ACCORD GÉNÉRAL SUR LE COMMERCE DES
SERVICES
M. le président. La
parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s
communistes et républicains.
M. Jacques
Desallangre. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous
allez présenter la liste des services publics que vous souhaitez offrir à la
concurrence et privatiser dans le cadre des négociations de l'AGCS, au sein de
l'Organisation mondiale du commerce.
Le commissaire européen Pascal
Lamy, qui négocie pour l'Europe, ce qui engage la France, nous invite à prendre
nos responsabilités politiques et à ne pas nous défausser de celles-ci sur
Bruxelles ou l'OMC. Sur ce point, comme il a raison ! L'Europe pourrait en
effet, au lieu de collaborer à une libéralisation débridée, recueillir
l'adhésion d'une large majorité de citoyens si, en son sein, la France faisait
preuve d'une réelle volonté politique, par exemple en exportant son modèle de
service public qui, seul, assure l'égalité d'accès de tous.
Mais M. Lamy se trompe à
double titre lorsqu'il affirme que l'AGCS est élaboré de façon transparente et
ne menace pas nos services publics. En effet, cet accord qui, astucieusement,
tire les leçons du projet d'AMI que nous avons combattu avec succès sur ces
bancs, s'élabore en dehors de tout contrôle démocratique. Qui connaît
précisément la liste des services publics que la France soumettra au marché ?
Les transports, l'énergie, l'enseignement, la santé, la poste ? Le vote des
députés UMP hier, à Strasbourg, en faveur d'une libéralisation totale du rail,
n'incite guère à l'optimisme.
Le
colloque organisé par notre collègue Jean-Claude Lefort a certes permis de lever
le voile sur cet abandon de souveraineté sans contrôle démocratique, mais
personne n'est informé du contenu de cette liste, je le répète.
Le courage politique d'assumer vos
décisions vous manquerait-il, monsieur le Premier ministre, dès lors que
vous savez que celles-ci ne recueillent pas l'adhésion de ce peuple que vous
qualifiez avec condescendance de « France d'en bas » ?
M. Dominique Dord.
Arrêtez !
M. Jacques
Desallangre. L'AGCS a pour objet de libéraliser tous les services et de
réduire l'Etat. Demain, la poste, EDF-GDF, la SNCF, les écoles, les hôpitaux,
les mutuelles, les assurances sociales (Exclamations sur
de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité
présidentielle)...
Plusieurs députés du groupe de
l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
M. Jacques
Desallangre. ... seront sacrifiés au marché, bradés aux
entreprises privés chargées d'extraire pour leurs actionnaires le maximum de
bénéfices plutôt que d'assurer à tous le meilleur service à un prix
raisonnable.
M. le président.
Posez votre question !
Mme Sylvia Bassot.
Faites-le taire !
M. Jacques
Desallangre. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous décidé à exiger
pour la France un moratoire sur ces négociations tant que nous n'aurons pas
obtenu des garanties juridiques précises sur la sauvegarde de l'ensemble de nos
services publics ?
M. le président.
Monsieur Desallangre, venez-en à votre question.
M. Jacques
Desallangre. La France ne sera pas arrogante, elle défendra simplement
un héritage intéressant et précieux.
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Si
vous parlez de transparence en ce domaine, monsieur le député, je peux tout de
suite vous répondre oui. Notre position fera l'objet d'une concertation avec les
ONG et les parlementaires, tout simplement parce que ce sera la position de
notre pays.
Par contre, si vous
voulez dire que la négociation sur le commerce des services n'a pas
d'importance, vous vous trompez.
M. Jacques
Desallangre. C'est scandaleux !
M. le ministre délégué au
commerce extérieur. Elle est, en effet, fondamentale ! Savez-vous que
l'Union européenne est le premier commerçant de services dans le monde et la
France le troisième ? Savez-vous que le commerce extérieur de services
représente 10 % de l'emploi en France ? Nous avons donc une action à la
fois offensive et défensive à mener.
Il est bien évident que la banque,
les services de l'environnement - eau, traitement des déchets - et les
assurances sont des domaines importants, pour lesquels nous avons des demandes à
formuler aux autres pays, et nous le faisons.
Sur ce plan défensif,
depuis 1999, nous avons donné pour mandat à l'Union européenne de
sanctuariser tous les biens culturels et l'audiovisuel. En outre, en
juin 2002, ce gouvernement a déclaré dans le cadre de l'Union européenne
qu'il ne devrait jamais y avoir de libéralisation concernant la santé et
l'éducation.
Concernant les
autres sujets, ce sont des fantasmes que d'imaginer que les autres pays nous
demandent de libéraliser comme vous le décrivez ! En réalité, il n'y a
presque pas de demande en ce sens, si ce n'est de la Suisse, qui demande une
libéralisation des services de l'énergie, ou du Japon, qui demande de petites
modifications techniques.
Je
vous invite donc à prendre connaissance précisément de ces questions.
M. Jacques
Desallangre. Je n'ai pas de leçon à recevoir !
M. le ministre délégué au
commerce extérieur. Vous pouvez être sûr que nous ne voulons pas, avec
Jean-Pierre Raffarin, subir. Nous avons au contraire décidé de construire la
mondialisation en partenariat avec tous ceux qui ont quelque chose à nous
apporter. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.
- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité
présidentielle.)