FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 301  de  M.   Bayrou François ( Union pour la Démocratie Française - Pyrénées-Atlantiques ) QG
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  Premier ministre
Question publiée au JO le :  16/01/2003  page : 
Réponse publiée au JO le :  16/01/2003  page :  107
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  institutions communautaires
Analyse :  réforme. perspectives
DEBAT :

PRÉSIDENCE DE L'UNION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe UDF.
    M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous interroger sur l'accord intervenu hier soir entre les dirigeants français et les dirigeants allemands sur une proposition de réforme des institutions européennes.
    Nous sommes nombreux à défendre depuis longtemps l'idée qu'il faut un président à l'Europe et, après avoir été longtemps discutée, cette idée a fait son chemin. Aujourd'hui, vous avez décidé de donner à l'Europe deux présidents : un président du Conseil, qui serait élu par les gouvernements, et un président de la Commission, qui serait élu par le Parlement européen.
    Cette idée nous paraît des plus dangereuses parce que, s'il y a deux présidents, il y aura deux légitimités et il y aura concurrence et affrontement entre les deux présidents et les deux légitimités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    Nous avons fait en France, depuis des années, l'expérience funeste de ce que la cohabitation peut apporter comme dégâts dans un pays.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. C'est vrai.
    M. François Bayrou. Pourtant, la France est un pays unitaire depuis des siècles. Imaginez ce que serait une telle cohabitation entre deux présidents dans une Europe à vingt-cinq, avec, de surcroît, des pays non européens comme la Turquie, puisque vous en avez décidé ainsi.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Absolument !
    M. François Bayrou. Renoncez à une idée aussi funeste.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Très bien !
    M. François Bayrou. On le voit à propos de l'Irak. Ce que scrutent les télévisions et les radios, c'est le moindre froncement de sourcils du Président Bush. Nous sommes nombreux à rêver qu'un jour un président européen soit aussi influent pour les affaires qui concernent l'avenir de l'Europe à la surface de la planète. Nous avons besoin d'une Europe lisible par ses citoyens et audibles par les puissances extérieures. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je note une légère inexactitude dans votre propos, monsieur le député. « Vous avez décidé », dites-vous. Non : la France et l'Allemagne proposent une contribution à la Convention. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Derosier. Qui gouverne ?
    M. le Premier ministre. C'est très important, car on a trop souvent donné le sentiment que la France était arrogante (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ou voulait décider pour les autres. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Parler de la France, c'est parler du Président de la République !
    M. le Premier ministre. L'Histoire a montré que l'Europe avance quand il y a un accord franco-allemand.
    M. Philippe de Villiers. Ce sont les Allemands qui décident !
    M. le Premier ministre. Ce qui nous paraît très important, c'est qu'il puisse y avoir une contribution commune de la France et de l'Allemagne. Bref, il ne s'agit pas d'une décision mais d'une contribution. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ce dossier a été évoqué à plusieurs reprises par quelqu'un que vous et moi connaissons bien, M. Giscard d'Estaing.
    L'Europe a une double culture des Etats-nations, représentés par le Conseil, et celle des peuples, représentés par le Parlement, la Commission étant le garant de l'intérêt général européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous ne voulons pas que l'on mésestime la culture des Etats-nations (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), et nous voulons respecter la culture des peuples exprimée par le Parlement.
    Vous avez été parlementaire européen, je l'ai été aussi, nous savons bien qu'il y a deux tendances, un courant plus intégrationniste et Les partisans des concepts de fédération d'Etats-nations. Les Allemands, dans leur histoire, ont toujours poussé dans le sens d'une plus forte intégration, qui fait de la Commission la pièce centrale. Nous, nous avons toujours pensé qu'il fallait faire attention aux dérives technocratiques et bureaucratiques d'une Europe lointaine, distante, ne respectant pas forcément les préoccupations quotidiennes du citoyen (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), et n'intégrant pas ce qu'il y a de charnel dans le concept d'Etat-nation.
    Plutôt que de laisser l'Europe débattre sans avoir reçu un message clair franco-allemand, le Chancelier et le Président de la République ont décidé d'adresser à M. Giscard d'Estaing une contribution commune. Chacun a fait un pas. Dans notre histoire, d'ailleurs, qu'il s'agisse du Général de Gaulle et d'Adenauer, de Valéry Giscard d'Estaing et d'Helmut Schmidt, de François Mitterrand et d'Helmut Kohl, ou, aujourd'hui, de Jacques Chirac et de M. Schröder, on parvient à des accords quand chacun fait un pas vers l'autre.
    Nous avons fait un pas vers les Allemands : nous acceptons que le président de la Commission soit élu à la majorité qualifiée par le Parlement européen, avec une ratification par le Conseil. En retour, nous obtenons que le président du Conseil, représentant les Etats-nations, dispose de la durée et de la stabilité. Il sera, en effet élu par ses pairs pour cinq ans, ou pour deux ans et demi renouvelables. Nous savons tous l'importance de la durée et de la continuité dans une relations institutionnelle de cette nature.
    Les Allemands ont fait un pas, les Français aussi : c'est cela la construction européenne ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous voulons soumettre cette contribution à l'Europe, à tous les pays qui sont aujourd'hui rassemblés dans la Convention, et essayer de les convaincre. Cette nouvelle Europe que nous sommes en train de construire - et c'est avec émotion que je salue la présidente du Parlement de la Hongrie (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste), qui va appartenir à cette Europe nouvelle - définit une nouvelle géographie, mais il lui faudra aussi de nouvelles institutions qui, pour être durables, devront être celles de toute l'Union européenne, et inspirées naturellement par l'entente franco-allemande. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

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