquemment cité en exemple par le ministère de la culture pour sa réussite artistique et pour l'animation culturelle et touristique qu'elle entraîne dans la vallée de Baïgorry. Depuis deux ans, un cycle de concerts d'orgue mensuels a été lancé à Saint-Jean-de-Luz, avec un beau succès public. L'académie André-Marchal organise, quant à elle, avec la ville de Biarritz, un concours international d'orgue biennal renommé. Sont d'ores et déjà programmées la reconstruction du grand orgue de la cathédrale de Bayonne, la restauration de l'orgue historique de l'église Saint-André de Bayonne, ainsi que la construction d'un grand orgue neuf dans l'église d'Urrugne.
Malgré ce dynamisme, de graves difficultés existent, car les manufactures d'orgues françaises, dont l'excellence est internationalement reconnue, sont frappées par une crise qui a déjà provoqué la fermeture de plusieurs ateliers et des licenciements touchant une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Le budget du ministère de la culture consacré à la restauration des orgues classées monuments historiques, et surtout celui destiné à la construction d'orgues neuves, est en baisse constante depuis plusieurs années. Actuellement, il ne reste plus en France que neuf ateliers, vivant essentiellement de la production d'orgues neuves ; tous en situation précaire. A l'heure où l'on compte de plus en plus d'amateurs d'orgue en France, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir la construction d'orgues neuves, la restauration des orgues classées et pour sauver une catégorie d'artisans d'art, créateurs d'un patrimoine culturel unique dans nos régions ?
M. le président. Beau sujet !
La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la
communication. Monsieur le député des Pyrénées-Atlantiques, 8 000 orgues sont recensées sur le territoire national, dont 1 000 sont protégées au titre des monuments historiques. Ce patrimoine culturel et cultuel, ainsi que les métiers qui lui sont liés, représente un véritable trésor et l'un de mes premiers soins a été de rétablir, dans le budget de 2003, les crédits en leur faveur, qui avaient été un peu écornés au cours des années précédentes, comme vous l'avez rappelé. Ces crédits s'élèvent donc en 2003 à 2,5 millions d'euros pour les orgues protégées appartenant ou non à l'Etat, ce qui permettra de lancer une dizaine d'opérations nouvelles, notamment pour les orgues des cathédrales d'Orléans et du Mans. Pardonnez-moi, monsieur le député, d'évoquer ces deux villes qui ne sont pas situées dans le département des Pyrénées-Atlantiques, mais elles abritent des cathédrales et des instruments d'importance. En outre, 470 000 euros ont été réservés pour les orgues non protégées. Là aussi, une dizaine de projets pourront être soutenus, dont les orgues de Nontron en Dordogne, de Laroque-d'Olmes en Ariège, de Dorlisheim dans le Bas-Rhin et de Saint-Cloud dans le département des Hauts-de-Seine.
J'ai par ailleurs manifesté le souci que les facteurs d'orgues français soient en mesure de répondre aux appels d'offres passés grâce à cette masse de crédits. Ces appels d'offres sont européens, comme la loi nous l'impose, mais je souhaite que les facteurs français, dont chacun connaît la qualité et la réputation, puissent y accéder. Afin que le métier de facteur d'orgues puisse être transmis, je soutiens les dispositifs de formation, notamment le Centre national d'apprentis facteurs d'Eschau, dans le département du Bas-Rhin, où je me rendrai très prochainement.
J'étudie en outre actuellement avec mon collègue Renaud Dutreil des mesures permettant d'améliorer l'environnement économique et fiscal des manufactures d'orgues. Ensemble, nous avons tenu une table ronde avec les professionnels de ce secteur au cours du salon Musicora, il y a quelques semaines, et mon cabinet a longuement reçu le groupement des facteurs d'orgues. Après concertation avec mon inévitable collègue Alain Lambert, que je sais attentif à ce sujet, je proposerai dans les semaines qui viennent une série de mesures qui s'appuieront également très largement sur les propositions contenues dans le remarquable rapport que le sénateur Marcel Vidal m'a récemment remis à ce sujet.
Il nous appartient de veiller à ce que notre politique en faveur des orgues se déploie sur deux registres : celui de la restauration des instruments historiques - c'est sans doute le registre que l'on maîtrise le mieux, parce que c'est le plus conventionnel - et celui de la création d'instruments nouveaux, qui est souvent liée à l'initiative des propriétaires qu'il s'agisse d'associations cultuelles pour les édifices construits après 1905, des communes - elles sont propriétaires de l'essentiel du patrimoine cultuel de notre pays - ou de l'Etat, pour les cathédrales. Cela dit, il arrive à ce dernier de concourir à la réalisation d'instruments remarquables dans des édifices qui ne lui appartiennent pas. En tout cas, monsieur le député, je me tiendrai à votre entière disposition sur ces questions, sachant l'attachement que vous leur portez.
M. Daniel Poulou. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette réponse.