DEBAT :
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LIBERTE D'EXPRESSION DANS L'EDUCATION NATIONALE M. le président. La parole est à M. Yves
Durand, pour le groupe socialiste. M. Yves Durand. Ma
question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement
supérieur et de la recherche. Avec vous, monsieur le ministre, l'éducation
nationale va-t-elle devenir la Grande Muette ? M. Lucien
Degauchy. On n'entend qu'elle ! M. Yves Durand.
Voilà quelques semaines un chercheur reconnu comme l'un des spécialistes les
plus compétents en sciences de l'éducation, M. Roland Goigoux, a été, sur votre
injonction, purement et simplement interdit de cours. Sous quel prétexte ? Parce
qu'il avait écrit un livre, par ailleurs jugé excellent par tous les
spécialistes, dans lequel il émettait quelques critiques sur vos recommandations
en matière de lecture. Je note d'ailleurs qu'au cours d'un colloque au Collège
de France, s'étaient également manifestées sur le même sujet des réserves.
Cependant, les protestations unanimes contre cette mesure n'y ont rien changé
puisque, il y a quelques jours, un inspecteur du département du Nord a été
convoqué chez le recteur de l'académie de Lille pour être rappelé à l'ordre,
pour le même motif. (" Très bien ! " sur plusieurs bancs du groupe de l'Union
pour un mouvement populaire.) Au-delà de ces deux cas personnels, il
s'agit là d'une atteinte intolérable à la liberté de la recherche et d'une
marque supplémentaire de mépris envers le travail des enseignants, qui ont
devant eux des classes de plus en plus surchargées du fait de la suppression
massive de postes dans l'éducation nationale depuis 2002. (" Démago ! " sur
plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Alors
que vous annoncez une nouvelle vague de plus de 8 000 suppressions de postes
pour la rentrée prochaine, il est courant de dénombrer dès cette année plus de
trente élèves dans des classes de cours préparatoire. C'est bien là le véritable
obstacle à une bonne maîtrise de l'apprentissage de la lecture. (" La
question ! " sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.) Non content de retirer aux enseignants les moyens de faire
leur métier, vous mettez en cause leur travail et leurs compétences. Est-ce pour
masquer, monsieur le ministre, votre échec en matière éducative que vous
attaquez ainsi les enseignants ? (" La question ! " sur plusieurs bancs du
groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur le ministre,
votre seule ambition est-elle de mettre au pas les enseignants et les chercheurs
? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - " Scandaleux ! "
sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.) M. le président. La parole est à M. le
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche. M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le
député, j'aurais pu attendre de vous davantage de mesure et de sérénité pour
parler de la belle mission que remplit l'éducation nationale.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie
française.) J'aurais pu attendre de votre part beaucoup plus d'inquiétude
face aux 20 % de jeunes qui arrivent en sixième sans savoir lire. (" Eh oui !
" sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est cela notre préoccupation commune, à l'éducation nationale et à la
représentation nationale. J'aurais pu attendre de votre part aussi quelque
inquiétude au vu des résultats des tests des journées d'appel de la défense, qui
révèlent que 15 % des jeunes entre seize et dix-huit ans, presque des adultes
donc, sont en grande difficulté s'agissant de la lecture. M.
Christian Bataille et M. Patrick Lemasle. Répondez à
la question ! M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est cela, monsieur le
député, que vous auriez dû dénoncer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe
Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe
socialiste.) Je sais que les enseignants ont une tâche extrêmement
difficile, qui mérite mieux que des polémiques, qui mérite du respect, beaucoup
de respect. (" Répondez à la question ! " sur plusieurs bancs du groupe
socialiste.) Et c'est précisément par respect envers cette tâche que je leur
ai donné des programmes plus simples, plus efficaces, et fondés
scientifiquement. M. Patrick Lemasle. Vous ne répondez pas à
la question ! M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche. Ces programmes, monsieur
Durand, seront appliqués. M. Guy Geoffroy. Très bien
! M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement
supérieur et de la recherche. La mission des cadres, notamment des
inspecteurs, est d'accompagner les enseignants, de leur permettre de bien
assimiler ces programmes, de les épauler. Alors que penser quand on lit dans
une revue qu'un inspecteur est carrément contre les textes officiels ? ("
C'est scandaleux ! " sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.) Que vont penser les parents, qui confient leurs jeunes à
l'éducation nationale pour que celle-ci non seulement les instruise mais
également prépare leur insertion professionnelle ? (Applaudissements sur de
nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques
bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ce sont ces sujets que
vous auriez dû aborder, monsieur Durand. M. Patrick Lemasle
et M. Patrick Roy. Vous ne répondez pas. M.
le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche. Oui, un recteur fait actuellement une enquête
administrative, dont j'aurai à connaître dans quelques jours, et cela est bien
normal. C'est la beauté de la fonction publique, monsieur Durand, que d'avoir à
la fois des droits et des devoirs. Les droits, ce sont les avantages de la
fonction publique. Les devoirs, c'est notamment le respect des textes officiels.
(" Très bien ! " sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.) C'est cela la beauté et la noblesse de la fonction publique.
En ne parlant que de ses droits sans parler de ses devoirs, monsieur Durand,
vous affaiblissez la fonction publique. (Applaudissements et huées sur de
nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.-
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie
française.)
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