FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 30304  de  Mme   Gautier Nathalie ( Socialiste - Rhône ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  15/12/2003  page :  9574
Réponse publiée au JO le :  14/09/2004  page :  7181
Date de changement d'attribution :  31/03/2004
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  établissements
Analyse :  conditions de détention
Texte de la QUESTION : Mme Nathalie Gautier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétante situation des prisons en France et les problèmes issus de la surpopulation carcérale. En 2000 et pour la première fois depuis 125 ans, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par Louis Mermaz étudiait précisément la situation des établissements pénitentiaires pour en dresser un constat accablant et avancer des propositions urgentes. Á la suite de ce travail d'envergure, le gouvernement Jospin avait pris des directives pour assurer aux détenus des conditions de détention plus satisfaisantes : dispositions privilégiant l'accès à une rémunération par le travail, fourniture de produits d'hygiène, facilités de sorties des personnes les plus démunies par la distribution de « kits sortants ». En 2001, une circulaire a précisé les actions à mener pour une meilleure prise en charge des publics indigents. Or, malgré des rapports tels celui de Jean-Luc Warsmann sur les peines alternatives, une étude du ministère de la santé de 2002 indiquant que 55 % des entrants en prison souffrent d'au moins un trouble psychiatrique, le rapport 2003 de l'Observatoire international des prisons (OIP) sur « la descente aux enfers » des prisons françaises ou la proposition du groupe socialiste de l'Assemblée nationale pour la création d'une commission d'enquête sur l'augmentation du nombre de suicides dans les prisons, aucune mesure nouvelle n'a été prise récemment alors que la surpopulation carcérale explose : le nombre de détenus a atteint au 1er avril un niveau jamais égalé depuis 1945. Le taux d'occupation moyen des prisons est de 120,5 % en France contre 149,5 % dans le Rhône. En date du 1er novembre 2003, 58 661 personnes étaient détenues dans les prisons françaises pour une capacité de 48 664 places. Pour une capacité de 361 hommes, le taux d'occupation de la maison d'arrêt de Lyon atteint 219 % tandis que la maison d'arrêt de Montluc atteint 269 % pour une capacité d'accueil de 24 femmes. Aussi, elle lui demande s'il envisage de remédier rapidement à cette situation inadmissible et indigne de la République et quels sont les moyens qu'il compte prendre pour favoriser les conditions de détention et soutenir le personnel, qui mène un travail difficile.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la situation de surpopulation dans les établissements pénitentiaires retient toute son attention. Le programme immobilier, inscrit dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice promulguée le 9 septembre 2002, prévoit ainsi la construction de 13 200 places, dont 10 800 places au sein de nouvelles prisons, 2000 places réservées à l'application de nouveaux concepts orientés vers la réinsertion et 400 places destinées à l'accueil des mineurs. Ce programme, en plus de contribuer à réduire le déséquilibre actuel de la carte pénitentiaire, permettra de mieux prendre en compte la diversité de la population carcérale et d'améliorer les conditions de détention des personnes incarcérées. La loi d'orientation et de programmation pour la justice a, en outre, apporté plusieurs améliorations au dispositif de prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques, ceci conformément à la volonté constante des pouvoirs publics d'assurer un meilleur suivi des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Le texte opère, pour les personnes détenues, la fusion des régimes d'hospitalisation sous contrainte (hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la nécessité des soins. L'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des personnes détenues, avec ou sans leur consentement, sera, à terme, réalisé dans des établissements de santé et non plus dans des établissements pénitentiaires. Pour parvenir à cet objectif, des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) seront créées et rendront possible, au sein d'un établissement de santé, l'hospitalisation complète des personnes détenues souffrant de troubles mentaux, qu'elles soient consentantes ou non. Les activités des actuels services médico-psychiatriques régionaux (SMPR) seront alors progressivement recentrées sur les soins ambulatoires diversifiés, incluant les hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers thérapeutiques. En outre, en ce qui concerne plus spécifiquement la problématique du suicide en milieu carcéral, il convient de rappeler que la direction de l'administration pénitentiaire conduit une politique active de prévention des suicides en détention, amorcée par une première circulaire le 15 février 1967. Sur la base de nombreuses études menées sur le sujet et à la suite d'un programme expérimental lancé en 1997, une nouvelle circulaire du 29 mai 1998 a défini les axes fondamentaux de la prévention du suicide en milieu pénitentiaire. Plus récemment, ce texte a été complété, dans le cadre de la stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 initiée par le ministère de la santé, par une circulaire interministérielle du 26 avril 2002 cosignée par les ministres de la justice et de la santé. Parallèlement, en novembre 2002, a été installée une commission centrale pluridisciplinaire de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral composée de magistrats, de fonctionnaires de la direction de l'administration pénitentiaire et du ministère de la santé. Elle est notamment chargée de veiller au recensement effectif de tous les décès par suicide en détention, de contrôler la bonne application des dispositions édictées en matière de prévention du suicide et de rechercher de nouveaux axes d'amélioration. Par ailleurs, aux fins d'évaluer et de parfaire les dispositifs existants en matière de prévention des suicides en détention, le garde des sceaux et le ministre de la santé ont conjointement confié, le 23 janvier 2003, une mission à M. le professeur Jean-Louis Terra. Ce spécialiste reconnu a rendu ses recommandations le 10 décembre 2003 destinées à réduire le nombre de suicides en milieu pénitentiaire. Le garde des sceaux a retenu cet objectif en engageant notamment une action immédiate de formation à l'intervention face à la crise suicidaire pour 2 200 personnels ainsi que l'intégration de diverses préconisations relatives à l'aménagement des cellules, le renforcement de la pluridisciplinarité et un plus grand soin porté à la prise en charge de l'après-suicide. Il a aussi été décidé, suite aux différentes préconisations du rapport Terra, de tester, sur trois ou quatre sites pilotes, des dispositifs expérimentaux qui pourront éventuellement faire l'objet d'une généralisation ultérieure. Seront, entre autres, évalués les actions de formation de codétenus à la gestion de la crise suicidaire et l'aménagement de cellules spécialement conçues pour la surveillance de personnes détenues identifiées comme traversant une crise suicidaire. Une étude sera menée pour évaluer également la possibilité de constituer un document partagé qui aurait vocation à suivre la personne, de la garde à vue à l'écrou, afin de permettre une meilleure estimation du risque suicidaire à chaque stade procédural et d'anticiper les actions à entreprendre. Une réunion de travail commune aux référents prévention suicide des DRSP et des DRASS a été organisée le 1er juin 2004. A cette occasion la forte mobilisation des services pénitentiaires et sanitaires dans ce dispositif a été soulignée. Le plan de formation à l'intervention de crise, élément majeur de la prévention du suicide, a été lancé et plusieurs groupes de travail santé-justice seront chargés dès septembre 2004, de travailler à la mise en oeuvre des autres dispositifs expérimentaux et de l'étude. Parallèlement à l'amélioration des conditions de détention et bien conscient que la prison ne peut constituer la seule réponse pénale à la délinquance, le ministère de la justice est fortement mobilisé sur la définition et la consolidation des alternatives à l'incarcération et des aménagements de peine. Dans le prolongement des conclusions du rapport de monsieur le député Jean-Luc Warsmann, déposé le 28 avril 2003, les places en semi-liberté vont être augmentées de manière conséquente. Dans un premier temps, l'objectif fixé porte sur la création de 1000 places. De surcroît, les services de l'administration pénitentiaire développent des partenariats, sur l'ensemble du territoire national, afin de proposer aux magistrats des places de travail d'intérêt général ainsi que des placements à l'extérieur diversifiés et en nombre suffisant. Des moyens importants sont ainsi mis en oeuvre pour développer le placement sous surveillance électronique. Par ailleurs, les dispositions du rapport Warsmann relatives aux peines alternatives à l'incarcération, aux modalités d'exécution des courtes peines et à la préparation à la sortie de prison ont été adoptées par le Parlement. Elles visent à favoriser, d'une part, le prononcé des peines alternatives à l'incarcération et, d'autre part, l'aménagement des peines ab initio. Les prérogatives du juge de l'application des peines ont aussi été renforcées pour améliorer le taux d'exécution des peines et diversifier leur mode d'exécution, en privilégiant notamment leur aménagement. Enfin, dans le prolongement de la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), le Parlement a adopté un nouveau dispositif renforçant la place des missions d'insertion et de probation au coeur de l'administration pénitentiaire, notamment en conférant au directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation un rôle majeur dans les propositions d'aménagement de peine pour certains condamnés. Sont notamment concernés les condamnés auxquels il reste trois ou six mois d'emprisonnement à subir qui pourront bénéficier de mesures de semi-liberté, placement extérieur et placement sous surveillance électronique.
SOC 12 REP_PUB Rhône-Alpes O